César, c’est le nom de code de ce photographe de la police militaire syrienne qui, en 2013, a déserté et fui à l’étranger(1)Cf. Garance Le Caisne, Opération César. Au coeur de la machine de mort syrienne (Stock, 2015).. Cela après avoir exfiltré via les réseaux de la résistance plus de 50000 clichés, pris, à titre « professionnel », à partir de 2011 début du soulèvement populaire. Photos des cadavres de 6700 détenus, répertoriés, corps suppliciés, brûlés, décharnés(2)Libération a publié certaines de ces photos (21 janvier 2014). Ainsi que Le Monde (16 décembre 2015), avec un éditorial consacré à l’affaire César et justifiant la publication de ces photos.… Autant de témoignages de la barbarie du régime Assad et des atrocités de masse dont il est coupable. « La torture est une constante des centres de détention. Son caractère systématique, ainsi que les mauvais traitements infligés indiquent une politique étatique (…), ce qui caractérise un crime contre l’humanité » affirme l’ONG Human Right Watch(3)cité in Libération, 21-22 décembre 2019..
À compter de 2014 César témoignera à 4 reprises devant des membres du Congrès américain.
Au long des années le régime syrien a continué à arrêter, torturer, assassiner dans le secret de son système carcéral totalitaire. Et, avec le soutien de la Russie et de l’Iran, il a poursuivi, contre son peuple, une guerre de reconquête, usant de tous les moyens militaires à sa disposition, dont les armes chimiques. Aujourd’hui, toujours avec l’appui de l’aviation russe, il multiplie les bombardements sur Idlib, la dernière région échappant encore à sa mainmise.
Fortes de cette victoire du régime, en France et en Europe des voix s’affermissent qui appellent à la réconciliation avec Assad. Ce régime n’a-t-il pas fait ses preuves ? Et pourquoi gêner les relations avec Moscou, cet allié indéfectible qui a démontré son efficacité ? Invitation donc à oublier ces accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité !
Mais voici que César resurgit.
Les responsables américains en charge de l’affaire depuis trois ans n’ont pas lâché prise. Le « Caesar Act » a été intégré à la loi de programmation militaire annuelle qui vient d’être adoptée.
Du coup, César est désormais aussi le nom d’une loi américaine – le « Caesar Syria Civilian Protection Act » – que Trump a signée. Elle prévoit des sanctions devant perdurer tant que les victimes des crimes de guerre commis par le régime n’auront pas obtenu réparation et que ce dernier continuera de bombarder et de déplacer les populations.
Elles doivent s’appliquer aux entreprises et gouvernements qui noueraient des relations économiques avec la Syrie, et aussi à ses alliés principaux, la Russie et l’Iran.
Ziad Majed explique : « Cette loi rendra très difficiles, voire impossibles, les tentatives de normalisation politique et économique des relations avec le régime de Bachar al-Assad. Elle permettra aussi à Washington de peser dans l’élaboration d’une solution politique qui était accaparée jusqu’à maintenant par la Syrie et l’Iran. »(4)Idem
Les amis du régime Assad prétendent qu’il faut engager la reconstruction afin de permettre le retour des exilés (7 millions de personnes). Outre que cette reconstruction nécessiterait des moyens gigantesques (évalués par l’ONU, pour ce qui concerne les infrastructures, à 400 milliards de dollars), un tel éventuel retour supposerait que bien des conditions soient préalablement assurées. Dont, d’abord, celle que Bachar al-Assad cesse de sévir et ne reste pas maître d’un pays ruiné.
Certes, c’est bien la population, et non les gouvernants, qui va payer le prix des difficultés économiques aggravées par ces nouvelles sanctions américaines(5)« En l’espace de deux mois, la livre syrienne, déjà affaiblie, a perdu près de 30% de sa valeur face au dollar, réduisant le pouvoir d’achat de la population à l’état de peau de chagrin » Benjamin Barthe et Gilles Paris, in Le Monde, 22-23 décembre 2019.. Mais rappel est fait, que nul n’est censé ignorer : ce régime criminel n’a pas droit à l’impunité.
De cet impératif politique et moral, César est le symbole.
Article publié sur Ensemble-FDG.
Notes