Ce lundi débute à Mons le procès du meurtre de la petite Mawda, cette fillette de 2 ans enlevée à ses parents par un tir policier dans la nuit du 16 au 17 mai 2018 sur l’autoroute à Maisières.

Vu l’affluence de journalistes et d’observateurs/rices divers, cette audience du Tribunal Correctionnel se tiendra dans la salle de la Cour d’Assises. Malgré cela, le lieu, où d’habitude c’est un jury populaire qui analyse et porte jugement, comme la qualification des faits qui aboutissent en correctionnelle, sont bien étroits. Un peu comme si on voulait occulter toute une partie des nombreuses « vérités » que cette affaire contient. Un peu comme si on voulait oublier les lourdes responsabilités politiques et toute la chaîne de commandement qui ont rendu possible le tir policier qui a atteint Mawda.

Medusa

Dans un texte signé par de nombreux citoyens et plus de 60 organisations (dont la Gauche anticapitaliste), nous écrivons :

« Le meurtre de Mawda, dans la nuit du mercredi 16 au jeudi 17 mai 2018, des suites d’un tir policier a eu lieu dans le cadre des opérations Médusa de traques aux migrants, qui elles-mêmes s’inscrivent dans une politique raciste de fermeture des frontières, aux échelles belges et européennes. Incriminer le seul policier ou, pire, focaliser l’attention sur les seuls « passeurs » sont des manières d’éviter de mettre en cause les responsabilités politiques multiples de ceux qui organisent chaque jour la chasse aux migrants(1)Lire: gaucheanticapitaliste.org/mons-23-et-24-novembre-justice-et-verite-pour-mawda/ »

Certes, le policier sera à sa place sur le banc des accusés, on devrait aussi juger ceux qui ont armé son bras. Ceux qui ont pensé et organisé les opérations de chasse aux migrant.e.s sur les autoroutes, dans les gares, sur les trains, autour du Parc Maximilien… Dans un débat organisé ce vendredi 20/11, Frances Timberlake du Refugee Women’s Center (Grande-Synthe, Dunkerque) a évoqué les violences policières belges vécues et racontées par les migrant.e.s, apportant des éléments de contexte fondamentaux pour saisir cette chasse aux migrants qui s’opèrent sur les autoroutes franco-belges. De telle sorte que les migrant.e.s qui tentaient de gagner l’Angleterre via la Belgique préfèrent aujourd’hui risquer le passage en prenant la mer. L’augmentation des passages par la Manche à bord de radeaux, de petites embarcations de fortune, de pneumatiques au large de Dunkerque ces 5 dernières années constitue une des conséquences les plus dramatiques de cette politique à peine cachée de refoulement.

Démonter la « vérité du parking »

Le Tribunal Correctionnel devra tenir compte de ce contexte d’opération menée dans le cadre de Medusa mais aussi des « cafouillages » de l’intervention (les radios qui ne fonctionnent pas, la camionnette est « pucée » par la police française mais il parait qu’on ne le sait pas dans les voitures de police qui la suivent…). Mais c’est surtout le véritable camouflage des faits réels qui est élaboré sur le parking même de l’autoroute par les policiers et les magistrats pour sortir une vérité présentable à la presse qui devrait retenir l’attention. « Dès les premières minutes après le meurtre se met en place une coalition de fonctionnaires, le parquet n’est pas appelé et aucune zone d’exclusion judiciaire n’est mise en place, le tireur est invité à rentrer chez lui sans qu’il n’ait fait l’objet d’aucun interrogatoire circonstancié et couché sur procès-verbal »(2)idem. Et c’est à partir de là que tout un scénario s’est construit, dans lequel le tir policier a d’abord été nié, puis minimisé, puis « contextualisé ». La contre-enquête menée par le journaliste Michel Bouffioux(3)michelbouffioux.be/2018/12/mawda-la-contre-enquete.html?fbclid=IwAR0uUp9tMVTnjRIwuLPMnkff7NHUr-TQwqb8k-G829H7EgMkBR3CiwhmqFQ regorge de dizaines de détails sur cette construction de la « vérité du parking ».

Construire un front large contre la chasse aux migrants

Autour du procès, il s’agit donc de :

  • Mettre au banc des accusés les Ministres de l’Intérieur et ceux chargés des politiques migratoires dans les 3 derniers gouvernements.
  • Exiger le démantèlement des opérations Medusa et de « chasses à l’homme » comme mesure prioritaire pour instaurer des voies sûres de migration.
  • Exiger, par une commission d’ENQUÊTE parlementaire ad hoc – que l’ensemble des partis politiques s’échinent à ne pas exiger – la mise à jour des responsabilités politiques dans la mort de la petite Mawda.
  • Abolir les politiques racistes et meurtrières des frontières de l’UE et de la Belgique en démantelant Frontex et en réformant en profondeur la politique migratoire européenne
  • Instaurer un droit nouveau de la migration instruit des enjeux de dérèglements climatiques et des déséquilibres et inégalités structurelles post-coloniales afin d’assurer la liberté de circulation et d’installation.

Après de nombreuses bavures policières intervenues ces derniers mois, la campagne réclamant justice et vérité pour Mawda a permis de réunir de nombreuses forces. Des initiatives diverses se sont manifestées dans les 3 régions du pays. À nous de nous parler et de construire ensemble un front large contre le racisme, contre les violences policières, contre la chasse aux migrant.e.s, contre la répression des quartiers populaires et des mouvements sociaux.