Le verdict du procès opposant un ex-membre de la Gauche anticapitaliste à la Ville de Bruxelles et à la zone de Police Bruxelles-Ixelles est tombé : le tribunal a débouté Axel. Il s’agit pour nous d’une nouvelle manifestation de justice de classe, un dangereux précédent qui donne carte blanche à l’appareil répressif pour diffamer publiquement les militant·e·s et les collectifs qui contestent les limitations du droit de manifester.
Ce procès faisait suite à une plainte déposée en 2021 par Axel avec le soutien de la Gauche anticapitaliste, contre la Ville de Bruxelles et la zone de Police Bruxelles-Ixelles ; suite à l’affichage, dans plusieurs endroits du centre-ville, d’un arrêté s’attaquant aux organisateurices du rassemblement contre la justice raciste et de classe (appelé le 5 décembre 2020 à Bruxelles par une vingtaine d’organisations) et à la personne chargée des contacts avec la police (dans ce cas précis, Axel).
L’interdiction de ce rassemblement par le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS) avait été suivie par la répression violente, massive et médiatisée contre le rassemblement qui s’était finalement tenu le 24 janvier 2021. Dès le 5 décembre, un arrêté avait été publié dans plusieurs endroits du centre-ville. Axel y était décrit comme un « activiste bien connu pour chercher la confrontation avec la police », qui « refuse de façon catégorique le dialogue avec la police ». La Gauche anticapitaliste, également citée dans cet arrêté, y était décrite comme un « groupe d’extrême gauche qui a souvent participé à des manifestations émaillées d’incidents ».
Nous avions à l’époque pris l’initiative de publier une tribune libre (1)« Stop à la criminalisation des militant∙e∙s contre les violences policières », 22/12/2020. pour dénoncer cet arrêté. Portée par plus de 40 associations et organisations, et signée par plus de 110 personnalités de divers horizons, celle-ci exprimait une volonté commune de défendre le droit de manifestation « contre les tendances autoritaires et policières qui criminalisent les mouvements sociaux [et] prennent la crise sanitaire pour prétexte ».
Les signataires y dénonçaient l’ensemble du texte de l’arrêté placardé dans Bruxelles : « La suite du texte renforce la vision conspirationniste du rapport de police, amalgamant pêle-mêle les collectifs de soutien aux victimes, la Gauche anticapitaliste, ‘les anarchistes’ (sic), les ‘jeunes de quartiers sensibles’ (sic). Ces différentes organisations et groupes d’individus y sont accusés de façon grossière, collectivement et sans preuve, d’’incidents’ dont on ne connaît pas la teneur exacte mais dont tout laisse à penser que la police n’y inclut pas la gestion lamentable et la répression zélée et violente qu’elle a à chaque fois exercée sur les mouvements cités (Black Lives Matter, La Santé en lutte, et les protestations qui ont eu lieu suite aux décisions judiciaires récentes). »
À l’époque, il était déjà clair pour la Gauche anticapitaliste qu’il ne fallait pas laisser passer ces agissements policiers sans réaction. Le verdict nous le confirme aujourd’hui. Et l’actualité nous le rappelle à nouveau ! En effet, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a annoncé récemment un durcissement des peines pour « les auteurs de violences contre la police », dans le cadre du nouveau code pénal qui sera voté au parlement fédéral l’année prochaine. (2)« Le ministre de la Justice annonce « des peines plus sévères » pour les violences à l’encontre de la police », Le Soir, 17/11/2022. Cette annonce intervient à quelques jours d’une manifestation policière (prévue le lundi 28 novembre) visant à réclamer plus de moyens pour la police, ainsi qu’une « tolérance zéro » contre « les comportements indisciplinés entraînant des violences et des blessures », a déclaré avec zèle M. Van Quickenborne. (3)op. cit., Le Soir. On voit ici clairement le dérapage sémantique : de « violences contre la police », on glisse très vite vers des « comportements indisciplinés entraînant des violences ». Des violences de qui envers qui ? Camarades syndicalistes et militant·e·s, gare à vous en cas de « comportements indisciplinés » !
