La Gauche anticapitaliste appelle à la solidarité de tou.te.s les travailleurs/euses et des classes populaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Ayant pris connaissance des mesures prises par le gouvernement Wilmès en affaires courantes, la Gauche anticapitaliste affirme que ces mesures sont à la fois insuffisantes, incohérentes et injustes. 

Elle sont insuffisantes et incohérentes parce que le gouvernement n’a pas voulu contrarier la volonté patronale, exprimée par la FEB, de continuer l’activité économique capitaliste dans la sphère productive. Du coup, les crèches restent ouvertes, les écoles se transforment (sous pression de la N-VA notamment) en garderie (pour les enfants des personnels de santé, de sécurité ou de parents qui n’ont pas d’autre solution) et les transports publics, en dépit du télétravail et des horaires assouplis, resteront remplis aux heures de pointe puisque l’essentiel de l’activité économique productive capitaliste est maintenu. Chaque journée perdue peut provoquer un effet considérable en matière de contamination. Le maintien de l’ouverture des magasins non-alimentaires en semaine constitue un autre risque considérable. 

Ces mesures sont aussi injustes car les secteurs suspendus tels que la culture ou l’horeca ne voient aucune solution offerte pour les travailleurs/euses, bien souvent précaires. De plus, comme l’a écrit le Collecti.e.f 8 maars Bruxelles(1)Lire ici : https://www.facebook.com/Collectief8maarsBruxelles/posts/141903507304289, ce sont à nouveau les femmes qui sont en première ligne. D’une part, elles sont majoritaires dans des secteurs vitaux en période d’épidémie tels que la santé, le nettoyage, les soins, ainsi que dans le commerce et la culture qui font partie des premiers secteurs à l’arrêt. D’autre part la domination patriarcale fait qu’elles assument la plus grande partie du travail du soin gratuit effectué à la maison et dans le soutien aux proches (enfants, personnes âgées, malades, etc.). Le krach boursier et la crise économique qui commencent sont d’autres dangers qui pèsent sur les travailleurs/euses. 

Pour apporter une réponse à la hauteur de la menace du Covid-19 sur nos vies, nous mettons en avant les revendications et propositions suivantes à destination des travailleurs/euses, des classes populaires, des mouvements sociaux et syndicaux, en partant du principe élémentaire que notre santé et nos vies valent plus que leurs profits :

