Cette semaine, nous revenons sur l’un des évènements majeurs de l’histoire belge: la grève de 60-61. Après un premier article de Frank Slegers sur la chronologie de la grève(1)https://www.gaucheanticapitaliste.org/60-61-la-greve-du-siecle/, un deuxième du militant André Henry sur son expérience(2)https://www.gaucheanticapitaliste.org/verreries-greve-charleroi-glaverbel/, ci-dessous est reproduit l’article publié le 28 janvier 1961 dans La Gauche (n°5).

Après la guerre d’Espagne, les états-majors de tous les pays se sont penchés avec soin sur les enseignements à tirer de cette répétition générale de la Deuxième Guerre mondiale. Ceux qui ont le mieux étudié les effets ont pu inscrire à leur crédit des victoires importantes : les généraux allemands en 1940, les généraux russes en 1942-43, les généraux américains en 1944. Nous venons d’assister dans notre pays à la plus formidable grève que l’Europe ait connue depuis la Deuxième Guerre mondiale. Des aspects nouveaux et imprévus de la guerre de classe sont ainsi apparus à tous ceux qui cherchent à préparer des batailles d’avenir.

La bourgeoisie a tiré ses conclusions, en Belgique et ailleurs. Il suffit de parcourir la presse de droite et les feuilles patronales pour constater la portée de ses plans : limitation sinon suppression du droit de grève, interdiction radicale des piquets, renforcement de la gendarmerie, mise en place d’une législation antisyndicale, obligation, pour les partis d’opposition à respecter une « certaine mesure d’unanimité » avec les gouvernements, responsabilité personnelle des dirigeants syndicaux pour les faits de grève des membres de leur organisation, préparatifs de répression massive, etc. Certes, ces plans ne seront pas tous réalisés. D’abord parce que les rapports de forces ne s’y prêtent guère. Ensuite parce qu’au sein de la bourgeoisie, ceux qui désirent « aller jusqu’au bout » – (« collez-moi dix agitateurs au mur, et le calme reviendra tout de suite ») se heurtent à ceux qui craignent les conséquences – terribles pour le régime capitaliste – du durcissement et de la radicalisation de la classe ouvrière qui résulteraient de pareille politique.

Mais si l’adversaire étudie avec soin les leçons de cette grande grève, nous manquerions à notre devoir en omettant de nous préparer, comme eux, aux grandes batailles à venir. C’est froidement, sans passion, sans visées personnelles, mais aussi sans fausses pudeurs et sans vouloir cacher les faiblesses apparues, que nous devons tirer les leçons de cette expérience si riche en enseignements divers.

La guerre de classe implacable du Capital contre le Travail

Pendant trente jours, nous avons assisté dans notre pays à une guerre de classe implacable, sans merci et sans scrupules du Capital contre le Travail. Dans cette guerre, les chevaliers de la Morale, les suppôts du Trône, de la Propriété et de la Famille, ont mobilisé sans hésiter tous les mensonges, toutes les infamies et toutes les violences pour la défense de leur cause injuste.

Pour la première fois depuis très longtemps, le gouvernement qui ne fut que tout au long de cette grève que le conseil d’administration des holdings et du Grand Capital, a cherché délibérément et par tous les moyens à briser la grève. Voilà la seule explication fondamentale de tous les incidents violents qui ont marqué ce conflit. Devant la puissance économique concentrée que détient une poignée de grands capitalistes, la classe ouvrière ne possède qu’une seule arme efficace pour établir temporairement l’équilibre : la grève. C’est une arme pacifique par excellence. Mais pour qu’elle soit efficace, il faut qu’elle soit totale. La logique de la grève implique les piquets, comme la logique de la propriété capitaliste implique, de nos jours, les sociétés par actions. Admettre le droit de grève mais interdire les piquets, c’est exactement comme si on voulait, au siècle de l’automation, tolérer la libre entreprise mais interdire toute société par actions.

