Quand le gouvernement parle de pacte, il vaut mieux sortir l’artillerie que de se sentir la paix descendre sur nous. Nous nous rappelons trop bien du pacte des générations ou toutes les générations, la nôtre et celles qui viennent ont été flouées.
Pacte des ministres
En fait il s’agit ici d’un pacte entre 4 ministres, 3 représenteraient le gouvernement d’une région et la quatrième représenterait le fédéral. Le conditionnel est de mise, il est clair aujourd’hui que les ministres censés représenter les gouvernements flamand et fédéral ne le représentaient pas vraiment. La NVA, au niveau politique, retire sa confiance aux mandataires. Les citoyen.ne.s constatent encore une fois que cette démocratie a des limites : une question qui concerne tout le monde et le concernera pendant longtemps, comment produire de l’électricité, fait l’objet d’un marchandage entre chefs de partis, loin des parlements, loin du mandat obtenu lors des élections régionales, loin de la légalité.
Il ne s’agit pas d’un pacte entre producteur d’électricité (la société ENGIE-Electrabel en a le quasi-monopole) et les ménages. Les citoyen.ne.s ont presque disparu de la table de négociations.
Le Pacte tripartite impossible : ministres, citoyens, grandes entreprises
Ce pacte est mauvais car il ne permettra pas à la Belgique de respecter ses objectifs européens qui ne permettront pas, à leur tour, de réaliser les objectifs du GIEC pour permettre à la planète d’éviter le désastre climatique. Ce pacte permet aux signataires de sauver la face par rapport à des citoyen.ne.s qui voudraient vivre en sécurité chez eux, et qui souhaitent que leurs enfants puissent y vivre également dans de bonnes conditions mais ne résout en rien le problème. L’option que défend la NVA est encore pire que le pacte, et se heurte frontalement aux désirs de son électorat.
Partir des besoins sociaux …
La question électrique est une question éminemment politique : elle dépasse les temps de la gestion, aujourd’hui réduit à 3-5 ans et elle concerne tout le monde, de la grande entreprise au ménage modeste et il s’agit d’une denrée indispensable. Dans une société démocratique moderne, un débat national aurait dû avoir lieu, sur le mode un.e citoyen.ne une voix, dont le résultat est connu d’avance : sortir du nucléaire et des fossiles dans la justice sociale. Un sondage a eu lieu dont les résultats restent confidentiels. Il y a effectivement 10 bonnes façons pour produire de l’électricité (1)Dix bonnes façons de produire l’électricité : augmenter l’efficacité, réaliser des économies, petits barrages (hydro-électrique), éolien terrien, éolien offshore, photovoltaïque, marémoteur, houlomoteur (vagues), cogénération, géothermie, énergie animale, et seulement deux mauvaises.
Les deux mauvaises solutions, carburer à l’atome fissile ou au carburants fossiles, sont les deux solutions qui permettent de réaliser le plus de bénéfices aux grandes firmes productrices d’énergie. Elles permettent de construire des monopoles et de prendre en otage chaque jour les consommateurs. Partir des besoins sociaux, c’est assurer à chaque ménage une quantité suffisante d’électricité pour faire face à ses besoins dans la sécurité d’approvisionnement, mais aussi la sécurité en matière de radiations accidentelles ou en matière de déchets et en matière de climat, d’émission en gaz à effet de serre.
… ou des demandes des grandes entreprises
La NVA prétendait gouverner selon les désirs des PME flamandes. En réalité, elle a abandonné sa base sociale aussi bien dans le dossier de l’indépendance flamande que dans la défense du « petit » patronat. De nombreux patrons de PME ont une implantation locale peu mobile. Une catastrophe nucléaire signifierait la fin de nombreuses entreprises artisanales : boulangerie, imprimerie, atelier mécanique… Cela rend leur patron sensible à l’argumentaire antinucléaire. Il en va autrement pour une grande entreprise de la zone portuaire Anversoise qui pourrait transférer la production sur les autres usines du groupe. En outre, les PME paient leur électricité beaucoup plus chèrement que les grandes entreprises. L’électricité nucléaire, une fois l’amortissement de l’installation terminée, est nettement meilleure marché que n’importe quelle autre source d’électricité : les grandes industries grandes consommatrices en profitent de tarifs rikiki. Le manque à gagner pour ENGIE-Electrabel est compensée par le nombre de Mégawatt consommés et par la hausse du tarif des ménages et PME.
La discussion se déroule sur la place publique. Les associations patronales au grand complet veulent prolonger au moins deux réacteurs après 2025 : la FEB-VBO (grandes entreprises), Essenscia (chimie), l’UWE (Wallonie), Agoria (mécanique, électricité), Febeliec (grands consommateurs industriels d’électricité), UNIZO (entrepreneurs flamands). ELIA, qui se présente comme le distributeur d’électricité « neutre et scientifique » est en réalité une société anonyme cotée en bourse et proche d’ENGIE-Electrabel, a publié un rapport en faveur du prolongement. Le prof. D. Ernst de l’ULG, figure médiatique qui se présente comme critique par rapport au nucléaire, a défendu bec et ongles le prolongement.
