Ce dimanche 5 juillet à Bruxelles, plusieurs milliers de personnes ont répondu à l’appel #HijabisFightBack. Lancé, organisé et porté par des jeunes femmes musulmanes portant le foulard, il fait suite à la décision de la Cour constitutionnelle du pays de permettre à une Haute école de la ville de Bruxelles d’interdire le port de signes convictionnels et politiques en son sein. En ligne de mire de cette interdiction ? Le foulard, porté par celles qui y étudient ou qui souhaiteraient le faire.
Parce qu’en Belgique, les oppressions multiples subies par les femmes musulmanes portant le foulard les empêchent d’être pleinement actrices de leurs vies et de leurs choix. Des contraintes imposées et reproduites depuis plusieurs générations dans une société où la combinaison islamophobie et patriarcat fait des ravages. Mais ce dimanche, elles l’ont crié haut et fort : trop, c’est trop ! Et puisque la parole leur est encore refusée, elles ont décidé de la prendre, pour faire entendre leurs voix et témoigner de leurs vécus.
« Mon voile, mon choix », « Ne me libère pas, je m’en charge », « Touche pas à mes études » : le centre de Bruxelles a résonné de discours et de slogans, tous les plus inspirants les uns que les autres, et portés par la force incroyable des plus de 2500 personnes rassemblées là. « Liberté », « dignité », « auto-détermination », « solidarité ». Si ces valeurs que nous prétendons défendre dans la Constitution ont été honorées, c’est bien par ces jeunes femmes et non la Cour supposée en être garante.
Tour à tour, nous avons pu entendre le « Collectif des 100 diplômées » avec Kaoutar Boustani pour une solidarité indéfectible, Fatoumata Diallo incarnant une lutte féministe et antiraciste transgénérationnelle pour l’accès aux études, Sakina venant d’Anvers pour rendre visible la présence des femmes portant le foulard dans la première ligne de soignantes et mettre à nu les dangers de l’idéologie de la neutralité, Hakima pour rappeler que les lignes bougent et que la lutte paye toujours, Lama pour appuyer encore sur le clou de la force collective, Souhaila pour dénoncer le féminisme civilisationnel et le fémonationalisme par une plume toute personnelle, Mustapha Chairi du Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique pour donner rendez-vous le 21 septembre à l’occasion de la journée internationale contre l’islamophobie et appeler à soutenir financièrement la procédure juridique contre l’école Fransisco Ferrer, Sarah(1)Lire l’entretien que nous avons eu avec elle avant le rassemblement : gaucheanticapitaliste.org/hijabisfightback-protest-entretien-avec-sarah-t/ pour renforcer chacune des personnes présentes au rassemblement et être intransigeante sur les capacités de chaque femme à contribuer à l’émancipation collective : « Ne me libère pas, je m’en charge ! ». Et de clôturer le rassemblement sur ces mots : « Nous ne vous représentons pas, vous le faites à merveille. Et si aujourd’hui nous portons vos voix, c’est parce que vous êtes arrivées à le faire vous-mêmes dans vos vies au quotidien ».
On entrevoit alors pourquoi la parole leur est encore et toujours refusée. En la prenant d’elles-mêmes et pour elles-mêmes, il leur a suffi d’un court après-midi pour déjà faire trembler l’ordre raciste et patriarcal. Car ce n’est ni plus ni moins à cela que nous avons assisté. Un moment clé, comme suspendu, durant lequel on réalise que ces dominations racistes et patriarcales, aussi profondément ancrées soient-elles dans nos sociétés, ne pourraient rien face à la lutte organisée et à grande échelle de toutes celles qui les subissent. Oui, cet après-midi de juillet, le féminisme a pris la rue. Et il l’a fait dans toute sa puissance transformatrice et émancipatrice. Ajoutez-y la force du nombre, et vous obtenez un mouvement irrésistible de libération individuelle et collective.
C’est certain, il est d’ores et déjà question d’un jour historique. Heureusement, ce ne sera pas le dernier. Car toutes celles présentes l’ont promis : le combat continue. Et dans ce combat, elles pourront toujours et partout compter sur le soutien total et indéfectible de la Gauche anticapitaliste et de Féminisme Yeah !, pour un féminisme antiraciste, décolonial et anticapitaliste. Un féminisme où chaque atteinte à la liberté et à la dignité de chaque femme est combattue par tou.te.s, sans relâche et sans exception.
Le message était clair, #HijabisFightBack ! Un petit conseil : suivez le mouvement, car il est en train d’écrire l’histoire.
Notes