Le « bal des faux culs ». Il n’y a pas d’autre expression pour qualifier les réactions « médiatiques » du monde politique, patronal et syndical, suite à l’annonce de nouvelles perspectives de pertes d’emplois chez Proximus (ex-Belgacom, ex-RTT). 

Comme s’il s’agissait d’un fait inédit, alors que cette entreprise a déjà réduit ses effectifs de plus de 15.000 unités au cours du dernier (gros) quart de siècle, et alors que cette entreprise est une société anonyme (le « de droit public » ne change rien à l’affaire !) cotée en Bourse (et membre de l’élite de cette institution du capital, le « top 20 ») et donc mue par un seul mobile : le profit ! 

Dame, il faut bien que les « actionnaires » soient satisfaits de leurs « dividendes » annuels, ce qui a été largement le cas jusqu’ici, car Proximus est financièrement extrêmement rentable et accumule de plantureux bénéfices année après année ! 

Bref, il y a longtemps qu’il n’existe plus de « coup de tonnerre dans un ciel serein » du côté des Twin Towers, tant le même scénario se reproduit sans cesse, au fil des années. N’en déplaise aux professionnels de la surprise feinte et des indignations calculées (n’oublions pas non plus que nous sommes entrés dans une année électorale -et quelle année!-, et qu’il convient dès lors de soigner sa « com » et son image !). 

Et les responsables syndicaux nationaux dans cette mauvaise pièce ? Ils sont fidèles à eux-mêmes : dépassés ! Ainsi, ils annoncent le dépôt d’un préavis de grève tout en appelant à ne pas débrayer… Vous suivez ? 

En réalité, ils se mettront encore et toujours autour de la table pour « négocier ». La corde ou le poison ? Parce que le but ne sera pas d’empêcher une nouvelle diminution des effectifs ! Non, comme d’habitude il s’agira de conclure un plan « social » (existe-t-il un mot plus dévoyé que celui-là dans le capitalisme réellement existant ?), d’éviter des « licenciements secs » (difficiles à assumer publiquement vu la prospérité de Proximus et les rémunérations indécentes de l’actionnariat), et de concrétiser ainsi une vague supplémentaire de départs sur une base « volontaire ». 

Il est vrai, qu’en la matière, l’expérience et le savoir-faire accumulés depuis les années 90 sont impressionnants. Rappelons, par exemple, les deux fameux plans de départ, PTS et Best, qui à eux seuls avaient sacrifié sur l’autel de la rentabilité financière maximale… 10.000 emplois ! Cinq fois ce qui est avancé aujourd’hui ! 

L’occasion de rappeler la triste histoire anti-sociale de l’opérateur historique des télécommunications, une histoire de reculs et de capitulations permanents des « organisations syndicales représentatives ». 

Elles ont cautionné -explicitement ou par leur inertie- toute la dérive rétro-libérale de l’ex-RTT : 

  • la loi du 21/03/1991 sur « l’autonomie de gestions des entreprises publiques » qui ouvrait la voie de la déréglementation et des privatisations de ces « entreprises publiques autonomes »
  • la transformation de Belgacom en société anonyme et son entrée sur le terrain boursier.
  • La privatisation impulsée par un ministre « socialiste » (Di Rupo) et rebaptisée pour la circonstance « consolidation stratégique ».
  • Les modifications répétées du statut administratif du personnel. Avec tout simplement pour corollaire l’arrêt du recrutement de personnel statutaire (dès 1994) ! [même plus besoin de mesures spécifiques contre ce personnel pour l’évincer, il suffit de laisser le temps et la nature faire leur effet, même si on a eu l’occasion de constater depuis que cette perspective n’allait pas assez vite pour les patrons de la boite ! Il y aura donc bientôt des « entreprises publiques » sans « agents sous statut public » ! Le recrutement de « contractuels », la source «statutaires » étant tarie, a permis dans la foulée d’entretenir la division au sein du personnel, entre travailleurs occupés sous différents régimes]
  • La succession de plans de départs pour organiser le recul massif de l’emploi.
  • L’introduction de nouvelles méthodes de management, inspirées directement du secteur privé, et une détérioration des conditions de travail (flexibilité, hausses de productivité, …)
  • Les aumônes en matière sociale avec la ratification de conventions collectives faméliques…
  • Les révisions du statut syndical pour affaiblir le militantisme et entraver la construction d’un syndicalisme de combat
  • Etc.

Et maintenant ?  

D’abord, il faut être conscient qu’il ne s’agit pas ici de « la der des ders » !  

Aujourd’hui, ils sortent l’alibi de la « digitalisation ». Mais les technologies évoluant constamment, demain, ils nous parleront de « l’ultra-digitalisation », ensuite de la « super-ultra-digitalisation », et puis… ! 

Je l’ai souvent dit et répété : chaque recul pour le personnel prépare le recul suivant ! 

Malheureusement, les rapports de force se sont tellement dégradés en 25 ans, la culture de la résignation (soigneusement distillée) a tellement imprégné les esprits, l’apathie fait tellement partie de l’ADN des appareils syndicaux, qu’il va être très difficile pour les 13.000 « actifs » encore en service d’engager un bras de fer, qui devrait notamment passer par des grèves importantes. En admettant même qu’ils soient prêts à en découdre évidemment, ce qui n’est pas gagné vu le contexte rappelé plus haut ! 

Ne tournons pas autour du pot : les délégués syndicaux dignes de ce nom vont devoir une fois de plus lutter contre les courants adverses, sans aucune garantie du moindre succès à terme.

Avec un axe central : l’emploi ne peut pas être une variable d’ajustement dans la stratégie d’entreprises en quête de profits sans cesse plus élevés, dans le but d’assurer de plantureux dividendes aux actionnaires. Ce sont les travailleurs qui produisent cette richesse, ce n’est pas à eux de faire les frais de ces continuelles restructurations à finalité financière !

Bon courage !

Un vieux briscard en vadrouille