Transcription d’une vidéo de Kay Mann, membre de la direction de Solidarity, organisation révolutionnaire socialiste affiliée à la Quatrième internationale et membre de la direction de DSA [Democratic Socialiste of America] dans le Wisconsin. 

Première chose : pourquoi est-ce que la situation est si compliquée ? Aux États-Unis, il n’y a pas de système fédéral d’élections. Chaque État a son propre système de comptage des bulletins. Certains États ne commencent le décompte qu’au moment de la fermeture des bureaux de vote. C’est pourquoi nous ne savons pas encore le résultat dans certains États (dont le Wisconsin – État-clé pour ces élections –, le Michigan, la Pennsylvanie…).

Ensuite : pourquoi Trump pense-t-il qu’il peut rester au pouvoir même s’il perdait l’élection ? Cela fait des mois qu’il dénonce une supposée fraude des Démocrates, sans preuve. Même si ses soutiens de la presse de droite comme la chaîne Fox ne le suivent pas dans ses propos, il prépare ainsi le terrain pour contester le résultat s’il perd, et n’hésitera pas à avoir recours à la Cour suprême s’il le faut (Cour suprême qui avait déjà déterminé les élections en 2000 au profit du Républicain Bush).

Il a également menacé de violences et encouragé des milices d’extrême droite. Un groupe a ainsi été arrêté pendant les élections alors qu’il projetait d’enlever la gouverneure démocrate du Michigan. C’est donc une situation inédite qui ne ressemble pas à ce qu’on s’attend à voir dans une « démocratie bourgeoise ».

Les bases électorales de Trump et Biden

Je vais maintenant vous parler des bases électorales de Biden et de Trump. Depuis les années 1930, le Parti démocrate avait réussi à regrouper une grande coalition des syndicats, des NoirEs, des classes populaires… bref, avoir un profil « progressiste ». Et malgré le fait qu’ils n’ont presque rien accordé à ces dernierEs, ils gardent l’image d’un parti progressiste et populaire. C’est ça la base électorale de Biden. 

Mais beaucoup de gens qui votent Démocrates le font cette année sans enthousiasme, car la direction de ce parti a tout fait pour éliminer Bernie Sanders des primaires. Biden refuse d’appliquer la proposition de Sanders d’élargir à toute la population le système d’assurance-santé « Medicare », actuellement en cours pour les retraitéEs. Il refuse aussi de faire le « Green New Deal », c’est-à-dire un traité fort pour faire face à la crise écologique. Donc Biden a certainement une grande part du vote populaire, mais pour certainEs c’est sans enthousiasme.

Pour sa part, le Parti républicain, depuis les années 1980, a fait des tentatives pour attirer des voix ouvrières. Avec succès : certains milieux dans les quartiers populaires ont le sentiment que le monde change d’un point de vue démographique, politique, culturel… et laisserait les Blancs derrière. Il y a un grand questionnement en ce qui concerne l’immigration, et la démagogie de Trump (mais aussi de tout son parti) lui a permis de tirer à son profit des classes populaires qui avant votaient Démocrates. 

En règle générale, le Parti républicain essaie toujours de limiter la participation aux élections des gens, parce que l’on sait que plus les gens votent, plus cela favorise le vote pour les Démocrates. C’est aussi cela l’histoire de ces élections de 2020.

Le Parti démocrate a aussi de son côté fait plein de choses antidémocratiques. Par exemple le Parti Vert, avec Howie Hawkins et sa colistière Angela Walker, qui présentait un programme anticapitaliste, socialiste et écologiste, s’est fait éliminer par les manœuvres des Démocrates dans le Wisconsin et la Pennsylvanie. Il y a donc un troisième parti dans ces élections, mais on n’en parle pas beaucoup.

Les réponses de lextrême gauche

Enfin quelques mots sur les réponses de l’extrême gauche. Depuis quelques semaines il y a eu plein de conférences et de vidéos pour anticiper tous les problèmes à craindre concernant les violences de l’extrême droite, les tentatives d’effrayer les populations urbaines (qui votent majoritairement pour les Démocrates) dont possiblement beaucoup de gens de couleur [racisés], d’autant plus du fait des encouragements du président. Pour l’instant on ne constate pas cela sur le terrain, les initiatives seront en fait d’ordre judiciaire.

L’extrême gauche fera tout pour organiser une réponse dans la rue (avec toutes les mesures de protection et de distanciation sociale requises).

Et partout dans le pays des comités syndicaux s’apprêtent à partir en grève en cas de tentative de ne pas reconnaître la victoire de Biden.

La situation est très floue, on en saura plus d’ici quelques jours.

Je vous envoie mes salutations internationalistes depuis Milwaukee.

Publié sur le site du NPA.