Le bilan de la violente répression qui s’est abattue contre les manifestantEs iraniens est difficile à établir. Différentes ONG, dont Amnesty International, avancent les chiffres de 100 à 200 mortEs, des milliers de blesséEs et plus de 5 000 arrestations, en l’espace de moins d’une semaine. Une violence qui en dit long sur les craintes éprouvées par le régime face à un nouveau soulèvement d’ampleur, près de deux ans après celui de l’hiver 2017-2018, contre la vie chère et, plus globalement, contre le pouvoir.
Comme au Liban, au Chili ou en Équateur, la récente révolte en Iran a débuté suite à l’annonce d’augmentations de prix. Le 15 novembre, la Compagnie nationale iranienne de distribution des produits pétroliers (NIOPDC) annonce ainsi une nette augmentation des prix du carburant : 50 % pour les 60 premiers litres mensuels, 300 % pour les suivants, avec comme conséquence indirecte l’élévation des prix de nombreux autres produits. Une annonce surprise, que les élus au Parlement ont découverte en même temps que la population, et qui a immédiatement suscité une vague de protestation dans tout le pays.
Un régime ultra-violent mais fragilisé
Dès les heures qui ont suivi l’annonce, des rassemblements et manifestations spontanés vont ainsi s’organiser dans plusieurs des principales villes du pays et, par effet de contagion, dans des dizaines d’autres villes, petites et moyennes, dès le lendemain. Les mots d’ordre portent évidemment sur la hausse du prix du carburant et, au-delà, sur les augmentations des prix et sur la vie chère. Mais, plus globalement, ce sont l’ensemble des politiques du gouvernement qui sont remises en cause, avec des slogans contre le régime, contre le président Rohani et contre le Guide suprême Ali Khamenei, envers qui toute critique est strictement illégale.
Dans un certain nombre de villes, les manifestations, qui sont restées majoritairement pacifiques, ont tourné à l’émeute, avec des attaques menées contre des bâtiments publics, contre des banques, des bureaux de poste, des stations-services, etc. Fait notable : les manifestations et émeutes sont beaucoup plus diffuses, sur l’ensemble du territoire iranien, que lors de la révolte de l’hiver 2017-2018, et les participantEs sont, d’après les témoignages et les images, nettement plus nombreux. Un signe de la fragilisation du pouvoir, indirectement confronté, en outre, aux mouvements populaires en Irak et au Liban.
Face à ce phénomène et à la crainte de la contagion, le régime a fait le choix de la répression sanglante en qualifiant le mouvement de « rébellion » (crime passible de la peine de mort) : interventions brutales des diverses forces armées, utilisation de snipers pour tirer sur la foule, couvre-feux imposés par les Gardiens de la Révolution… Le tout dans un terrible huis clos puisque, dès le 16 novembre, le pouvoir a coupé l’accès à internet, empêchant les informations et les images de circuler pendant plusieurs jours au terme desquels le régime déclare avoir « maté » la « rébellion » et menace d’exécuter, par dizaines, les « séditieux ».
Il est certain que les sanctions US, consécutives à la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien, ont un fort impact sur l’économie iranienne et sur les conditions de vie de la population. Mais l’accent mis par le régime sur les dépenses excessives consacrées à ses programmes militaires et d’énergie nucléaire, ainsi qu’à l’entretien de ses réseaux de clientèle, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières du pays, n’arrange rien à l’affaire. La colère des classes populaires est légitime, qui refusent de subir, encore et toujours, l’austérité, ainsi que la privation de nombre de libertés démocratiques élémentaires. Plus que jamais, la solidarité avec les IranienEs en lutte contre un pouvoir autoritaire et antipopulaire est d’actualité.
C.B. pour le site du NPA.