En route vers la catastrophe
La réalité du paysage électrique est restée opaque pour les citoyens. Cinq centrales à gaz, qui ensemble peuvent assurer la production d’un réacteur nucléaire, sont arrêtées parce que brûler du gaz est moins rentable que le nucléaire. Ces centrales sont entretenues au frais des contribuables, parce qu’EDF-Luminus et ENGIE-Electrabel menaçaient de les démolir.
Deux réacteurs nucléaires doivent être ou rester fermés. Doel 3, à l’arrêt jusqu’au 15 avril, doit être débranché définitivement du réseau. Presque 14.000 failles et une grande friabilité affaiblissent la paroi de la cuve du réacteur, ces failles sont concentrées dans une seule virole près du cœur du réacteur : il peut se casser en deux à chaque arrêt d’urgence (0.5 stops/réacteur/an en moyenne). Les failles, probablement des bulles d’hydrogène, deviennent plus grandes et plus nombreuses à chaque inspection : elles évoluent dans le mauvais sens et personne ne peut en prédire la vitesse. Les mêmes phénomènes se produisent dans le réacteur jumeau de Tihange 2, à une échelle moindre. Les deux réacteurs se trouvent dans des zones densément peuplées : Doel 3 se trouve dans une zone SEVESO à 12 km de l’Hôtel de Ville d’Anvers, Tihange 2 se trouve dans le prolongement de la piste de décollage de l’aéroport de Liège, qui est aussi utilisé par LACHS pour transporter entre autres armes et explosifs vers Israël. Exploiter ces deux réacteurs c’est ouvrir la voie à une catastrophe plus grave que Fukushima.
Un investissement massif et peu rentable à court terme est nécessaire pour compenser la sortie du nucléaire, décidé en 2003 au parlement de ce « royaume démocratique ». ENGIE a refusé de se plier à la loi et d’investir lorsque le bénéfice immédiat n’était pas garanti. La Belgique ne peut attendre le bon vouloir du Conseil d’Administration parisien de cette firme. Un plan quinquennal public de construction d’équipements renouvelables d’électricité est nécessaire. Il faut mettre fin à la capacité de nuire d’ENGIE, et utiliser les bénéfices importants produits par l’exploitation pendant le temps nécessaire à la réalisation de ce plan.
Les citoyen.ne.s et leurs associations syndicales et écologiques doivent avoir leur mot à dire quant à l’utilisation de l’électricité par l’industrie et le commerce. Les grands consommateurs -les 2/3 de la consommation électrique est le fait des entreprises- doivent être contraints à diminuer leur consommation et à la rythmer en fonction de l’intérêt général. Il est amoral et injuste de rejeter la responsabilité de la crise actuelle sur le dos des ménages qui n’y sont pour rien. Pourtant l’utilisation de la facture d’électricité des particuliers pour les punir de leur consommation va dans ce sens. Malheureusement certains courants antinucléaires abondent dans ce sens. Ce qui n’empêche pas d’éteindre la lumière dans les pièces qu’on utilise pas et de changer de fournisseur(2)2. Voir COCITER, une coopérative qui s’est prononcée publiquement contre le nucléaire : http://www.cociter.be encore cette année si ce n’est déjà fait.
La lutte des classes existe et ils gagnent
Le nucléaire devient clairement un enjeu central de la lutte des classes. Seul la classe des travailleu.r.se.s, citoyen.ne.s, consommat.rice.eur.s l’ignore. En face, la fraction brutale de la NVA semble l’emporter sur la fraction consensuelle de la bourgeoisie. Mais les deux n’hésiteront pas à trouver une unité sur notre dos.
Les déclarations de principe de la FGTB et de la CGSP, écrits à la sortie de la guerre fasciste, qui prônent la nationalisation sous contrôle démocratique des secteurs de l’énergie et de la finance trouvent aujourd’hui une actualité insoupçonnée depuis des décennies. Ce texte est devenu difficile à trouver : à nous de la déterrer !(3)12. [La FGTB] estime que la socialisation des grands trusts bancaires et industriels s’impose et qu’il convient également d’organiser, diriger et contrôler le commerce extérieur.
13. Rejetant l’idée de la gestion étatique ou bureaucratique, il entend que la gestion des entreprises nationalisées soit confiée aux travailleurs (techniciens, employés et ouvriers) et aux consommateurs, préalablement organisés au sein de Conseils de direction et de coordination de l’économie nationale. http://www.fgtb.be/documents/20702/127646/Statuts.pdf
Notes