Le gouvernement, dès le troisième ou le quatrième jour de grève, a cherché délibérément à détruire les piquets. Il ne put le faire partout à la fois. Imitant la tactique du maréchal Foch, il a d’abord tâté le terrain pour trouver les points faibles. Il les découvrit bientôt à Bruxelles, dans les deux Flandres et dans le Namurois. C’est sur ces points qu’il concentra l’effort de son appareil de répression. Au fur et à mesure que cet effort y fut couronné de succès, ses forces de répression se rabattirent sur Gand et sur Anvers, sur le Hainaut et sur Liège.

La presse adverse et les syndicats chrétiens affirment qu’il avait le devoir d’assurer « la liberté de travail ». Rien n’est moins vrai. En général, il ne s’agissait nullement de défendre les travailleurs désireux de poursuivre le travail dans les entreprises-clé. Il s’est agi plutôt d’un effort d’introduire dans les entreprises, sous couvert de la gendarmerie, et en provoquant des bagarres avec les grévistes, des travailleurs qui avaient librement quitté le travail, qui avaient été mobilisés délibérément par la police, la gendarmerie, le patron ou… les délégués chrétiens, et même souvent des travailleurs étrangers à l’entreprise en question. Ne pas résister à de telles tentatives, c’eût été pour les grévistes s’avouer tout de suite battus. S’il n’y a plus de grèves possibles en Belgique aussi longtemps que la gendarmerie peut racoler dix pour cent de jaunes sur l’ensemble de la main-d’œuvre, alors le droit de grève n’existe plus en pratique.

D’aucuns ont affirmé que cette riposte du gouvernement découlait du caractère « politique » de la grève. Argument hypocrite s’il en est ! Toute grève générale est inévitablement « politique », puisqu’elle vise l’ensemble de la bourgeoisie et son pouvoir. Pourtant, les travailleurs s’étaient mis en grève pour défendre leur niveau de vie contre un attentat délibéré du gouvernement, attentat qui réduisait leur pouvoir d’achat global de 3 à 4%. Cette grève voulait-elle faire pression sur un vote du Parlement ? A la bonne heure ! Nos étranges « démocrates », à la conscience si sensible, ne sont pourtant jamais offusqués quand les holdings, les banquiers, les groupes financiers, les industriels pesaient, et pèsent tous les jours, de tout leurs poids, sur les mêmes décisions parlementaires !

Imaginons qu’un gouvernement de gauche esquisse une politique économique, commerciale et financière que les holdings considèrent contraire à leurs intérêts. Imaginons – mais n’est-ce pas déjà arrivé ? – que pour réagir et défendre les « intérêts partisans », ils réduisent la souscription de certificats de trésorerie, qu’ils organisent l’évasion des capitaux, qu’ils réduisent leurs investissements en Belgique. Puisqu’il s’agit d’une « pression intolérable de la haute finance sur le parlement » et qu’il s’agit de limiter le droit de propriété de manière à défendre « nos institutions démocratiques », de même que d’aucuns ont cru devoir limiter le droit de grève dans ce même but, ce gouvernement de gauche serait alors parfaitement habilité à s’assurer de force l’accès des banques et des coffres-forts, à mettre en prison tout industriel ou tout banquier pris en flagrant délit de transfert de ses fonds à l’étranger, à saisir des comptes en banques, à confisquer des entreprises que leurs propriétaires auraient fermées pour « bafouer la volonté clairement exprimée de la majorité de la nation ».

Excellente leçon donnée au mouvement ouvrier Monsieur Eyskens ! Espérons qu’on s’en souviendra, et qu’on saura l’appliquer à la première occasion. Mais gageons que les hypocrites qui ont versé tant de larmes sur ce pauvre Parlement soumis à la « pression de la rue », gémiront à ce moment-là non pas sur la démocratie violée par les banquiers… mais sur le « droit sacré de propriété », violé par les méchants parlementaires.

