La COP21 à Paris a fixé à la politique climatique l’objectif de maintenir la hausse de la température moyenne du globe à la fin du siècle « bien au-dessous de 2°C » par rapport à l’ère pré-industrielle tout en « continuant les efforts » pour que le réchauffement ne dépasse pas 1,5°C. L’objectif de 1,5°C exprime une prise de conscience croissante du fait que la dangerosité du changement climatique est plus redoutable que les gouvernements le pensaient. Cela fait plusieurs années que les scientifiques insistent : un réchauffement de 2°C aurait des conséquences écologiques et sociales graves (plus graves qu’ils ne le pensaient eux-mêmes il y a vingt ans). La plupart des politiques restaient pourtant fixés sur l’objectif des deux degrés. A Copenhague, les représentants des petits Etat insulaires et d’autres pays pauvres particulièrement menacés avaient exigé qu’on ne dépasse pas 1,5°C. Les lignes ont continué à bouger l’année suivante, à Cancun. La COP21 a fini par trancher : il faut augmenter l’effort; l’objectif ultime, désormais, c’est 1,5°C maximum.
On ne peut que s’en réjouir… Mais pourquoi cette COP n’a-t-elle pas décidé tout simplement d’agir pour maintenir la hausse de température au-dessous de 1,5°C? Pourquoi cette étrange formule à double détente : rester « bien au-dessous de 2°C tout en continuant les efforts pour ne pas dépasser 1,5°C »? Parce qu’il n’est plus envisageable, dans le cadre du productivisme capitaliste, de ne pas dépasser 1,5°C. Pour rester sous ce plafond, il aurait fallu agir plus tôt. Trop de temps a été gaspillé depuis l’adoption de la Convention cadre des Nations-unies sur le climat (UNFCCC), à Rio en 1992. Sans le dire explicitement, la formule à double détente exprime donc le pari qu’il serait possible franchir le 1,5°C temporairement, et de refroidir le climat par la suite.
Rapport spécial sur 1,5°C maximum
Jusqu’à ces dernières années, la plupart des chercheurs travaillaient sur des scénarios de stabilisation au-dessous de 2°C. Peu de travaux exploraient les conditions pour rester sous 1,5°C. C’est pourquoi, dans le sillage de la COP21, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été chargé de rédiger un rapport spécial sur le sujet. Il doit être publié en octobre, afin d’éclairer les négociations de la COP24, en novembre. Celle-ci est censée combler le fossé entre l’objectif théorique de Paris, d’une part, et les projections sur base des « plans climat » nationaux (Nationally Determined Contributions – NDC), d’autre part. Pour rappel, ces projections mettent en perspective un réchauffement de 2,7°C à 3,7°C d’ici la fin du siècle, soit le double de l’objectif théorique…
Le rapport spécial du GIEC n’est pas encore terminé, mais le projet de document a été transmis à deux sources fiables, qui en ont synthétisé le contenu: l’agence de presse Reuters et l’excellent site étasunien « Inside Climate News » (un site non-profit, couronné récemment par le Prix Pulitzer). Sans surprise, le GIEC confirme une situation plus qu’alarmante, une situation d’urgence absolue. Non seulement la hausse de température est déjà supérieure à un degré Celsius, mais elle s’accélère. Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, le seuil de 1,5°C serait franchi dès 2040. Rester sous la barre du 1,5°C implique d’entamer immédiatement une « transformation globale » extrêmement rapide visant à sortir des fossiles et à annuler complètement les émissions en quelques décennies.
