Le phénomène le plus marquant de cette nouvelle séquence est incontestablement l’accélération de la polarisation de la vie politique française entre deux blocs qui s’opposent, avec d’un côté un bloc d’extrême-droite, et de l’autre, un bloc de gauche.
La crise du macronisme et sa faible assisse sociale sont sorties renforcées de la séquence des Européennes, avec l’extrême-droite qui y a atteint 40 % des suffrages exprimés. La dissolution de l’Assemblée nationale opérée par Macron dans la foulée, soit pour créer une forme de front républicain derrière lui, soit pour apparaître comme une opposition crédible pour 2027, n’a fait que renforcer ce phénomène au lieu de l’atténuer.
Une polarisation renforcée
D’un côté, le bloc d’extrême droite se renforce, attirant à lui une partie de la bourgeoisie républicaine, comme Éric Ciotti, mais aussi une partie de l’extrême-droite extrême, avec le ralliement de Marion Maréchal Le Pen.
De l’autre, et heureusement, un bloc de gauche s’est formé, sursaut de notre camp social. La demande d’unité à la base face à la menace de la prise du pouvoir par le RN est en effet très forte, et a fait pression partout, y compris sur les partis : c’est ainsi qu’il faut interpréter la formation du Nouveau Front populaire (NFP). Elle est elle-même à mettre en lien avec des expériences unitaires récentes et d’importance, comme l’année dernière avec la formation de l’intersyndicale opposée à la réforme des retraites, ou en 2022 avec la création de la NUPES.
Une gauche instable
Entre ces deux blocs, rien ne semble pouvoir exister, ni Macron ni la partie de l’extrême gauche qui refuse l’unité. Pour autant, il faut souligner combien la politique politicienne a vite repris le dessus. En effet, depuis vendredi et l’annonce finale des candidatures, la FI multiplie les erreurs graves, en ne reconduisant pas les sortant·es oppositionnel·les à la politique de sa direction, à l’encontre des accords du NFP, ou en maintenant Quatennens envers et contre tout, pour finalement le remplacer par Aurélien Le Coq, et non par une candidate féministe. Ces choix cristallisent encore plus l’attention autour de la FI, sur ses pratiques antidémocratiques, sur son incapacité à prendre au sérieux les questions féministes, et contribuent paradoxalement à replacer au centre du jeu le PS, qui apparaît par contraste comme plus responsable. Surtout, cela fissure l’unité malgré tout fragile sur le plan électoral, où l’enjeu de la lutte des places reprend toujours vite le dessus : ainsi, les candidatures dissidentes se multiplient.
Construire une dynamique de lutte
Face à cela, la dynamique dans la rue peine à faire contrepoint, même si les syndicats tiennent relativement fermement sur la question de l’unité, y compris quand ils sont secoués comme l’est la CGT par la candidature de Verzeletti. Si le 15 juin a été une réussite, avec 250 000 personnes à Paris, et 600 000 à l’échelle nationale, on est loin de la déferlante. Surtout, les appels à la grève de la CGT pour le 20 et le 27 ne semblent pas repris largement, la prochaine mobilisation aura lieu un dimanche… Tout cela n’est pas propice à la construction de la grève, élément que l’on sait décisif dans la construction du rapport de force contre l’extrême-droite.
Face à cette situation, le NPA-L’Anticapitaliste a décidé de rejoindre le NFP pour au moins deux grandes raisons. Tout d’abord, si nous ne considérons pas que le RN est équivalent au fascisme, nous considérons que ce parti au pouvoir serait un premier pas vers la fascisation de l’État. D’autant plus que le macronisme, par son extrême autoritarisme, a tout mis en place pour que ce soit le cas. Ce serait une attaque qualitativement différente et un extrême recul pour le mouvement social, surtout pour les personnes racisées, les femmes, les LGBTI+. Nous devons le redire face aux tentations gauchistes d’une partie de l’extrême gauche: le RN au pouvoir n’est pas équivalent au macronisme au pouvoir, a fortiori au PS. Il faut donc prendre ce danger au sérieux.
Deuxièmement, force est de reconnaître que la pression à l’unité au sein de notre classe est extrêmement forte. Toute autre position que l’unité est très difficilement audible. Or, si nous devons être un pas devant les masses, il s’agit d’un pas seulement. Et ce d’autant plus que le NPA a appelé à l’unité depuis des mois et a été perçu comme l’un de ses principaux artisans. Pour autant, il y a un enjeu à ce que la gauche gagne : pour que l’extrême-droite perde et pour que la gauche se rappelle qu’elle peut gagner, ce qui participera à reconstruire la conscience de classe.
C’est pourquoi nous participons au NFP et nous proposons Philippe Poutou dans une circonscription de l’Aude. Mais comme toujours, l’enjeu principal de l’unité est tout autant de la faire que ce que nous y faisons. Ainsi, nous défendons le mot d’ordre « battre Macron et l’extrême droite dans la rue et dans les urnes ». L’enjeu électoral doit créer un climat propice à la mobilisation, comme cela a pu être le cas pour le Front populaire de 1936. Aucune victoire des urnes ne changera en elle-même les choses, c’est la mobilisation de notre classe qui est centrale.
Article initialement publié le 23 juin sur le site de l’Anticapitaliste
Crédit Photo : Photothèque rouge / Martin Noda / Hans Lucas