Les ouvriers ne peuvent pas peser sur le pouvoir politique par la grève ; mais le pouvoir politique n’a pas le droit de limiter la puissance de la propriété pour l’empêcher, elle, de soumettre en permanence le parlement et le gouvernement. Ces deux poids et deux mesures, cette toute-puissance de la propriété et cette limite sévère imposée au droit de grève du Travail, c’est la nature même du régime capitaliste et de l’État bourgeois qui s’y exprime clairement. C’est tout le fond de la guerre de classe implacable que le Capital mène constamment contre le Travail. Il suffit que la classe ouvrière, pendant quelques jours, n’accepte plus de se soumettre à ce joug infâmant pour que les masques des « conciliateurs » des « amis des travailleurs », des « admirateurs du bon syndicalisme », des bons apôtres qui assurent que « la lutte de classes appartient au passé », tombent comme par enchantement, et que ces messieurs apparaissent sous leur vrai visage hideux : celui des excitateurs à la répression qui applaudissent aux charges de gendarmerie, aux grenades lacrymogènes, aux coups de crosse assénés aux femmes, aux gardiens de « l’ordre » assassinant lâchement des grévistes désarmés.

Une classe ouvrière magnifique d’élan et de combativité

La grande grève de 1960-61 a fait table rase de toutes les théories pseudo scientifiques selon lesquelles la classe ouvrière « n’existe plus », selon lesquelles elle ne serait plus capable « de se battre comme au siècle dernier », sous l’influence de salaires relativement élevés et d’un niveau de consommation « se rapprochant de celui des classes moyennes ». Elle a, au contraire, complètement confirmé la thèse que nous ne cessons de défendre dans La Gauche depuis quatre ans, à savoir que la classe ouvrière d’aujourd’hui est capable de se battre plus fortement, avec plus d’acharnement et plus d’élan, que la classe ouvrière d’il y a trente ou cinquante ans, à condition qu’elle soit éduquée et préparée à combattre par ses organisations.

La grève a confirmé que partout où les organisations ouvrières avaient tant soit peu fait leur devoir, avaient informé les travailleurs sur la teneur exacte de la « loi unique », avaient lancé depuis des années la campagne pour les réformes de structure, la classe ouvrière a répondu magnifiquement et au-delà de tout espoir à la poussée de lutte partie spontanément de ses couches sociales les plus avancées. Faut-il rappeler que les cheminots ont réussi leur première grève depuis 1923, et qu’ils l’ont réussie en Flandre comme en Wallonie, même en Flandre occidentale, beaucoup mieux qu’en 1923.

Que les couches les plus ardentes au combat, à Liège, à Charleroi, dans le Centre, à Anvers, à Gand, étaient des couches comme les sidérurgistes et les dockers, qui auraient dû être les plus « corrompues » par les « hauts salaires », selon les tenants de la thèse mécaniste rappelée plus haut ?

Que si la grève a donné moins bien dans certains secteurs industriels en Flandre et dans le Brabant, ce fut essentiellement dans des secteurs moins bien payés, où le poids des chrétiens, du niveau de vie misérable, du manque d’éducation, d’organisation et de culture, ainsi que – il faut le dire – l’insuffisance criante de propagande et de direction de nos propres organisations, contrebalançaient le puissant appel à la solidarité de classe lancé par la grève ?

Car même dans les régions où la grève a moins bien réussi, on trouve dix, cent indices de combativité ouvrière étonnante. On y découvre surtout une direction syndicale qui ne fut pas à la hauteur de ses tâches. Il n’est pas démontré que si les Régionales flamandes de la FGTB avaient proclamé la grève générale le 21 ou l e22 décembre, avant que le mandement du cardinal, la répression du gouvernement et les concessions faites en dernière minute à la CSC ne purent avoir leurs pleins effets, il n’est point démontré que, dans ces conditions, la grève n’aurait pas été générale dans tout le pays dès son troisième ou quatrième jour, balayant toute velléité de résistance du Napoléon en carton-pâte que le hasard avait investi du pouvoir exécutif dans notre pays.

La combativité et l’élan de la classe laborieuse se sont également révélées dans le fait que dans de nombreux bassins, les couches jeunes ont répondu spontanément avec des formes suprêmes d’organisation de combat du passé – les comités de grève interprofessionnels, réunissant tous les jours des assemblées de grévistes – qu’on n’avait plus connues dans notre pays depuis 1936. Dans les régions où la direction syndicale s’était identifiée avec le mouvement, à Liège, dans le Centre et ailleurs, ces comités furent essentiellement constitués par des délégations syndicales FGTB elles-mêmes. Ailleurs, notamment en partie à Charleroi et à Anvers, ils surgirent de la base, incluant également des non-syndiqués. L’organisation et la centralisation des piquets, l’organisation de la solidarité, la mobilisation de toute la population au secours des grévistes, la défense de la grève contre la répression et la provocation : tel parut l’objectif de ces comités.