Réévaluer les risques
Selon Inside Climate News, le rapport spécial insiste sur le fait qu’un réchauffement inférieur à 1,5°C réduit significativement les risques par rapport à un réchauffement de 2°C. Rester sous les 1,5°C permettrait par exemple de réduire de 40% le blanchissement des coraux par rapport au scénario 2°C, donc de limiter les pertes de biodiversité – un enjeu clé pour des centaines de millions de gens habitant les régions côtières dans les régions tropicales. Plus frappant sans doute: dans le scénario 2°C, 781 millions d’êtres humains seraient victimes chaque année de vagues de chaleur et de sécheresse sévères; dans le scénario 1,5°C, ce nombre serait réduit à 455 millions…
Ces deux exemples en attestent: même limité à 1,5°C, le réchauffement aura des impacts très sérieux. On s’en doutait, puisque les phénomènes météorologiques extrêmes et leurs conséquences (ouragans, sécheresses, vagues de chaleur, vagues de froid, inondations, incendies de forêt) se multiplient et s’intensifient déjà aujourd’hui – alors que nous n’avons gagné « que » un degré par rapport à l’ère préindustrielle. Les scientifiques font plus que confirmer cette intuition: ils donnent une évaluation quantitative des implications écologiques et sociales.
Combattre les inégalités pour réduire les risques
Sur le plan social, le GIEC met en garde : les populations humaines les plus exposées sont « les individu.e.s et les communautés qui subissent une pauvreté multidimensionnelle, des vulnérabilités persistantes et diverses formes de privation et de désavantages », les personnes « qui vivent dans les communautés côtières, celles qui dépendent de l’agriculture, les pauvres urbains, et les personnes déplacées ». Les communautés indigènes, les femmes les enfants, les personnes âgées et handicapées sont particulièrement exposées, Leurs « droits humains » sont en jeu, « y compris les droits à l’eau, à un abri, à la nourriture, à la santé et à la vie ».
Face à de tels impacts sociaux, il devient fort difficile de se cantonner à la science pure. Le rapport plaide implicitement pour un changement politique. Selon les citations rapportées par « Inside Climate News », les auteur.e.s estiment par exemple que la réduction des risques nécessite des « mesures de redistribution » et des « politiques guidées par le souci de l’équité et de la justice ainsi qu’un soutien accru pour éradiquer la pauvreté et réduire les inégalités ». « L’équité, comme l’égalité, vise à promouvoir la justice pour tous », disent les scientifiques. Et promouvoir cette justice « n’est pas nécessairement la même chose que de traiter tout le monde de la même manière, car tout le monde ne part pas du même point ».
On verra si ce ton humaniste et cette orientation en faveur d’une politique redistributive, qui réduit les inégalités, se retrouveront dans la version finale du rapport. On verra surtout si les gouvernements les traduiront en actes. Il est permis d’en douter, tant les politiques néolibérales vont dans la direction opposée. Les inégalités ne peuvent d’ailleurs que s’aggraver avec un Donald Trump qui pratique la redistribution à l’envers, favorise le secteur fossile, détruit les régulations à la tronçonneuse et prétend que le changement climatique est un complot contre les Etats-Unis, ourdi par la Chine – avec le soutien de ces « shithole countries » dont il refuse les migrant.e.s.
Il n’y a plus une minute à perdre
Le cinquième rapport périodique d’évaluation du GIEC (AR5) en 2013 évaluait les « budgets carbone » encore disponibles pour rester sous 2°C et sous 1,5°C avec différents niveaux de probabilité. Selon ce document, il fallait ne pas émettre plus de 400 Gt de gaz à effet de serre entre 2011 et 2100 pour avoir deux chances sur trois de ne pas dépasser 1,5°C au cours de ce siècle. Les émissions de CO2 sont de 40Gt/an environ. Un peu plus de la moitié est absorbée par les océans et les forêts. Au rythme actuel, 20Gt de CO2 environ sont donc ajoutées chaque année dans l’atmosphère. Sur base de ces chiffres, le budget carbone donnant deux chances sur trois de rester sous 1,5°C serait épuisé en 2031.
Le rapport spécial du GIEC donne un peu de bois de rallonge: il semble à présent qu’on pourrait brûler des fossiles jusqu’en 2040. Mais peu importe: ce rabiot n’atténue que très marginalement une difficulté colossale: pour rester sous la barre de 1,5°C, il faudrait sortir complètement des fossiles en moins de vingt ans. C’est très très peu quand on sait que la consommation mondiale d’énergie primaire reposait sur ces énergies fossiles à 81,4% en 2015 et à … 86,7% en 1973.
