À la fois malgré et en raison du contexte économique, social et de santé, le 21 mars 2021 fut un retour à l’action dans l’espace public ! Plusieurs centaines de militant.e.s associatif y ont participé. L’année dernière, nous avions été freinés net dans notre mobilisation pour notre manifestation annuelle (qui se situe dans le cadre des actions mondiales de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale). En dernière minute, suite à l’interdiction des autorités politique de maintenir notre action en rue, nous avions dû inventer une action médiatique et virtuelle (qui a eu son petit succès mais qui n’avait pas été repris par les grosses chaines et journaux d’informations). Cette année, profitant de l’autorisation de bulles statique de maximum 100 personnes, nous avions décidé de décentraliser nos actions dans un maximum de villes.

Bien nous a pris, car cela nous a permis de remobiliser localement les 180 organisations membres de la plateforme 21 mars. Quelques 15 rassemblements ont été organisés à travers le pays (Ostende, Brugge, Gand, Anvers, Louvain, Limbourg, Bruxelles, Ixelles, Schaerbeek, …), dont également pour la première fois dans 4 villes wallonnes (Liège, Namur, Charleroi et Mons). Le caractère inter-régional, en contact avec les syndicats, les associations antiracistes et les collectifs de personnes racisées, de sans-papiers et des victimes de violence policière qui s’est construit depuis 2018 autour de 6 revendications de lutte contre le racisme structurel et systémique favorise certainement sa vitalité (pour des test de situation pro-actif pour prouver les discriminations, contre le profilage ethnique de la police, contre l’interdiction du port de signes convictionnels qui empêchent l’accès au travail des femmes musulmanes, pour un accueil des demandeurs d’asile qui respecte les droits de l’Homme, pour une autre loi des étrangers – e.a. contre les expulsions de jeune belge, décolonisation des esprits et des lieux publics).

Autre nouveauté cette année, la présence importante d’une partie du mouvement féministe et écologique (l’année prochaine nous essayerons d’avoir une alliance avec les mouvement LGTBQI+).

ANVERS

A Anvers, la quarantaine d’associations organisatrices ont réussi à remplir trois espaces : sur la Groenplaats, le Kielpark et la Moorkensplein. Pourtant les actions n’avaient pas été annoncé publiquement sur les réseaux sociaux, mais les participant.e.s devaient s’inscrire à l’avance.

OSTENDE

La Promenade Diversité, une promenade spéciale de 4,5 km, durant 1h30, passant par 8 « hotspots de la diversité Ostendaise ». Chaque arrêt était basé sur un thème et une action à réaliser (un local syndical qui lutte contre la discrimination sur les lieux de travail, deux poètes qui faisaient le lien entre la journée du 8 mars et le racisme, une peinture murale du « Street art festival The Chrystal Ship », découverte du lieu de rencontre Marcelline de la Fédération des associations marocaines, l’épicerie sociale de la Ville d’Ostende, le local de Samen Divers (association qui soutient les migrant.e.s et les minorités ethnoculturelles), Okan (lieu d’apprentissage du néerlandais pour des jeunes entre 12 et 18 ans) et le monument du roi Léopold II pour dénoncer l’exploitation du Congo et ses millions de morts). L’action fut un tel succès qu’elle a été prolongée jusqu’aux vacances de Pâques. Cette promenade de santé contre le racisme et le virus était proposée à des bulles de maximum 4 promeneurs/euses, mais aussi accompagnée par 7 webinaires contre le racisme.

GAND

A Gand 200 personnes se rassemblaient au Stadshal et au Vrijdagmarkt. Les actions pouvaient compter sur un bon soutien des deux syndicats, de 11 11 11, et de toute une série d’associations et de la gauche radicale (PTB, PSL, SAP).

LOUVAIN

Louvain a rempli avec 40 organisations deux places de 100 personnes pour lutter contre le racisme. Même si la statue de Léopold II a été enlevé récemment de la Maison communale, il n’existe toujours pas de test de situation alors que le journal étudiant Veto a encore démontré en automne 2020 que le racisme florissait sur le marché des kots étudiants.

IXELLES (ULB)

A l’initiative de cercles étudiants africains, quelques 50 personnes se sont rassemblées devant le bureau d’inscription de l’ULB pour dénoncer la précarité étudiante qui frappe de nombreux étudiant.e.s (mais encore plus fortement celleux provenant de l’extérieur de l’Union européenne) mais aussi la future hausse du minerval pour les étudiant.e.s étranger.e.s. Un nouveau cercle d’étudiants racisé.e.s vient de se créer pour agir sur le racisme vécu sur le campus (et trop peu combattu par les autres cercles). Le Cercle des étudiant.es arabo-européen, s’est solidarisé avec l’occupation d’une salle de l’ULB par des sans-papiers, majoritairement provenant de pays musulmans et dénonce l’islamophobie qui touche principalement des femmes.

BRUXELLES (Place Lumumba)

Quelques 80 personnes se sont rassemblées sur la place Lumumba pour rappeler aux autorités bruxelloises leur promesse d’une signalisation et d’une sculpture digne de sa stature décoloniale. Ils ont aussi donné la parole aux familles d’Ibrahima, de Lamine Bangoura et de Mehdi pour dénoncer la montée des violences policières qui se terminent de plus en plus en meurtre.

MONS

Une bonne centaine de personnes pour une manif statique et masquée, à crier ras-le-bol et colères contre ce racisme immonde qui pète la forme partout ces derniers mois, particulièrement via les violences policières envers les sans-papiers et les jeunes racisé.e.s. Quelques prises de parole dont celle, remarquée, de la porte-parole du Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers qui, dans un texte dense, rappelle à quel point la cité du Doudou, qui eut le triste privilège d’héberger en son palais de justice raciste le procès Mawda, n’est pas en reste de racisme institutionnel au sein de sa police communale. Pendant que quelques un.e.s déclenchaient des fumigènes en signal de révolte et de détresse, s’ensuivit la lecture de la liste des victimes récentes mortes de violences policières.