Toute grève générale est par la force des choses une grève politique, avons-nous dit. Elle est, en effet, dirigée contre la classe bourgeoise en tant que telle, c’est-à-dire la classe bourgeoise constituée en classe dominante, c’est-à-dire son gouvernement. Voilà pourquoi, inévitablement, à travers toute grève générale réussie, se profile la trame d’un pouvoir nouveau, de la démocratie directe des travailleurs. Dans les bassins industriels wallons, la grève fut générale au-delà de tout espoir. Le pouvoir nouveau y est nettement apparu en puissance, plus nettement encore qu’en 1936 ou en 1950. Bien plus que toute « violence », que tout bris de vitres, que toute « émeute », c’est ce pouvoir nouveau embryonnaire qui a fait trembler de rage la bourgeoisie, qui l’a frappée de frayeur, qui l’a incitée à s’accrocher et à résister désespérément, sacrifiant, la mort dans l’âme, des milliards de revenus et de commandes.

Une direction largement défaillante

Tout cela s’est produit par la force des choses bien plus que par la volonté « insurrectionnelle » – totalement absente – des dirigeants. Tout cela fut inscrit dès le début dans la logique d’un mouvement d’une telle ampleur. Il faut bien le dire : dans sa majeure partie, et toujours à l’exception de quelques bassins wallons susmentionnés, la direction syndicale et socialiste fut totalement prise au dépourvu et effrayée par cette logique implacable d’une bataille aussi colossale.

Des citoyens à l’âme d’épicier peuvent aujourd’hui peser le pour et le contre dans la balance. Ils peuvent craindre que nous ne perdions, par-ci par-là, quelques mandats parlementaires, par suite de l’irritation ou de la peur des électeurs des « classes moyennes ». Nous n’examinerons pas, pour le moment, si ces craintes sont fondées ou non. Mais il faut que la question soit bien posée. Croit-on sérieusement que les risques courus en cas d’abandon de la grève par la FGTB et le PSB n’auraient pas été mille fois plus graves ? Croit-on sérieusement qu’un mouvement comme le nôtre aurait pu impunément abandonner à leur sort des centaines de milliers de travailleurs qui, rappelons-le, ont spontanément déclenché cette grève ?

Parce que la grève générale est une bataille colossale avec laquelle on n e peut pas jouer, qu’on ne peut pas improviser, une grève générale capable de vaincre rapidement doit être une grève générale bien préparée. Un mouvement spontané, quelque puissant qu’il soit, ne peut réussir cette tâche, surtout dans un pays comme le nôtre, avec des divisions profondes entre travailleurs flamands et wallons, chrétiens et socialistes, arrière-garde et avant-garde, qui subsistent comme héritage de tout un passé. Pour triompher, il fallait triompher rapidement. Pour triompher rapidement, il fallait une stratégie adéquate, capable de mobiliser les couches d’avant-garde et d’entraîner très vite les couches arriérées dans le combat. Une stratégie adéquate exige une direction adéquate. Celle-ci fut absente à l’échelle nationale.

La principale responsabilité en incombe à la majorité du Comité National Élargi du 16 décembre qui, méconnaissant totalement la volonté de lutte de centaines de milliers de travailleurs, avait refusé d’adopter le plan soumis par André Renard, à savoir la préparation d’une grève générale, au moyen d’un mouvement de vingt-quatre heures et d’un référendum dans toutes les entreprises. Toute l’avant-garde de notre classe laborieuse a ressenti ce vote comme un brutal camouflet. Pour manifester ses réels sentiments, elle s’est mise spontanément en grève, le 20 et le 21 décembre. Cela ne laissa à la minorité du Comité National que le choix entre l’abandon des grévistes ou la reconnaissance et la généralisation du mouvement, dans les régions – essentiellement wallonnes –où elle était majoritaire. Il faut inscrire à son honneur le fait qu’elle ait choisi la seconde solution. Entre une grève générale organisée et bien préparée, et une grève générale spontanée et partiellement sans direction, dans une partie du pays, c’est la première qu’il faut préférer. Mais entre une grève générale spontanée et partiellement sans direction d’un côté, et pas de grève générale du tout, malgré le début d’agression contre le standing de vie des travailleurs, c’est la première éventualité qui est de loin préférable.