La décarbonisation de l’économie mondiale est extrêmement lente, et progresse moins vite que la croissance. Les émissions de CO2 résultant de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz naturel ont doublé entre 1973 et 2015. Elles se sont stabilisées en 2014-2016, et certains ont cru que le mouvement allait enfin s’inverser. Mais c’était un voeu pieux: en janvier 2017 – vingt-cinq ans après Rio! – la concentration atmosphérique en CO2 avait augmenté au rythme record de 3,6 parts par million par rapport à janvier 2016 (elle est actuellement de 406 ppm, fort probablement au-dessus du seuil de dangerosité). Ce n’est pas tout: selon l’Agence Internationale de l’Energie, les émissions devraient augmenter encore de 13% entre 2020 et 2040 (2035, selon le BP Energy Outlook 2017).
Les fossiles font de la résistance
Pour nous rassurer, on nous explique que la part des renouvelables augmente très rapidement. Pour ce qui concerne la production d’électricité, c’est exact. Les renouvelables (le solaire surtout, mais aussi l’éolien) ont représenté plus de la moitié (55,3%) des capacités de production électrique nouvellement installées au cours de 2016. La part de l’électricité produite par ces sources était cette année-là de 11,3% (10,3% en 2015 et 6,9% en 2011). Elle devrait augmenter assez vite, car le coût unitaire moyen (levelized cost) du courant « propre » est en train de passer au-dessous de celui du courant « sale ». La chute est très rapide: entre 2015 et 2016, ce coût a baissé de 17% pour le solaire photovoltaïque (101$/Mwh), de 18% pour l’éolien onshore (68$/Mwh) et de 28% pour l’éolien offshore (126$/Mwh). Produire du courant avec les renouvelables est déjà le meilleur choix capitaliste dans de nombreuses régions du globe. Ce sera probablement le cas partout dès 2020.
On fait souvent des projections de transition optimistes en comparant la percée des renouvelables à celle de la photo numérique. Mais ce ne sera pas si simple. En effet, les renouvelables sont moins chers que les fossiles à l’usage, mais les investissements de départ sont beaucoup plus importants. Or, ils sont financés par l’emprunt. Quand les taux sont bas, tout va bien. Mais si les taux remontent – et ils vont remonter du fait de la politique de Trump – la balance peut se remettre à pencher provisoirement en faveur des fossiles. De plus, il faut tenir compte de fait que les fossiles font d’énormes surprofits en plus du profit moyen. En les réduisant, ils pourraient retarder le moment où les renouvelables seraient plus rentables (Nicholas Stern avait déjà noté cette possibilité dans son rapport).
Le coût unitaire moyen n’est qu’un coût… moyen et de nombreux facteurs interviennent: accès aux technologies propres, proximité des resources fossiles, facilité d’exploitation des gisements, etc. C’est pourquoi la part du charbon dans la production électrique continue d’augmenter. En 2016, à côté de 138Gw de nouvelles capacités renouvelables, on a installé aussi 54 Gw de nouvelles centrales au charbon conçues pour une durée de 30 à 40 ans. (On a aussi ajouté 10 Gw nucléaire et 15 Gw en grande hydro, présentées mensongèrement comme des sources « décarbonnées » ou « bas carbone »). Et tout cela ne concerne que le secteur électrique. Si on tient compte des émissions de l’industrie, des transports, des bâtiments, de l’agriculture et de la déforestation, on ne voit vraiment pas comment il serait possible de rester sous la barre des 1,5°C dans le cadre capitaliste productiviste (même en sortant de ce cadre, la tâche serait probablement herculéenne).
Rester bien au-dessous de 2°C pour repasser sous 1,5°C?
L’idée des stratèges de la politique climatique capitaliste est donc la suivante: OK, on va dépasser les 1,5°C temporairement, mais en restant « bien au-dessous des 2°C », et on repassera ensuite sous les 1,5°C grâce à des technologies qui retireront du carbone de l’atmosphère.
