Suite à la répression policière ayant eu lieu durant la Belgian Pride le samedi 18 mai 2019, nous avons choisi d’écrire cette tribune pour dénoncer les violences policières et la banalisation de l’extrême-droite.
Nous avons choisi de rejoindre le cortège VNR pour des raisons politiques. L’objectif était de dénoncer la présence des partis politiques qui bafouent la charte de la Belgian Pride (et qui constituent une majorité du cortège politique), en particulier la N-VA ainsi que les grandes entreprises multinationales (Ben & Jerry’s, BNP Paribas, Johnson & Johnson, Deloitte, etc.) qui profitent de la Pride pour faire leur publicité.
Nous nous sommes donc rassemblé·e·s comme prévu devant les chars politiques, séparé·e·s par un cordon policier, et attendions le départ du cortège pour manifester et porter notre message dans la continuité de la charte et du thème (l’intersectionnalité) de la Belgian Pride. Nous avions d’ailleurs commencé à énumérer les noms d’une liste interminable de victimes des discriminations LGBTQI+phobes et putophobes(1)Oppression envers les personnes prostituées, assassinées ou poussées au suicide.
Il n’a fallu que quelques minutes (avant même le départ du cortège) pour être totalement encerclé·e·s par les policier·e·s. Le bloc a été alors poussé manu militari sur le trottoir attenant à la manifestation afin de nous empêcher de l’intégrer et d’exercer notre liberté d’expression. Cette bousculade a mis en danger des personnes qui se sont faites piétiner.
La police a également gazé et frappé les militant·e·s sans qu’il n’y ait eu de violences de leur part, le tout sans aucune sommation.
L’ensemble des policier·e·s présentes n’arboraient pas leur plaquette d’identification obligatoire. L’un des auteurs de ces lignes s’est vu intimer l’ordre de “fermer sa gueule” et a reçu des remarques grossophobes en sortant de la nasse. D’autres témoignages font état d’agressions sexuelles, d’insultes (notamment transphobes), de provocations et des commentaires les sortant de leur devoir de réserve.
Nous avons été immobilisé·e·s pendant plusieurs heures afin que la N-VA (escortée par un important dispositif policier) et les autres chars politiques puissent faire leur campagne électorale sans contradiction.
D’autres manifestant·e·s ont courageusement tenté de bloquer collectivement le passage de la N-VA mais ont là aussi été écarté·e·s avec force par l’armada policière entourant le char.
Ce n’est qu’après avoir vu défiler tout le cortège et après le passage des voitures-balais que nous avons été relâché·e·s suite à un fichage minutieux par la police.
Il est intéressant d’interroger la stratégie policière : la volonté était probablement d’éviter d’emmener des manifestant·e·s au poste (la police annoncera d’ailleurs dans la presse qu’il n’y avait pas eu d’arrestations) bien que nous ayons été privé·e·s de liberté assez longtemps pour être considéré·e·s comme en état d’arrestation administrative. Cela a sans doute été fait pour éviter un trop grand scandale tout en nous épuisant et nous démoralisant assez pour ne pas avoir l’envie de rejoindre le cortège une fois dispersé·e·s.
Même la police ne semble pas savoir pourquoi elle nous a nassé·e·s : la version policière(2)https://www.rtbf.be/info/societe/detail_belgian-pride-parade-2019-le-cortege-s-est-elance-les-organisateurs-attendent-plus-de-100-000-participants?id=10223969 justifie notre arrestation au prétexte que nous bloquions la route. Or, le cortège n’avait même pas encore commencé à bouger quand nous avons été nassé·e·s(3)Les images du reportage d’EODP le prouvent : https://www.facebook.com/EODP.eu/videos/436041157207852?t=3676 !
Nous ne sommes plus très loin de Minority Report(4)Film de Steven Spielberg où la police de Précrime arrête les criminels juste avant qu’ils ne commettent leurs méfaits : fr.wikipedia.org/wiki/Minority_Report quand la police se permet d’arrêter administrativement des militant·e·s au cas où ielles atteindraient à l’ordre public. C’est un glissement totalement anti-démocratique et autoritaire où les partis instrumentalisent la police pour faire taire les voix dissonantes.
Le message était donc clair : laisser les grands partis politiques mener campagne, laisser les grandes entreprises faire leur publicité et faire taire les militant·e·s LGBTQI+ qui souhaitaient re-politiser la Pride, dénoncer la présence de l’extrême-droite et commémorer le cinquantenaire des émeutes de Stonewall.
Nous tenons à signaler que nous avons été soutenu·e·s pendant ces quelques heures par au moins une centaine de personnes dont les élu·e·s (ou candidat·e·s) d’Ecolo Zoé Genot, Alain Maron et Simon Moutquin (même si leur char ne s’est pas arrêté pour nous soutenir). Nous regrettons par contre que les blocs du PTB(5)https://www.facebook.com/Axoul/videos/10161931273495486/, du PS et de la FGTB n’aient exprimé aucune solidarité envers les militant·e·s arrêté·e·s et n’aient pas communiqué a posteriori sur la répression.
Nous, militant·e·s de la Gauche anticapitaliste, des Jeunes anticapitalistes, LGBTQI+ ou allié·e·s, dénonçons ce déni de démocratie et ces arrestations arbitraires de la police bruxelloise (majorité communale : PS – Ecolo-Groen – DéFI – sp.a). Nous avons été interdit·e·s de manifester et n’avons pas eu le droit de circuler librement, contraint·e·s par la police qui n’a même pas cherché à dialoguer ou à nous expliquer la situation avant de nous nasser. Pour rappel, une arrestation administrative n’est supposée être légale qu’en cas d’absolue nécessité.
Nous demandons que les organisat·eurs/rices de la Belgian Pride se désolidarisent de ce coup de force liberticide et prennent leurs responsabilités en refusant la présence de la N-VA dans les prochaines marches. Nous appelons tout·e·s les militant·e·s pour la démocratie à dénoncer la répression.
Le fait que la police se mette au service de partis politiques et des multinationales pour intimider les mouvements sociaux est proprement inacceptable dans un état de droit et plus encore dans un événement militant comme la Pride.
La Pride commémore des émeutes contre les violences policières subies par les LGBTQI+ : que nous subissions cette violence lors du cinquantenaire des émeutes de Stonewall est inacceptable et trahit l’héritage de nos luttes.
Les militant.e.s de la Gauche anticapitalistes des Jeunes anticapitalistes arrêté·e·s.
Notes