CHARLEROI

Une centaine de manifestant.es pour une mobilisation statique dans le Parc Reine Astrid de Charleroi. Au programme de la matinée, revendications sous forme de discours et démonstrations artistiques. « Nous dénonçons le racisme structurel et institutionnel, le racisme qui est dans tous les coins et recoins des principaux domaines de la vie et des institutions. Un travail, un logement, des soins de santé, l’enseignement, une protection sociale, les médias : les personnes racisé.es et les migrants sont de plus en plus exclu.es, discriminé.es et opprimé.es. Les plaintes faites à UNIA sur la discrimination, les discours de haine et les crimes racistes augmentent de manière alarmante », affirme Sabrina Boukarfa, la responsable locale de Plateforme 2103.

LIÈGE

A Liège aussi une cinquantaine de manifestant.e.s de la FGTB, de la Cible, du Front antifasciste et d’autres se sont rassemblé.e.s entre autres pour déployer deux calicots sur le pont visible du plus grand marché de la ville, la Batte.

BILAN ET PERSPECTIVES

Cette mobilisation plus institutionnelle et cadrée que le grand rassemblement de 15.000 personnes du 7 juin(1)Lire : Black Lives Matter : immense succès populaire dernier en solidarité avec Georges Floyd et Black Lives Matter devant le Palais de Justice de Bruxelles, illustre le renouveau du mouvement anti-raciste en Belgique. Il est d’emblée national, rassemble les différents collectifs antiracistes et de personnes racisé.e.s luttant contre leur racisme spécifique et dénonce le racisme structurel et systémique. Même si les syndicats (surtout la CSC-ACV) sont présents aux réunions, iels restent encore trop focalisé.e.s sur une stratégie réformiste et légaliste de lutte contre les discriminations sur les lieux de travail, aucun des deux syndicats n’ont souscrit aux 6 revendications de la plateforme.

Une mobilisation nationale mais des cultures organisationnelles et sanitaires différentes. Du côté flamand, les différents moteurs locaux ont rapidement convoqué les différentes organisations, syndicats et mouvements sociaux pour organiser une/des actions intersectionnelles (en fonction du nombre de participant.es qui s’inscrivaient sur une liste et sans mobilisation sur les réseaux sociaux). Le mouvement Hart boven Hard ainsi que les politiques d’austérité néo-libérales et réactionnaires des gouvernements flamand ont permis un rassemblement plus rapide. Du coté francophone, les réseaux intersectionnel et institutionnel n’existent pas encore suffisamment, les différents collectifs de personnes racisé.e.s sont dispersés et peu structurés, la décision de ne pas mobiliser sur les 6 revendications mais uniquement contre le racisme structurel et systémique (récusé et/ou pas encore intégré par la majorité des organisations qui lutte contre le racisme), l’interdiction de mobiliser sur les réseaux sociaux, la moindre envie de respecter les bulles de 100 personnes, etc… ont ralenti la mobilisation mais surtout l’organisation des différents rassemblements. Néanmoins, les embryons organisationnels de cette année à Bruxelles et en Wallonie sont de bon augure pour l’année prochaine.

Pour réussir en 2022 une mobilisation qui dépasse les 10.000 personnes (outre un évènement émotionnel mobilisateur, un fait ou meurtre raciste), il faudra continuer de construire des groupes locaux dans tout le pays (qui ne se contentent pas d’agir qu’en fonction du 21 mars mais qui interviennent toute l’année dans l’espace public – pas uniquement sur les réseaux sociaux- sur les multiples incidents locaux). De plus, il faudra aller au-delà de l’entre-soi que les réseaux sociaux nous poussent à entretenir, pour aller à la rencontre des victimes de racisme dans les quartiers populaires (pour s’émanciper et s’organiser avec eux), pour gagner la bataille de l’hégémonie culturelle dans la population et contrer l’usurpation de cette dernière par la droite et l’extrême-droite, et ainsi forcer les gouvernements et les médias de mener des politiques réellement anti-raciste (et pas uniquement incantatoire).

Il faudra également mener bataille à l’intérieur de nos syndicats pour les pousser à sortir de leur illusion juridique, individualiste, humaniste et universaliste (théorique) de l’anti-discrimination et de reprendre le flambeau de la lutte collective contre le racisme systématique, institutionnel et structurel (ce que nous appelons le racisme d’Etat). Pour ce faire, il faudra continuer de lutter pour que la Belgique adopte enfin une définition du racisme afin de pouvoir le combattre plus efficacement qu’il ne l’est pas aujourd’hui (même UNIA reconnait que la loi contre les discriminations ne fonctionne pas).

Pour lutter plus efficacement contre l’antisémitisme, il faudra aller chercher d’autres associations juives que l’UPJB. Tant qu’aucune plateforme ou organisation ne font de démarche envers celles-ci, elles continueront à être isolées dans la lutte contre l’antisémitisme.

Enfin, il faudra que la plateforme 21 mars soit plus pro-active, créative, communicative et inclusive, non seulement pour plus impliquer sa base (mais aussi pour l’élargir). Il faudra qu’elle fonctionne plus démocratiquement (en élisant un collectif dirigeant qui prenne ces décisions en son sein et pas ailleurs) et qu’elle intègre mieux les différences culturelles entre les deux communautés linguistique de notre pays (interprétariat, traduction, communication, organisation, etc..).