À force d’entendre parler du Plan Climat de l’Union européenne (Green New Deal européen ou Fit For 55), on pourrait espérer que le climat soit enfin pris au sérieux. Mais, quand on y regarde de près, il y a de quoi déchanter.

La Commission européenne a lancé le 14 juillet 2021 un plan global supposé mettre en œuvre la transition climatique. L’objectif affiché, comme son nom l’indique, est de réduire de 55 % les émissions d’ici 2030. Ce plan comporte quatorze (projets de) lois qui doivent être adoptées par le Parlement européen et ensuite ratifiées et transposées dans la législation des différents États membres. Dans ce cadre, le Parlement européen a adopté le 8 juin l’interdiction de la vente des véhicules thermiques en 2035 à l’exception des voitures de luxe produites à moins de 1 000 exemplaires et, en vertu de l’amendement dit « Ferrari » avec un délai supplémentaire pour celles produites à moins de 10 000.(1)Voir l’article de Jean-Claude Vessillier dans l’Anticapitaliste n° 620 (16 juin 2022).

Le très juteux marché des droits à polluer

Le 22 juin, il s’agissait de textes portant sur la réforme du marché du carbone. En bonne logique libérale et bien qu’il se soit révélé totalement inefficace, le marché (du carbone) continue d’occuper une place centrale dans la stratégie de l’UE. Selon l’idéologie libérale, faire payer pour émettre devrait inciter les industriels à polluer moins. Depuis 2005 il existe un marché des « droits à polluer » limité aux secteurs industriels particulièrement émetteurs – soit environ 40 % des émissions.

Dans la réalité, au nom de la sacro-sainte concurrence et pour ne pas pénaliser l’industrie européenne, celle-ci s’est vu attribuer des quotas gratuits. Résultat : un très juteux marché des droits à polluer et une réduction des émissions insignifiantes. Avec les nouveaux textes, d’une part le marché carbone serait élargi au secteur maritime, à l’aviation, aux poids lourds et aux immeubles de bureaux, d’autre part les quotas gratuits devraient progressivement disparaître compensés par la mise en place d’une taxe aux frontières sur les importations. Sous la pression des lobbies des grands groupes et de la droite, les quotas gratuits ont encore de beaux jours devant eux. Ils ne devraient baisser qu’à partir de 2027 pour disparaître en 2032. Cerise sur le gâteau : les capitalistes continueront de recevoir des quotas gratuits pour les productions destinées aux exportations vers des pays n’ayant pas une tarification carbone comparable.

En finir avec un système productiviste climaticide

Concernant la taxe aux frontières (« Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières »), notons déjà qu’elle exclut la chimie organique, les produits de raffinage et certains engrais, mais surtout elle prétend soigner par une recette libérale les émissions importées, cachées, nées des politiques libérales de mondialisation capitaliste. Oui, si certains pays européens peuvent se poser en champions du climat c’est en sous-traitant une part importante de leurs émissions, en faisant porter sur le reste du monde le fardeau d’un système productiviste climaticide. Ce ne sont pas les réponses néo-libérales du Plan climat européen qui mettront fin à ce scandale social, colonial et climatique, c’est une transformation radicale de l’appareil de production pour sortir des énergies fossiles et du nucléaire en réduisant drastiquement la production matérielle et les transports.

Article publié dans Hebdo L’Anticapitaliste – 622 (30/06/2022) et sur le site lanticapitaliste.org
Photo : Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas.

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