La Garantie de Revenu aux Personnes Agées(1)GRAPA est un dispositif légal ancien. Il consiste en un revenu, ou complément de revenu, accordé aux vieux et vieilles de 65 ans et plus dont le droit à la pension par les cotisations est insuffisant de sorte à leur assurer un revenu minimum (inférieur au seuil de pauvreté). La loi prévoit comme seules conditions d’octroi l’âge et le fait de résider sur le territoire belge. Dans la version de 2013, la loi avait exigé une résidence minimum de 10 ans sur le territoire mais en 2019 la Cour Constitutionnelle a cassé cette disposition. Ainsi, le 11 juillet ’19, profitant des vacances, le ministre Baquelaine contre-attaqua en faisant passer en catimini un arrêté royal d’application de la loi qui en change radicalement le sens en introduisant un dispositif massif et systématique de contrôle qui porte non plus sur la résidence sur le territoire mais d’une nouvelle obligation de séjourner en permanence à son domicile, une tolérance étant accordée pour une absence de 21 jours maximum, à condition d’en avertir préalablement l’Administration Communale. Pourquoi pas un bracelet électronique ? De plus, l’arrêté comprend la disposition d’un contrat entre le ministère des pensions et Bepost, les facteurs devenant les mouchards chargés de surveiller les vieux pauvres.
Ceci n’est pas une mesure marginale : le ministre a annoncé triomphant que le dispositif avait opéré sur les 4 premiers mois 50.000 contrôles débouchant sur plus de 2000 sanctions. Ne connaissant pas les termes du contrat de Bepost, on ne peut savoir si l’opération est profitable au ministère des pensions. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cet abus de pouvoir de l’exécutif porte un coup très dur à la solidarité entre allocataires sociaux et qu’elle banalise encore davantage l’entorse aux droits individuels de catégories d’allocataires sociaux comme sont déjà entrées dans les usages les visites domiciliaires des demandeurs d’emploi. Le triomphe de Baquelaine porte plus sur cette nouvelle division. Le tour à quelle prochaine catégorie ?
L’opposition à ce dispositif a soulevé pas mal de protestations de la part des pensionnés de la FGTB et de la CSC, de la part du Gang des Vieux en Colère, de la part de la Ligue des Droits Humains, de la part de l’Observatoire Wallon de la Pauvreté et des interpellations parlementaires … mais on attend toujours la réaction des syndicalistes de la Poste ! L’une dans l’autre, ces protestations encore modestes ont mis le ministre sur la défensive, et, au prétexte de la crise du covid, le contrôle est suspendu. Faisons-en sorte qu’il finisse à l’oubliette mais gardons précieusement la leçon, la malveillance libérale n’a pas dit son dernier mot.
L’aspect syndical de l’affaire, c’est que les privatiseurs ont marqué un point dans leur combat en réduisant encore plus le caractère social du service public de la poste en la mettant en concurrence avec les sociétés de gardiennage. Ils ont réussi à diviser les facteurs entre ceux qui rêvent encore du rôle de lien social qu’ils jouaient auprès des gens isolés et les inconscients qui se réjouissent d’une nouvelle manne d’emploi. Le devoir des syndicalistes est de dénoncer le contrat GRAPA de leur employeur, de refuser la fonction de flic privé, de faire campagne pour le rétablissement de la condition perdue des postiers, la revalorisation des salaires, la réduction du temps de travail, la réduction des itinéraires pour leur rendre le temps de voir leurs clients, le rétablissement du nombre de tournées.
Le rapport de forces n’y est pas ? Soit, alors popularisez la revendication pour des temps meilleurs. La poste est un service public pas une machine à profit !
Notes