Contraint de retirer son projet de budget largement inspiré par le FMI, à la suite des mobilisations massives de la jeunesse, Ruto peut-il se maintenir à la présidence ?
Le président kenyan William Ruto, après de nombreuses et importantes manifestations dans toutes les grandes villes du pays, a dû reculer et abandonner sa loi de finances 2024 qui était essentiellement dirigée contre les populations.
Taxes punitives
Ce projet de loi prévoyait toute une série de taxes sur des produits utilisés quotidiennement. Ainsi le pain était taxé de 16 % tout comme les transferts d’argent par téléphone mobile, d’utilisation très courante au Kenya et dans beaucoup d’autres pays africains ; les voitures étaient taxées de 2,5 % ; d’autres produits étaient visés comme l’huile de cuisson, les serviettes hygiéniques, les opérations de change. Ce qui permettait en même temps pour les autorités d’accéder aux données personnelles et aux coordonnés bancaires.
Ces nouveaux impôts devaient permettre d’engranger 2,7 milliards de dollars et servir à rembourser les dettes du pays qui s’élèvent à plus de 73 % du PIB, avec une charge de la dette qui ampute 55 % des recettes en 2023. C’était une des conditions posées par le FMI pour l’octroi d’un prêt immédiat de 624,5 millions de dollars et des facilités de crédit ultérieures.
Une jeunesse en première ligne
À l’annonce de ce projet de loi, les premières manifestations ont débuté à la mi-juin et se sont renforcées au fur et à mesure. Une mobilisation sans chef et sans cadre organisationnel empêchant les autorités d’user, à leur habitude, d’un ciblage répressif. Les discussions et l’organisation quotidienne des luttes avaient lieu principalement sur les réseaux sociaux et débouchaient sur des marches pacifiques rassemblant une foule immense de jeunes. Cette mobilisation a des traits communs avec « Occupy Wall Street » aux USA, un des hashtags d’ailleurs le plus repris était « Occupy parliament », les printemps arabes ou plus récemment la révolution soudanaise.
On y trouve une jeunesse auto-organisée où les jeunes filles prennent toute leur place. Une jeunesse aussi unie au-delà des communautés ethniques, des différents quartiers d’habitation et qui bénéficie d’un large soutien de la population.
Une jeunesse en rupture avec le pouvoir
L’annonce du retrait du projet de loi est une victoire. William Ruto a déclaré : « Je m’incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024 », d’autant qu’il s’apprêtait à mener une nouvelle offensive libérale avec le démantèlement de la protection sociale au profit du privé.
Mais cette victoire a un goût amer. Le bilan de la répression subie par les manifestantEs est lourd. Des arrestations, des centaines de blesséEs et 39 mortEs. Beaucoup de jeunes ne font plus confiance au président kenyan et craignent que le retrait de la loi ne soit qu’une manœuvre. Cela en dit long sur la rupture entre la jeunesse et le pouvoir en place. Désormais la question de la démission de Ruto est avancée par une large partie des manifestantEs.
Crédit Photo : William Ruto. Wikimedia commons/ AIEA
Article initialement publié le 4 juillet sur le site de l’Anticapitaliste