Pas drôle tous les jours, pas marrant toutes les nuits d’être infirmière volante au temps du Covid-19.
Je termine mes études d’infirmière – il ne me reste plus qu’à remettre mon travail de fin d’études pour obtenir le diplôme. En attendant, je travaille comme aide-soignante dans un hôpital bruxellois où j’ai été engagée comme « volante » pour quelques semaines. Et ça se passe justement pendant la pandémie…
Le service où je travaillais ce jour-là accueille notamment des patients testés positifs. Parmi eux, un infirmier qui avait été contaminé dans le cadre de son propre travail. Voilà que, depuis sa chambre de quarantaine, il nous appelle. Ce n’est pas à moi d’aller le voir mais la collègue censée le faire est déjà très occupée. N’étant pas protégée je m’adresse à lui à travers la porte et il m’explique qu’il à besoin qu’on l’aide à rejoindre son lit car ses difficultés respiratoires l’empêchent d’y arriver. Une tâche très simple à effectuer pour une aide-soignante.
Mais… il n’y a plus aucune combinaison de protection disponible dans le service ! Nous en avons reçu un nombre très limité et elles sont toutes utilisées , nous attendons pour pouvoir faire le tour de l’après-midi. Je suis restée derrière cette porte à tenter de rassurer mon collègue contaminé sans rien pouvoir faire pour l’aider. Je lui demande s’il risque de tomber, il me dit « non ». Ce patient-là savait mieux que quiconque à quel point nos conditions de travail ne permettent pas de soigner correctement les malades du coronavirus sans prendre de risques pour notre propre santé, il connaît bien le désespoir qui se cache derrière des phrases comme « ça ira Monsieur ». Ah ça ira…
Ce dialogue atroce entre collègues à travers une porte de quarantaine durera jusqu’à ce qu’enfin le service trouve le matériel de protection et que quelqu’un puisse aider ce patient à se coucher, s’apaiser. Enfin, s’apaiser ce n’est pas évident – ni pour lui ni pour moi, ni pour nous tou.te.s.
La morale de cette histoire ? C’est bien sûr que les spécialistes du monde entier doivent s’unir pour trouver ce fameux vaccin. Mais il y a en encore autre chose. Nous avons besoin de nous unir aussi, personnel de la santé, patient.e.s et vous aussi les bien-portant.e.s (tant que vous êtes encore la majorité du genre humain), pour une toute autre politique : un vrai système de santé public gratuit et performant. Oui « performant » : c’est le mot qu’utilisent les managers à qui nos gouvernants ont confié nos hôpitaux, mais je parle ici d’une tout autre performance, qui ne se mesure pas en termes de dividendes pour les actionnaires mais de bien être pour la population. Et ça implique notamment des conditions de travail et des salaires qui nous permettent à tou.te.s, depuis les aides-soignantes jusqu’aux médecins-chefs, d’exercer au mieux ce beau métier de prévenir les maladies et de soigner celles et ceux qui en souffrent. Mais confier cette tâche-là à des gens comme Maggie, c’est le moyen le plus sûr pour que le système entier débloque…