À quelques mois de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, les opérations de répression se multiplient dans la capitale et des résistances collectives s’organisent pour dénoncer le saccage à venir.

C’est à l’ombre de l’infâme Basilique du Sacré Cœur que se jouent, à plusieurs niveaux, des luttes sociales, politiques et urbanistiques dans la France post-­mobilisation contre la réforme des retraites. En effet, les jeux olympiques Paris 2024 redessinent au nord de la capitale le paysage social et urbain historique afin de le rendre compatible au capitalisme de consommation.

La répression, nouvelle épreuve olympique ?

Le « nettoyage » a commencé dès le printemps 2023 sur plusieurs axes et a comme cible les personnes précarisées dans leur ensemble. Petit inventaire.

En mai 2023, le ministère des Sports annonçait réquisitionner 3000 logements étudiants afin de loger, pour la période des JO, « forces de sécurité, chauffeurs d’autobus ou encore agents de sécurité privés ». Face à ces menaces d’expulsion, le syndicat étudiant Solidaire a saisi la justice. Cette dernière lui a donné raison. Le Ministère de l’Enseignement a alors proposé à celleux qui accepteraient de céder leur logement une compensation financière de 100 euros et deux billets pour assister à des compétitions sportives.

Le 9 octobre passé, le préfet de police de la Ville de Paris a émis un arrêté d’interdiction de distribution alimentaire dans tout le nord-est de Paris. But de la manœuvre, rendre cette future zone d’accueil de compétitions moins désirable aux yeux et aux estomacs des personnes précarisées. Cette décision a également fait l’objet d’un recours juridique, aboutissant à son annulation.

Dans toute cette zone, des escadrons de police réalisent quotidiennement des opérations de « sécurisation » des espaces utilisés par des personnes migrantes, sans abris, Roms. Une fois la place reprise par l’ordre républicain, les utilisateur·ices sont évacué·e·s vers des sas d’hébergement en région. Pour les seul·e·s travailleur·euses migrant·e·s, c’est plus de 4000 personnes qui ont été déplacées depuis le mois d’avril.

GG 2024 plutôt que JO 2024

Dans ce climat, les luttes collectives se mettent en place. Le collectif Saccage 2024 organise depuis octobre 2020 des actions contre le futur héritage désastreux des JOP 24. Composé d’habitant·e·s et de sympathisant·e·s de Saint-Denis, il milite contre la vaste opération de mutation du Saint-Denis populaire, écologique et démocratique. Il a entre-autre édité cet automne une impressionnante contre carte des Jeux, où chaque lieu de la future démonstration olympique est inventorié  ; sa géographie reformulée à la lumière de ses coûts sociaux, écologiques, démocratiques, économiques et démographiques.

À titre d’exemple, le futur village olympique, présenté par les autorités comme un « écoquartier fluvial de l’île de Saint-Denis », qui devrait par la suite notamment accueillir 300 logements familiaux, dont 90 logements sociaux. Le collectif dénonce une densification subite inappropriée dans une zone de grande proximité avec une autoroute, particulièrement exposée aux nuisances sonores et aux microparticules. L’obtention du label « écoquartier » ainsi que les conditions d’accessibilité, pour les résident·e·s de Saint-Denis, de la base nautique fraîchement construite une fois les jeux terminés restent par ailleurs incertaines à l’heure actuelle.

Fin octobre, des messages singeant la devise du Comité International Olympique (CIO) ont été projetés par différentes associations sur la façade du COJO (Comité d’organisation des Jeux Olympiques), ironiquement situé à la place du Front populaire, à l’angle de la rue Proudhon à Aubervilliers : « plus vite pour vider l’Île de France des populations précaires », « plus haut vers l’exploitation des travailleurs sans papiers », « plus fort dans la réponse sécuritaire contre les personnes à la rue ».

Le 17 octobre, 200 travailleur·euses sans papiers œuvrant à l’édification de l’Adidas Arena, à Porte de la Chapelle, se sont mis en grève. Soutenu·e·s par une intersyndicale, iels ont obtenu, après une seule journée d’actions, la régularisation de leur situation. Cet accord arraché dans un temps record a donné des idées aux travailleur·euses des autres grands projets de la métropole francilienne. Ainsi iels ne sont pas moins de 650 sur 30 sites à s’être mis en grève depuis la fin octobre. (1)Lire aussi « Île-de-France : grève de masse et victoire éclair des travailleurs sans papiers », L’Anticapitaliste, 27 octobre 2023.

Si ces différentes mobilisations ont peu de chance d’obtenir l’annulation d’une célébration sportive aux accents plus répugnants que réjouissants, elles ont le mérite de proposer un contre-discours aux éloges officielles concernant les supposés bénéfices de l’organisation des JO pour une ville, une région ou un pays, ou encore de mettre en évidence l’absolue précarité qui encadre leur construction. Face à Macron, son monde et ses jeux, l’important n’est pas de participer mais de lutter.

Article paru dans l’hebdo solidaritéS (Suisse), et sur le site solidartiés.ch
Photo : Action devant le siège du Comité d’organisation des Jeux Olympiques 2024, Aubervilliers, 31 octobre 2023 (solidarites.ch)

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