Incapable de prévoir la grève et de s’y préparer à temps, la direction a été également incapable de l’organiser adéquatement et de la mener à bonne fin, dans une partie du pays. L’exemple de Bruxelles, est à ce propos, particulièrement édifiant ; il est examiné plus loin dans ce journal. L’exemple d’Anvers, où pourtant des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs se sont battus comme des lions, ne l’est pas moins.

Lorsque l’extension de la grève ne fut pas assez rapide et totale pour faire plier genou au gouvernement, il n’y eut plus qu’une seule chance de réussite complète du mouvement : la concentration active de toutes les énergies grévistes sur un point central. La Gauche, les JGS(3)Jeunes Gardes Socialistes, d’importantes organisations syndicales, comme les « communaux d’Anvers et de Liège, les cheminots de Liège, les comités de grève du nord de Charleroi et d’Haine-Saint-Pierre, ont suggéré la marche sur Bruxelles, pacifique et non violente.

Elle avait l’énorme avantage de « fixer » autour de la capitale l’essentiel des forces de répression, de dégager ainsi des bassins industriels, d’interrompre pratiquement tout le trafic dans le pays avec « l’aide » de la gendarmerie, de peser d’un poids décisif sur la ville où, si on le veut ou non, se trouvaient les pouvoirs contre lesquels cette grève était déclenchée. L’absence d’une direction nationale de grève, capable de mobiliser les travailleurs de tout le pays, fit échouer ce projet. Nous le regrettons, parce que nous croyons sincèrement qu’il fut réaliste et responsable, la seule chance de réussite complète qui resta au mouvement.

S’ouvrit dès lors la phase finale du conflit, celle de la guerre d’usure, quand la question du « second front » politique fut soulevée. C’est avec un grand retard que fut soumis le mémorandum Collard fixant une « solution de rechange » à la « loi unique » comme objectif de la grève. N’eût-il pas mieux valu le faire dès les premiers jours ? N’eut-il pas mieux valu déposer tout de suite – comme nous l’avions demandé – sur le bureau des Chambres, des propositions de loi-cadre visant la réalisation de réformes de structure, qui auraient donné à la grève un objectif politique clair à atteindre ?

Toutes ces défaillances, il faudra maintenant les passer au crible de la critique, fraternelle mais juste. Il faudra en tirer toutes les conclusions qui s’imposent. Les travailleurs, les grévistes qui ont consenti d’énormes sacrifices, ont le droit de l’exiger. Nous avons le devoir de satisfaire leurs exigences.

A ceux du camp adverse qui ricanent de nos « divisions », nous répondons par un simple rappel : Au lendemain du 1er juin 1958, vous avez aussi ricané des « divisions socialistes ». Mais les débats de cette époque-là ont conduit tout droit à cette grande grève de 1960-61. Prenez garde que les débats d’aujourd’hui ne conduisent à une bataille bien plus formidable encore, qui vous infligera une défaite écrasante !

Il faut être complètement ignorant, ou avoir l’esprit déformé d’un mouchard, pour supposer un seul instant qu’une poignée d’ »agitateurs » sont capables de déclencher un formidable mouvement de masse de sept ou huit cent mille travailleurs comme celui que nous venons de vivre. Ce mouvement a démontré que notre classe laborieuse est prête à se battre, et se battre de toutes ses forces, pour le grand objectif que l’histoire lui a fixé : refouler résolument l’offensive capitaliste et imposer, à la place de « solution » capitalistes de régression sociale, les solutions socialistes des réformes de structure.

La première bataille pour ces réformes de structure vient de se terminer. La classe laborieuse est gonflée à bloc. Elle rentre, musique en tête en chantant L’Internationale, comme les cheminots de Tournai. Elle ressoudera l’unité de son front, corrigera les faiblesses de son dispositif de lutte, se préparera à la seconde phase. Elle continuera sa lutte, jusque la victoire finale.

Voilà votre « succès, » M. Eyskens.

Ernest Mandel