L’île de Porto Rico est le théâtre d’une combinaison de crises : Covid, ouragans, tremblements de terre et sécheresse, mauvaise gestion et corruption.

Le Covid-19 a provoqué 135 000 morts aux États-Unis, qui comptent des dizaines de millions de chômeurEs, et les deux crises, sanitaire et économique, se poursuivent et sont maintenant dans leur cinquième mois. Mais nulle part la crise économique n’a été plus forte que dans la colonie américaine de Porto Rico dans les Caraïbes.

Crises profondes

La gouverneure Wanda Vázquez a été certes la première gouverneure des États-Unis à ordonner la fermeture d’entreprises et à demander aux personnes de rester chez elles, ce qui a aidé à contenir le virus. À l’heure actuelle, il n’y a que 9 336 cas de coronavirus et seulement 167 décès sur une population de 3,2 millions d’habitantEs. Mais la fermeture économique a dévasté l’île. Avec une population active civile de 1,05 million de personnes, 300 000 personnes ont déposé une demande d’indemnisation du chômage et le taux de chômage officiel est de 23 %.

L’année dernière, les Portoricains se sont soulevés et ont contraint leur précédent gouverneur Ricardo Rosselló à la démission après avoir appris que, lors d’un échange sur Telegram, il avait utilisé un langage misogyne et homophobe, plaisanté sur les personnes décédées dans l’ouragan María et avait semblé menacer la vie de la maire de San Juan, Carmen Yulín Cruz. Le nombre de manifestantEs était passé de dizaines de milliers à un million, forçant Rosselló à démissionner en août 2019.

Alors que la cause immédiate du soulèvement était le message texte de Rosselló, il y avait aussi d’autres problèmes. Porto Rico a une dette énorme de 72 milliards de dollars. L’île avait alors un taux de chômage de 14,2 % et un taux de pauvreté de 45 %. Le gouvernement américain a créé un Conseil de surveillance et de gestion financières de Porto Rico (FMOB) pour gérer l’économie. Les problèmes financiers résultent à la fois d’une mauvaise gestion économique, de la corruption de certains dirigeants et de catastrophes naturelles.

Une île délaissée par Trump

L’ouragan María, avec des vents de 160 kilomètres à l’heure, a frappé l’île en septembre 2017, faisant 3 057 morts et causant 90 milliards de dollars de dégâts matériels. De nombreuses maisons ont perdu leur toit, laissant des milliers de personnes sous des bâches pendant un an ou plus ; et certains se sont retrouvés sans électricité, sans nourriture ni eau. Le président américain Donald J. Trump a déclaré à des conseillers qu’il ne voulait pas qu’un seul dollar aille à Porto Rico, car il pensait que l’île « abusait de l’argent et profitait du gouvernement ». L’Agence fédérale de gestion des urgences n’a pas fourni d’assistance adéquate. Après l’ouragan, lors d’une visite dans l’île début octobre, Trump, alors qu’il participait à une distribution de produits de première nécessité, a lancé plusieurs rouleaux de papier essuie-tout dans la foule, exaspérant de nombreux Portoricains. Il y a quelques jours à peine, un ancien membre de l’administration présidentielle a révélé qu’à l’approche de la tempête, Trump avait interrogé ses assistants sur la possibilité de se débarrasser de l’île, par exemple en la vendant.
Depuis l’ouragan, 500 000 PortoricainEs ont quitté l’île pour vivre aux États-Unis, la plupart s’installant en Floride. Au total, 5,8 millions de PortoricainEs vivent aux États-Unis, la plupart à New York et dans le Nord-Est.

Un sous-statut

Des catastrophes continuent de frapper l’île. Fin décembre 2019 et début janvier 2020, s’est produite une série de tremblements de terre ; le plus important de ces séismes de magnitude 6,4 a gravement endommagé la ville de Ponce. Et, actuellement, 60 % de Porto Rico souffre de la sécheresse et certaines régions ne disposent pas d’un approvisionnement quotidien en eau.

Face au Covid-19, la gouverneure Vazquez a annoncé un plan de relance de 787 millions de dollars, dont 350 millions pour les entreprises afin d’aider à payer les travailleurEs. Cependant, de nombreux PortoricainEs travaillent dans l’économie informelle et n’auront donc pas droit à l’assurance chômage.
Porto Rico, qui était autrefois une colonie espagnole, a été conquise par les États-Unis pendant la guerre de 1898. En 1917, les États-Unis ont fait des PortoricainEs des citoyens des États-Unis et en 1947, le Congrès américain a donné aux PortoricainEs le droit d’élire leur propre gouverneur. Mais contrairement à d’autres territoires américains, Porto Rico n’est pas devenu un État et il n’a pas de représentant ou de sénateurs au Congrès, seulement un commissaire résident (Resident Commissionner) sans droit de vote à la Chambre des représentants. En tant que citoyenEs, les Porto­ricainEs aux États-Unis peuvent voter à toutes les élections locales, étatiques et nationales. Les habitantEs de Porto Rico sont partagés entre trois options sur le devenir de l’île : statu quo, devenir un État américain ou accéder à l’indépendance.

Traduction Henri Wilno pour le NPA.