Les éditions Entremonde ont publié la traduction française de l’ouvrage classique de Cedric James Robinson Marxisme noir. La genèse de la tradition radicale noire, initialement paru en 1983.

Cette traduction tardive témoigne de la difficulté des mouvements intellectuels et politiques francophones de gauche à se saisir de la question raciale et coloniale et à appréhender les rapports sociaux de race dans une perspective matérialiste

L’ouvrage, qui revient sur les liens existants entre traditions marxistes et courant du radicalisme noir (appréhendé au travers de trois figures : W.E.B. Du Bois, C.L.R James et Richard Wright), est principalement connu pour son analyse du développement du capitalisme, conduisant Robinson à parler de capitalisme racial. 

La spécificité de sa thèse consiste à montrer qu’une forme de racialisation des rapports sociaux – ce qu’il nomme le racialisme – existait déjà dans les sociétés européennes précapitalistes. Dès lors, loin de ne constituer qu’une stratégie de division des classes laborieuses ou un discours idéologique accompagnant les dépossessions et violences coloniales, le racisme apparaît comme constitutif de l’ordre capitaliste naissant et comme un phénomène proprement européen. 

Comme le souligne Selim Nadi dans sa préface à l’édition francophone, ce débat historiographique n’est pas sans conséquence pour les stratégies construites par les mouvements émancipateurs, notamment concernant les liens parfois houleux entre mouvements ouvriers européens et mouvements anticoloniaux.

Article initialement publié sur solidaritéS, le 1er septembre 2023.

Image : Cedric James Robinson en 2006 (source : flickr)