Nous déplorons par ailleurs que ce genre d’annonce soit saluée par des organisations syndicales affiliées à la FGTB (la CGSP-Police) et à la CSC (la CSC-Police). Nous pensons que les intérêts corporatistes de la police ne peuvent être confondus avec les intérêts de la classe travailleuse. Les policiers et policières ne sont pas des travailleurs et des travailleuses comme les autres, iels font partie d’un corps répressif de l’État, utilisé à maintes reprises contre les travailleurs et travailleuses.
La Gauche anticapitaliste est du côté de toutes les victimes de violences policières
Le verdict de ce procès constitue un dangereux précédent : nous pouvons en déduire que, pour limiter la liberté de se rassembler et de s’organiser face à la violence de la police, tous les moyens sont permis. Pour la Gauche anticapitaliste, il est inacceptable d’intimider et de réprimer des militant.e.s tout en jetant le discrédit de façon mensongère sur des personnes et sur des organisations qui osent lutter contre les abus policiers et contre la politique du « tout-à-la-répression » des autorités (y compris dans des majorités dans lesquelles siègent le PS et Écolo).
Avec ce verdict, Axel est condamné à payer la somme de 3805 euros. La Gauche anticapitaliste continuera bien entendu à prendre en charge l’ensemble des frais de justice dans cette affaire, comme elle l’a fait jusqu’à présent.
Cette condamnation démontre une fois de plus l’aspect de classe de la justice, non seulement dans ses verdicts (comme instrument au service de la classe dominante et des forces répressives) mais aussi en terme d’accès : on voit ici le coût que représente une action en justice pour se défendre (d’autant plus si la sentence est coûteuse lorsqu’on est débouté·e), inaccessible pour une immense partie des classes populaires.
Nous continuerons également à manifester notre soutien politique à Axel et à tou·te·s les militant·e·s face à la répression policière (comme nous l’avons fait par notre présence le 20 avril 2021 lors de la première audience de l’affaire, comme nous l’avons fait également le 21 septembre 2022 par notre présence au tribunal de première instance de Bruxelles) ; ainsi qu’à toutes les familles de victimes des violences policières (Semira, Ilyes, Ibrahima, Akram, Dieumerci, Lamine, Moad, Jozef, Adil, Medhi, Mawda, Sabrina, Ouassim et les autres…), comme nous l’avons aussi fait le même jour au rassemblement en soutien aux victimes de violences policières et contre l’impunité, pour marquer notre solidarité avec les familles de Sabrina et Ouassim, percuté·e·s à mort par la police le 9 mai 2017. (4)Dans cette affaire, la Chambre des mises en accusation a considéré le 12 octobre 2022 « qu’il y avait des charges suffisantes de culpabilité pour renvoyer les policiers devant le Tribunal, du chef d’homicide involontaire. Le Tribunal décidera si ceux-ci sont responsables de la mort de Sabrina et Ouassim, et le cas échéant, quelle peine il convient de leur donner. » – Voir la page facebook du collectif Vérité et Justice pour Sabrina et Wassim.
Appel à soutien financier
En 2021 nous avions lancé un appel à soutien financier en vue de couvrir les frais de justice de première instance dans ce procès. (5)« Appel à soutien face à la criminalisation d’un militant contre les violences policières ! », 14/06/2021. Cet appel nous avait alors permis de récolter 2373 euros. Nous remercions toutes les personnes qui ont apporté leur soutien financier. Nous avions déjà pris en charge 3000 euros de frais d’avocat. Avec ce verdict, il nous manque donc 4432 euros pour couvrir les 3805 euros réclamés par le tribunal qui s’ajoutent aux frais d’avocat. Nous sollicitons à nouveau votre soutien afin de pouvoir couvrir entièrement et collectivement cette somme.
Vous pouvez manifester votre soutien en versant un don avec la communication « Soutien juridique » sur le compte Solidarités-Solidariteit : BE13 7320 4465 7639
Il est essentiel pour nous de refuser toute intimidation policière contre des militant·e·s du mouvement social et d’organisations politiques de gauche, ainsi que contre toute personne au quotidien. La Gauche anticapitaliste est du côté de toutes les victimes de violences policières et continuera à se mobiliser avec elles pour réclamer la justice, la vérité et la fin de l’impunité.
Photo : Gauche anticapitaliste.
Notes