À Ghlin, dans la région de Mons, l’entreprise EnviroLead veut recycler 150.000 tonnes de déchets contenant du plomb (1)« L’activité consiste à recycler annuellement 150.000 tonnes de déchets spécifiques dont 80% sont des batteries au plomb et 20% sont constitués de déchets divers en plomb. », https://envirobelgium.eu/Presentation-avant-enquete-publique-16-02-2022.html par an dans une nouvelle giga-usine. À première vue, recycler pourrait paraître une bonne initiative pour la planète et pour les gens… Mais dans ce cas précis, il n’en est rien !
La première demande de permis d’exploitation de l’entreprise s’est vu imposer, en septembre, un refus des fonctionnaires de la Région wallonne (cellule IPPC – établissements avec potentiel majeur de pollution sur l’environnement) et de la direction des eaux de surface du Service public de Wallonie (SPW). Dans un deuxième temps, l’entreprise a introduit un recours et de nouvelles données au sujet du rejet des eaux dans le canal Nimy-Blaton-Péronnes. Ce recours a abouti et le permis a été accordé en novembre 2022.
Les riverains s’organisent
Entre-temps les habitant·e·s des communes proches (Ghlin, Baudour, Herchies, Erbisoeul, Jurbise…) se sont documenté·e·s et ont décidé de s’organiser dans le groupe NON à EnviroLead, tous empoisonnés, tous concernés. Celui-ci a déjà tenu deux réunions publiques (à Jurbise et à Jemappes) pour informer et mobiliser la population. Le dossier EnviroLead a été épluché sous toutes les coutures : la présentation Power-Point qui sert de support aux réunions d’information détaille toutes les conséquences présumées de l’implantation de cette entreprise. Forts de ces arguments, les responsables du groupe ont décidé d’introduire un recours en suspension et annulation devant le Conseil d’État. Une pétition a été lancée (déjà plus de 2000 signatures) en vue d’obtenir une audition au Parlement wallon. Des affichettes ont été imprimées. Et des dizaines de personnes se sont engagées à faire circuler.
EnviroLead
Il ne s’agit pas vraiment d’une nouvelle entité en Belgique. Basée au sein de la Maison de l’Entreprise à Mons, elle se présente de la sorte sur le site de celle-ci : « EnviroLead est une entreprise commerciale active dans le domaine du Plomb. » (notez bien cette première définition, nous y reviendrons) En amont, EnviroLead achète des batteries usagées en Europe continentale pour les faire recycler par sa société sœur Envirowales (2)« Envirowales Limited est une usine de recyclage de batteries au plomb à la pointe de l’industrie située à Ebbw Vale, dans le sud du Pays de Galles. Notre objectif est de recycler le plus possible les composants de la batterie. Actuellement, nous atteignons une efficacité de recyclage de plus de 95% et continuons à travailler pour augmenter ce chiffre. Le plomb bénéficie de l’un des taux de recyclage les plus élevés au monde, avec une consommation mondiale annuelle estimée à 50% satisfaite par des matériaux recyclés. », http://www.envirowales.com/ au Pays de Galles (UK) de la manière la plus efficiente et la plus respectueuse de l’environnement possible. En aval, EnviroLead distribue les produits plombeux de différentes usines du groupe 2iM, que ce soit dans les domaines de la construction (toiture), de la protection de radiation ou dans les applications liées aux batteries Plomb Acide. » C’est donc cette entité qui prépare depuis trois ans l’installation d’un nouveau site comparable à la société du Pays de Galles (mais beaucoup plus vaste).
Les batteries et le plomb…
Dans une brochure destinée au secteur de la santé, sur le recyclage des batteries au plomb usagées, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclare : « Le plomb est une substance toxique cumulative qui affecte différents systèmes de l’organisme, notamment les systèmes neurologique, hématologique, gastro-intestinal, cardiovasculaire, reproducteur et rénal. Les nourrissons et les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables à l’exposition au plomb et à sa toxicité. » (3)WHO-FWC-PHE-EPE-17.02-fre.pdf
Elle donne aussi quelques chiffres clés qui vont nous permettre de mieux comprendre le dossier EnviroLead : « La fabrication de batteries au plomb représente environ 85% de la demande mondiale de plomb raffiné. Une grande partie de cette demande est satisfaite au moyen de plomb recyclé, dont l’une des principales sources est le recyclage de batteries au plomb. Le recyclage du plomb est une cause majeure de contamination de l’environnement et d’exposition des personnes, ce qui pose problème en raison des effets importants et durables de l’exposition au plomb sur la santé humaine. »
Deux décès par minute L’OMS estime que l’exposition au plomb est responsable de 21,7 millions d’années perdues en termes d’invalidité et de décès dans le monde, en raison de ses effets à long terme sur la santé. Selon l’agence onusienne, 30% de la déficience intellectuelle idiopathique, 4,6% des maladies cardiovasculaires et 3% des maladies rénales chroniques peuvent être attribuées à l’exposition au plomb. (4)https://news.un.org/fr/story/2022/10/1129107 La pollution au plomb dans le monde est responsable de 902.000 décès par an, soit deux décès par minute. La mortalité liée au plomb a augmenté de 21% de 1990 à 2019. Un tiers des jeunes de 0 à 19 ans présente un niveau dangereux de plomb dans le sang, soit 800 millions de jeunes en risque de saturnisme. |
La preuve par Metaleurop (Fr)
Vingt ans après la fermeture de Metaleurop à Noyelles-Godault, la polémique et l’inquiétude sont relancées dans le Pas-de-Calais. Dans le cadre d’un documentaire de France 5, des journalistes révèlent de nouvelles analyses. Elles mettent au jour le niveau toujours très élevé du plomb dans les environs de l’ancienne fonderie.