  1. Mise à l’arrêt immédiat sous contrôle des travailleurs/ses et de leurs organisations, des secteurs nuisibles de l’économie, à commencer par le secteur publicitaire et la production d’armes. Ces mesures d’urgence forment un premier pas en direction d’une fermeture définitive, avec reconversion collective des travailleurs/euses dans des activités socialement et écologiquement utiles, sous contrôle ouvrier. Arrêt jusqu’à nouvel ordre des secteurs non-vitaux et non-urgents comme l’industrie du divertissement, la production aéronautique, le tourisme, le transport aérien non-urgent et non-nécessaire. Arrêt du système éducatif. Maintien de salaires pour tou.te.s ces travailleurs/euses. Obligation de télétravail partout où c’est possible.
  2. Maintien de salaire à 100% pour les personnes en quarantaine et pour celles qui les soutiennent ou gardent les enfants. Instauration comme en France d’un droit de retrait du travail en cas de danger grave et imminent pour la santé, permettant la réorganisation des activités et l’obtention des moyens de précaution. Organisation par les délégations syndicales, élu.e.s CE et CPPT des mesures de protection de la santé. Opération d’information massive par les syndicats, organisations associatives, féministes, écologistes et de quartier, vers le monde du travail, à la fois sur les mesures de protection, sur les droits des travailleurs/euses avec ou sans emploi et d’avis indépendant sur la politique gouvernementale.
  3. Interdiction des licenciements de personnes infectées, maintien du salaire à 100% en cas de chômage économique temporaire. Arrêt du contrôle, de « l’activation » et des sanctions contre les allocataires sociaux.
  4. Refinancement drastique, immédiat et mise sous contrôle 100% public du secteur de la santé et du secteur pharmaceutique (contrôle des stocks et de la production), gérés par les travailleurs/euses et les publics concernés (associations de patient.e.s, etc.). Gratuité des médicaments et des équipements sanitaires nécessaires. Réquisition des entreprises capables de produire les équipements sanitaires utiles, sous contrôle des salarié.e.s et des publics concernés. Sanctions fermes vis-à-vis de la spéculation sur les produits et les équipements de protection contre le virus.
  5. Embauche autant que possible et équipements sanitaires en suffisance pour le personnel de soin et des soins à domicile. Mise sous contrôle public de l’industrie du nettoyage et des titres-services. Inventaire et plan de réquisition des bureaux, lits (dans l’hôtellerie notamment) et bâtiments vides en cas de surcharge des hôpitaux, dans toutes les communes du pays, en coordination avec les maisons médicales et les syndicats de la santé. Les bilans annuels et semestriels des patients, globalement en bonne santé, doivent être reportés dans un délai de 3 mois, idem pour les opérations chirurgicales non-urgentes.
  6. La mise à disposition de tenues de protection, de masques chirurgicaux, de blouses, de lunettes, de gants, de zones de confinement, etc. afin de protéger les professionnels de la santé. Mise à disposition de moyens de diagnostic suffisants.
  7. Mesures de soutien immédiates aux plus précaires : soins gratuits pour les personnes sans-papiers et sans abri, maintien et amplification des activités de soutien aux personnes sans-abri et lieux d’accueil respectant des consignes sanitaires et de sécurité strictes. Transformation des centres fermés en centres d’accueil ouverts avec équipement sanitaire et régularisation de toutes les personnes sans-papiers. Amnistie des détenu.e.s n’ayant pas commis de crime contre des personnes.
  8. Nous encourageons les organisations sociales et politiques et la population à la solidarité et à l’entraide, à travers la création de groupes locaux de soutien, en utilisant au maximum les réseaux sociaux : garderies, livraison de courses sécurisée à ses voisins. Nous appelons les mouvements sociaux à des comportements collectifs responsables du point de vue de la non-propagation du virus en faisant appel à des méthodes de lutte telles que l’utilisation de rendez-vous pour faire du bruit à une heure précise avec des casserolades et autres moyens, ou encore les affichages, collages et bien sûr les réseaux sociaux.
  9. Transparence et accès public à l’information sanitaire et de soutien dans toutes les langues nécessaires, en plus des trois langues officielles, notamment l’anglais, l’arabe, le turc, le roumain, l’espagnol et l’italien.
  10. Solidarité internationale : suppression des brevets sur la recherche médicale, transferts et exportation gratuite de matériels et technologies médicales nécessaires pour les pays les plus à risque. Dès qu’ils seront disponibles : gratuité des vaccins et antiviraux.
  11. Moratoire sur le payement des dettes privées pour des services essentiels (eau, électricité, chauffage, soins médicaux…). Moratoire sur les expulsions pour non-paiement du loyer. Moratoire sur le remboursement des prêts hypothécaires.  Moratoire sur la dette publique et audit citoyen en vue de l’annulation des dettes contractées contre les besoins sociaux et écologiques. Impôt de crise de 10% sur les grandes fortunes, blocage de leurs actifs, contrôle de la circulation des capitaux avec sanctions en cas de tentatives de contourner la loi. Suppression immédiate du tax-shift et des réductions patronales à l’ONSS, afin de refinancer massivement la Sécurité sociale.
  12. Profitons de la crise pour changer nos habitudes alimentaires. Approvisionnons-nous auprès des producteurs locaux bio et exigeons le soutien à cette agriculture. Ce sera un premier pas vers la mise en place à l’échelle internationale d’une nouvelle agriculture dans laquelle l’autodétermination des peuples premiers, l’autonomie des agriculteurs/trices, des plans stratégiques de développement et de reconstruction des écosystèmes, l’agro-écologie pourront construire un barrage contre les pathogènes nouveaux sous la forme d’une nouvelle diversité des espèces locales d’animaux d’élevage et de plantes pour notre nourriture. La relocalisation de la production et de la consommation agricoles, l’abolition de l’élevage industriel et de la culture chimique et intensive des végétaux. Seul un système basé sur l’agroforesterie et l’agroécologie nous donnera la solution, aussi bien pour une nourriture saine contre les dangers des nouveaux virus que pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Il y a de nombreux points communs entre la crise du Covid-19 et la crise climatique. Dans les deux cas, sa logique d’accumulation pour le profit rend le système capitaliste incapable d’empêcher un danger dont il est pourtant averti. Dans les deux cas, les gouvernements oscillent entre le déni et l’inadéquation de politiques conçues prioritairement en fonction des besoins du capital, pas des besoins des populations. Le danger climatique est encore infiniment plus global et plus grave. Il en ira de même de ses conséquences si les exploité·e·s et les opprimé·e·s ne s’unissent pas pour abattre ce mode de production absurde et criminel. Le Covid-19 est un avertissement : il faut en finir avec le capitalisme qui menace la survie de l’humanité et de la planète.

Gauche anticapitaliste, le 13 mars 2020