Nous publions ci-dessous le compte-rendu de notre camarade Sonia Mertens, qui s’est rendue à l’occupation étudiante de l’UCLouvain, qui s’est lancée le 21 octobre dernier.

Quand on arrive dans la nouvelle occupation de l’Institut des Langues Vivantes à Louvain-la-Neuve (qui n’a pas encore de nom à ce jour), on est tout de suite frappé par la sociologie du groupe du lieu : des femmes, principalement racisées, tiennent le bâtiment. Rien d’étonnant à retrouver cette population, nouvelle avant-garde, à la tête d’une telle lutte.

En effet, le 26 juin passé, les étudiant·es qui l’ont réquisitionné ont décidé de quitter le bâtiment, rebaptisé pour l’occasion Naïm Khader, pile 6 semaines après le début de leur occupation. Ayant obtenu quelques maigres victoires, comme la suspension de 4 accords de mobilités avec des universités israéliennes, les membres de l’organisation Students for Palestine avaient pris la décision, avant la pause estivale, de concentrer leur forces ailleurs. Pour autant, iels n’ont pas arrêté la lutte, comme on peut le voir en jetant un œil à leur page Instagram : manifestations, assemblées générales, participation aux divers événements communautaires et de gauche locaux, etc.

C’est d’ailleurs en s’organisant qu’iels en sont venu.es à la conclusion qu’une nouvelle occupation était nécessaire : que ce soit pour avoir un lieu fixe où se réunir, avoir une base autour de laquelle faire persister le mouvement ou encore mettre en avant des revendications fortes face à la nouvelle équipe rectorale.

Ces revendications vont plus loin que les précédentes. Là où le front s’organisait autour de la lutte pour la Palestine, il s’agit, pour faire suite à l’actualité d’un État israélien de plus en plus génocidaire et belliqueux, de s’attaquer à ce qui rend possible cet état de fait. Ainsi, l’organisation s’appelle maintenant «Action collective contre l’impérialisme» et entend mener des actions contre le colonialisme de manière plus globale.

Pour ce faire, 3 revendications sont principalement mises en avant par le collectif : la rupture de toutes collaborations impliquant des institutions israéliennes, la publication d’un rapport d’expertise rigoureux adressé aux instances nationales et européennes demandant l’exclusion d’Israël du programme Horizon, la suspension de l’accord de libre échange entre Israël et l’Union Européenne et un embargo militaire total sur Israël, et, pour finir, la restitution des objets et œuvres de peuple colonisés approprié par la Belgique, notamment ceux du « Musée L » de Louvain-la-Neuve.

Face à la combativité de cette jeunesse, l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve choisit de suivre sa politique habituelle : ne pas faire trop de vagues, réduire les interactions avec les militant·es au minimum et simplement déplacer les cours qui devaient avoir lieu dans le bâtiment. Tolérer leur présence pour éviter de faire scandale, en essayant le plus possible de fatiguer les militant.es par des propositions minimales et cosmétiques (par exemple la mise en place d’un comité d’éthique sur la question, promise suite à la première occupation), pour maintenir le statut quo tout en gardant l’apparence d’une Université diplomate et ouverte au dialogue. Rien d’étonnant en somme pour une institution qui cultive une image qui se veut la plus lisse et la moins politisée possible. Cela affecte le moral des militant.es, dont le nombre ne cesse de diminuer. Celleux qui persévèrent, malgré tout, sont épuisé·es et légitimement en colère, subissant des traitements cruels, des répressions de part de la sécurité ainsi que des pressions de certains membres du corps professoral. Nous souhaitons exprimer notre plein soutien face aux injustices, aux violences et au manque d’écoute généralisé auquel iels font face.

Il est étonnant, au vu du peu de place laissée à la gauche au sein de l’UCLouvain, que ce soit là qu’ait lieu la première occupation pour la Palestine de l’année. En effet, le militantisme s’y organise principalement soit sous forme de kot-à-projet financé (et donc dont le cadre est fixé) par l’Université, soit dans des groupuscules anarchisants, soit encore au sein du Comac, la jeunesse du PTB, particulièrement active dans la région. Ces dernier·es se sont désinvesti·es pour la plupart, ou participent au mouvement seulement à titre individuel.

Nous souhaitons que cette occupation ouvre la voie à d’autres initiatives du même style et que ce mouvement prospère, en saluant au passage la volonté de faire converger les luttes qu’iels construisent. Bien sûr, ce n’est pas parfait, bien sûr, les assemblées générales s’éternisent, mais c’est aussi ça, apprendre la démocratie, l’autogestion, se former à lutter, pour, enfin, imaginer un autre possible.


Photo : Instagram de Students for Palestine