D’une nouvelle coalition, avec Groen, spA/Vooruit et ECOLO, on attend une nouvelle perspective sur la politique énergétique belge. Cette politique, ou son absence, s’est fortement ressentie sous le gouvernement précédent, avec le tandem Marghem/Jambon (MR/NVA). Qu’en est-il de la sortie du nucléaire ? Les deux partis de droite, qui veulent surtout plaire à la grande industrie, avaient prévu une extension de l’exploitation de 3, puis 2 réacteurs : les plus jeunes, Tihange 3 et Doel 4. Tihange 1 a été retiré de la liste des souhaits. Marghem a rapidement mis le CRM à l’agenda. Ce projet prévoit la construction de 3 ou 4 nouvelles centrales électriques au gaz, énergie à gaz à effet de serre, qui constitueraient la base de l’approvisionnement en électricité à la place ou en renfort des réacteurs nucléaires.
Problématique des réacteurs nucléaires belges
Que demande le mouvement antinucléaire à ECOLO et Groen ? Tout d’abord, la fermeture immédiate des réacteurs à fissures Tihange 2 et surtout Doel 3. Tinne Van der Straeten, notre nouvelle ministre verte de l’énergie, connaît bien ce dossier : elle a plaidé en justice la fermeture immédiate de Tihange 2 « jusqu’à ce que l’exploitant puisse prouver sans aucun doute que le réacteur est sûr ». Puis Doel 1 et Doel 2 doivent être également fermés : l’exploitation des deux très vieux réacteurs a été déclarée illégale par la Cour constitutionnelle parce que la prolongation de l’exploitation n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact publique et parce qu’ils ne répondent plus aux nouvelles exigences en matière de résistance aux séismes. Tihange 1 a également été prolongé sans étude d’impact publique et le nouveau parc à conteneurs nucléaires a été autorisé contre la volonté de la population locale, sous le tracé des avions cargo de l’aéroport de Bierset. Le parc de réacteurs en Belgique est dans un état très douteux. Pas un mot à ce sujet dans l’accord de coalition.
Que dit donc l’accord de coalition ?
Sous le titre rugissant « UN PAYS DURABLE », on lit (p.48 en NL) que le gouvernement « opte résolument (sic) pour la reconfirmation de la sortie nucléaire » (je traduis) avec « respect du calendrier légal de sortie ». MAIS, un rapport examinera « la sécurité d’approvisionnement et l’impact sur les prix de l’électricité » d’ici la fin novembre 2021. En cas de « problème imprévu de sécurité d’approvisionnement », le gouvernement peut ajuster le « calendrier légal pour une capacité allant jusqu’à 2 GW ». En d’autres termes, si ENGIE et EDF parviennent à mettre en péril l’approvisionnement en électricité, ils peuvent continuer à exploiter deux réacteurs. Et cela rapportera environ 1 million d’euros par réacteur et par jour aux exploitants. (EBITDA). En ce qui concerne les conditions mises en place, elles deviennent claires avec un peu d’histoire.
Contre l’énergie nucléaire, notre ADN
Les partis verts ont vu le jour dans la lutte contre l’énergie atomique et les armes nucléaires. « Ce combat fait partie de notre ADN » m’a dit Jean-Marc Nollet. Et la loi sur le désarmement nucléaire est l’enfant de la précédente participation gouvernementale d’ECOLO et Groen (alors AGALEV) au gouvernement fédéral. Le secrétaire d’État Deleuze a été applaudi par le mouvement anti-nucléaire. De nombreux militants ont quitté le mouvement et se sont engagés dans la construction des partis verts, « maintenant que nous avons la loi ».
Seule une petite minorité, les « fondamentalistes extrémistes », voulait persévérer. Car pas un seul réacteur n’avait été fermé et l’article 9 de la loi a laissé une porte dérobée ouverte à l’industrie électronucléaire : « En cas de menace à la sécurité de l’approvisionnement en électricité, le Roi […] peut prendre les mesures nécessaires, sans préjudice des articles 3 à 7 de la présente loi, sauf en cas de force majeure. Cet avis portera notamment sur l’impact de l’évolution des prix de production sur la sécurité d’approvisionnement ». Le gouvernement pourra de cette façon annuler les fermetures prévues si les opérateurs mettent en danger l’approvisionnement en électricité. Ce qu’ENGIE-Electrabel et EDF-Luminus ont donc fait rapidement : trois réacteurs ont été prolongés dans des circonstances louches, et des allégements fiscaux y ont même été ajoutés.
Deux fois la même pierre
L’accord de coalition ouvre une fois de plus la même porte dérobée qui était déjà prévue dans la loi de sortie du nucléaire, au nom d’un certain réalisme. Très probablement, ENGIE-Electrabel et EDF-Luminus organiseront la même pénurie de courant qui a déjà permis la prolongation de Doel1, Doel 2 et Tihange 1 dans le passé, malgré le mauvais état de ces réacteurs caducs. ECOLO et Groen ont voté cet accord de gouvernement le 3 octobre, en échange de quelques portefeuilles ministériels. Apparemment, ils ne se souviennent pas à quel point les partis verts se sont effondrés après leur participation à Verhofstadt I. Même un âne ne trébuche pas deux fois sur la même pierre.
Il n’y a pas d’alternative ?
Y a-t-il une autre option ? Parce que les mécanismes du marché ne parviennent pas à organiser la production d’électricité de manière sociale et durable, les producteurs d’électricité doivent être soumis à un contrôle démocratique. Un Plan de production d’électricité efficace ne peut être qu’une initiative publique : le capital nécessaire n’est présent qu’à ENGIE ou EDF et dans le trésor public. Et depuis 2003, ces entreprises refusent d’investir résolument dans les énergies renouvelables. « La FGTB estime que la socialisation des grandes banques et des trusts industriels est un impératif ». Il est difficile de ne pas être d’accord avec l’esprit de la Déclaration de principes de la FGTB (°1945, confirmée en 2018).