Depuis trois jours, des nouvelles, des images et des déclarations se suivent sur les téléviseurs, les ordinateurs et les smartphones après l’effondrement dévastateur du pont Morandi à Gênes.

Parmi les appels faits à la famille, aux amis et aux amies, aux compagnons et aux compagnes de ressentir de la colère, de la douleur et de l’amertume; la presse qui diffuse des images et des articles avec le fétichisme inquiétant habituel du cataclysme et désormais des enquêtes de plus en plus rares ou inexistantes pour enquêter sur l’incident et écouter la population; les déclarations politiques démesurées d’un gouvernement qui ne sait pas encore si et comment il pourra (et surtout s’il voudra) intervenir vraiment sur le fait (et se félicite entre-temps de la « bonne nouvelle » de l’énième rejet en mer d’un navire rempli de migrants …) , mais pendant ce temps persiste la campagne électorale permanente avec l’ensemble de l’arc parlementaire; Les sommets d’Autostrade (voir la famille Benetton) qui nient que le pont était dangereux, qu’ils ne « savaient » pas l’état de sécurité de la structure, demandant de ne pas tirer des conclusions hâtives qui pourraient « avoir des répercussions sur les actionnaires et les obligataires ».
Il reste une énorme colère et un profond dégoût.

Comme dans de nombreux cas de catastrophes de ce type : des tremblements de terre en Italie centrale, aux inondations du Nord au sud, aux catastrophes ferroviaires, il n’y a pas de fatalité « d’erreurs », de « je ne savais pas »: il n’y a que la possibilité de gagner et de faire du profit au prix de la vie de celleux qui travaillent et vivent dans ces régions ou de celleux qui passent par hasard.

Nos vies, celles qui ne pouvaient pas se permettre de voyager en classe affaire, celles qui sont allées au travail même un 15 août (grande fête en Italie), celles qui recherchaient un peu de tranquillité avec des amis ou des parents et qui au lieu de cela meurent en plongeant dans le vide.

Pour ceux qui sont au sommet, dans ce cas Autostrade Spa, nous restons les client.e.s payants ou la main-d’œuvre à exploiter, il n’y a pas de sécurité qui soit valable. Nos mort.e.s deviennent des risques calculés, des dommages potentiels à couvrir s’il faut avoir des marges de profit.

On en vient à penser, la colère montant encore plus, que celleux qui essaient chaque jour de régénérer écologiquement les territoires, de les mettre en sécurité et de les faire revivre grâce à l’autogestion et à l’entraide aujourd’hui sont attaqués comme la fabrique récupérée Ri-Maflow de Trezzano sul Naviglio et se retrouve carrément même en prison comme Massimo Lettieri(1)Voir l’article : gaucheanticapitaliste.org/solidarite-avec-massimo-lettieri-et-les-travailleu-ses-eurs-de-lusine-autogeree-rimaflow/, président de la coopérative RiMaflow, avec des accusations absurdes et infamantes.

Ceux qui ont des responsabilités directes et évidentes sur ces catastrophes (et qui commencent à comprendre que leurs actions descendront en bourse et vont tomber sur les marchés boursiers) demandent de ne pas se précipiter, tandis qu’ils comptent les bénéfices et réfléchissent sur le prochain plan d’affaires.
Les prochains jours seront toujours plus minables, dans un débat politique vide entre les retraits de concessions, les évaluations coûts/bénéfices, les rééditions déjà passées sur les routes, tandis que nous continuons à chercher les disparu.e.s, les mort.e.s augmentent de jour en jour et il y a des centaines de personnes déplacées.

Mais peut-être qu’à partir de la colère, pour aller plus loin, il peut y avoir une alternative concrète à l’impuissance de cette horreur : construisons une solidarité directe avec la population de Gênes comme cela a été fait pour la population de Amatrice et toutes les populations touchées par les catastrophes mortelles et criminelles. Une solidarité entre celleux qui savent sur leur peau ce que cela signifie de mourir comme ça ou parce qu’iels ont eu une expérience personnelle lors de catastrophes similaires ou parce qu’iels savent que cela pourrait très bien aussi les toucher, de se briser de ce pont.

Nous soutenons la possibilité que celleux qui vivent dans cette zone, celleux qui ont subi la perte d’un.e proche ou de leur maison sous les décombres de ce pont puissent décider de ce qu’il faut faire en priorité, de leurs besoins et que celleux qui vivent et travaillent à Gênes et ses environs en soient au centre. Imposons (avec celleux qui ont lutté et continuent de lutter dans ces lieux) la construction d’une nouvelle « zone d’urgence citoyenne » qui tienne compte de la leçon des tremblements de terre en Italie centrale contre le contrôle « extraordinaire » de la défense civile et la militarisation du territoire qui deviennent la nouvelle règle incontestable, où l’exception devient loi et l’autoritarisme s’aplique en fonction de nouveaux profits.

Soutenons la reconstruction d’une vie dans cette région qui passe par l’action et les besoins de celleux qui ont vécu et vivent là-bas, qui sont victimes de cette catastrophe.

En ces jours sombres, parmi les ruines d’un pont qui symbolise l’état de notre pays, essayons de repartir de là où personne ne regarde.

Une phrase célèbre d’Angela Davis, philosophe et militante afro-américaine, peut nous être utile: « Les murs renversés deviennent des ponts ».

Nous pouvons briser leurs murs dégoûtants pour reconstruire des ponts grâce à la solidarité entre celleux qui sont en dessous, pour nous sauver des décombres.

Faisons-le !

Publié le 17/08/2018 sur le site de Communia et traduit de l’italien par Christiane Maigre.