Dans un communiqué de presse, la Confédération européenne des syndicats (CES) a publié des chiffres sur les dividendes versés aux actionnaires des grandes entreprises, en les comparant aux salaires des travailleurs. « Pour des millions de travailleurs aux prises avec la crise des prix de subsistance, ces chiffres seront difficiles à accepter », a déclaré la CES.
En effet, dans l’Union européenne (plus la Norvège et la Suisse), les dividendes versés au deuxième trimestre 2022 ont augmenté de 28,7 % par rapport au deuxième trimestre 2021. Mais sur la même période, les salaires des employés devraient afficher une augmentation nominale de 3,8 %. Ainsi, compte tenu du taux d’inflation moyen de 9,8 %, les salaires réels se détériorent de 6 % en moyenne ; les dividendes, en revanche, augmentent de près de 20 % supplémentaires par rapport au niveau d’inflation.
Des chiffres spécifiques pour une série de pays sont présentés dans le tableau suivant :
Croissance des dividendes 2° trimestre 2022 vs 2021 | Croissance attendue des salaires par employé | Inflation juillet 2021-juillet 2022 | |
Belgique | 25,1 % | 5,9 % | 10,4 % |
Finlande | 16,7 % | 3,2 % | 8,0 % |
France | 32,7 % | 3,8 % | 6,8 % |
Allemagne | 36,3 % | 3,4 % | 8,5 % |
Irlande | 7,1 % | 3,8 % | 9,6 % |
Italie | 72,2 % | 3,7 % | 8,4 % |
Pays-Bas | 23,4 % | 3,0 % | 11,6 % |
Espagne | 97,7 % | 3,3 % | 10,7 % |
Suède | 8,8 % | 0,7 % | 8,3 % |
Europe | 28,7% (UE27+Norvège et Suisse) | 3,8 % (UE27) | 9,8 % (UE27) |
Les chiffres proviennent de Janus Henderson Investors, dont l’étude a porté sur les 1 200 entreprises mondiales ayant la plus grande capitalisation boursière. Les chiffres absolus sont stupéfiants. Au deuxième trimestre de 2022, 545 milliards de dollars ont été versés par ces entreprises, soit 11,3 % de plus que l’année précédente. Pour l’ensemble de l’année 2022, ce cabinet d’investisseurs prévoit que 1557 milliards de dollars seront distribués par les 1 200 entreprises considérées. Si les actionnaires ont quelque peu souffert des conséquences de l’épidémie de corona en 2020, ce passage à vide a été plus que compensé les années suivantes, comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous :
Les entreprises du secteur de l’énergie, en particulier, nageant dans les superprofits, peuvent rendre la vie encore plus agréable à leurs actionnaires en rachetant leurs propres actions, ce qui augmente encore leur valeur boursière. Vous pouvez lire ici comment cela fonctionne chez Shell et Total.
Pourtant, il n’y a aucun signe d’embarras des investisseurs devant ce honteux spectacle. Commentaires d’un analyste financier de Carbon Tracker : « Nous dirions même qu’en termes de durabilité, il est préférable pour les entreprises de verser des dividendes aux actionnaires plutôt que de les réinvestir dans de nouvelles productions de pétrole et de gaz, ce qui ne fait que contribuer au réchauffement climatique ».
Herman Michiel est actif dans Ander Europa. Cet article a été initialement publié sur le site www.andereuropa.org.