5815 enfants atteints de saturnisme entre 1962 et 2020
Sur les lieux de l’ancien site Metaleurop, les relevés vont de 6500 mg/kg à 232.415 mg/kg, des chiffres bien supérieurs aux 300 mg/kg réglementaires. Le constat est le même pour la commune voisine d’Evin-Malmaison : un échantillon à 1706,06 mg/kg a été relevé dans le jardin d’un habitant et un autre à 484,9 mg/kg dans l’enceinte de l’école maternelle Françoise Dolto. (5)« Pas-de-Calais: la pollution au plomb toujours très présente autour de l’ancienne usine Metaleurop », BFMTV, https://www.bfmtv.com/grand-lille/pas-de-calais-la-pollution-au-plomb-toujours-tres-presente-autour-de-l-ancienne-usine-metaleurop_AV-202204300158.html
Un enjeu « Capital »…
Que ressort-il de tous ces chiffres et en quoi influencent-ils les choix à faire dans le dossier EnviroLead ? Quand on combine ces différentes informations, on comprend mieux la stratégie de l’entreprise qui est avant tout guidée par « les impératifs du marché » c’est-à-dire la recherche du profit maximum…
Quand on combine les différentes informations, on comprend mieux la stratégie de l’entreprise qui est avant tout guidée par « les impératifs du marché » c’est-à-dire la recherche du profit maximum…
Cette stratégie est annoncée sans détours par Envirowales : « Le plomb bénéficie de l’un des taux de recyclage les plus élevés au monde, avec une consommation mondiale annuelle estimée à 50% satisfaite par des matériaux recyclés.(…) Le recyclage du plomb ne nécessite qu’environ un tiers de l’énergie nécessaire pour produire du plomb à partir de ses minerais, ce qui entraîne d’importantes économies » (6)http://www.envirowales.com/. Ce sont ces considérations qui poussent EnviroLead à essayer de capter la plus grande part possible du marché du recyclage du plomb.
C’est la même logique qui conduit à construire un des plus grands sites de recyclage dans le zoning de Ghlin (7)La capacité du site de Ghlin, avec ses 155.000 tonnes de batteries à traiter, serait trois ou quatre fois supérieure à celles des sites des concurrents. À titre d’exemple : 61.000 tonnes pour les deux sièges de Recylex (rachetés par la Groupe Campine) en France., un site de 10 hectares, situé dans une zone industrielle classée Seveso, une usine de 20.000 m2. Un site qui sera alimenté par des batteries usagées collectées en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France… Ce qui va générer d’autres formes de pollution, notamment par l’accroissement considérable du trafic routier pour le transport des 150.000 tonnes de déchets à traiter et à évacuer à la fin des opérations de recyclage. Cette logique de concentration capitaliste a été illustrée il y a une dizaine d’années quand cinq grands groupes spécialisés dans le recyclage du plomb ont été accusés par la Commission européenne d’entente sur les prix des batteries de voitures usagées en Belgique, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas entre 2009 et 2012.
Soutenir le combat des riverains
Lors de la réunion d’information tenue à Jemappes, les responsables du collectif citoyen ont détaillé les principaux griefs contre l’implantation de cette entreprise qui est loin d’être le modèle écologique qu’elle prétend être. Pharmacienne, médecins, ingénieurs et juriste ont tour à tour exploré les conséquences pour la santé de la population, en particulier des enfants et femmes enceintes. Mais également mis en évidence des risques pour la qualité des eaux (plusieurs captages dans un rayon de 2 km), pour les sols et l’agriculture (ce qu’il en reste), pour la faune et la flore (le bois de Baudour se trouve dans le couloir principal de vent)… Si vous croyez être à l’abri de ces nuisances parce que vous n’habitez pas (ou ne travaillez pas) juste à côté de ce gros pollueur…
De nombreuses questions ont été posées par le public, principalement sur le recours introduit au Conseil d’État et sur l’attitude des milieux politiques de la région. Ce qui a fait l’unanimité, c’est la volonté de se battre jusqu’au bout contre cette implantation industrielle.
Pour soutenir concrètement :
- Signer la pétition en ligne pour le parlement wallon
- Diffuser le matériel de mobilisation qui est disponible dans de nombreux lieux (magasins, boulangeries, pharmacies, stations de carburants…) et peut être commandé en ligne ou par mail. (8)NON à EnviroLead, tous empoisonnés, tous concernés – nonaenvirolead@protonmail.com
Le comité NON à EnviroLead, tous empoisonnés, tous concernés estime que « si cette usine est construite elle rejettera plus de 1007 kg de plomb et plus de 170 kg de cadmium dans l’atmosphère chaque année, causant une grave pollution de l’air et de l’eau. |
Photo : DR
Notes