Il y a deux conditions pour que ça marche:
- que le dépassement du seuil de 1,5°C ne soit pas trop important d’ici 2050 (d’où la première partie de la formule de Paris, sur la nécessité de rester « bien au-dessous de 2°C »);
- que l’activité humaine permette ensuite de retirer de l’atmosphère le CO2 excédentaire, afin que la planète refroidisse (d’où la deuxième partie de la formule, qui parle de « continuer les efforts pour ne pas dépasser 1,5°C »).
Un scénario existe pour satisfaire la première condition: selon le cinquième rapport d’évaluation du GIEC, si on se contente d’une chance sur trois de ne pas dépasser 1,5°C au 21e siècle (au lieu de deux chances sur trois), on a une bonne probabilité de rester « bien au-dessous » des 2°C mais on double le budget carbone disponible entre 2011 et 2100: il passe de 400 à 850 Gt CO2. Aux rythmes d’émissions et d’absorptions actuels, ces 850GT équivaudraient à une quarantaine d’années à dater de 2011. Dans cette hypothèse, on pourrait continuer à brûler du carbone fossile jusqu’en 2050 environ.
Problème relatif à cette première condition: rester « bien au-dessous de 2°C » ne va pas de soi. Comme on l’a dit, les plans climat nationaux (Nationally determined contributions – NDC) impliquent un réchauffement compris entre 2,7 et 3,7°C. Le fossé entre la trajectoire de réduction des émissions qu’il faudrait suivre et les émissions réelles est évalué annuellement dans un rapport de l’ONU. Selon l’édition 2017 de ce document (Emissions gap report 2017), 1°) « si le fossé des émissions n’est pas comblé en 2030, il est extrêmement improbable que l’objectif de 2°C puisse être atteint » et 2°) « la révision des NDC en 2020 est la dernière chance de combler le fossé en 2030 »…
Retirer du carbone de l’atmosphère?
Voyons brièvement la deuxième condition: sur base de l’hypothèse de dépassement ci-dessus, repasser sous le 1,5°C nécessiterait de retirer 450GT de CO2 de l’atmosphère dans la seconde moitié du siècle (850 -400). Des technologies existent, en effet. Il y en a plusieurs, mais celle qui a la cote est appelée Bio-énergie avec capture et séquestration du carbone (on emploie l’acronyme anglais BECCS). Elle consiste à produire de l’électricité en brûlant de la biomasse, à capter le CO2 à la sortie des installations et à le stocker dans le sous-sol. D’un point de vue capitaliste, la BECCS elle est plus avantageuse que les autres propositions de la geoingénierie (ensemencement des océans en fer ou en chaux, aérosols de soufre dans l’atmosphère, miroirs sur orbite, etc): en effet, les centrales sont analogues aux centrales fossiles, on retire du CO2 tout en produisant une électricité qui sera vendue, il ne faut pas changer le réseau de distribution…
Problèmes relatifs à l’usage de la BECCS pour satisfaire cette deuxième condition: les estimations de la capacité de stockage géologique et de la quantité d’énergie qui peut être produite par la biomasse sont très variables, rien ne garantit l’étanchéité des réservoirs à long terme, etc. Surtout, il y a une projection inquiétante: selon certains chercheurs, retirer 3GT/an de l’atmosphère (150 Gt en 50 ans, un tiers à peine des 450 Gt excédentaires évoqués plus haut) à un coût « acceptable » nécessiterait des plantations industrielles de biomasse sur 500 millions d’hectares. On pourrait sans doute cultiver la biomasse sur des terres non agricoles (s’il y a assez d’eau), mais alors c’est la biodiversité qui encaissera. C’est le problème majeur de la BECCS: la concurrence dans l’usage des terres avec la production de nourriture, d’une part, et l’impact sur la biodiversité, d’autre part.
Ces objections n’arrêtent pas les avocats de la BECCS: on emploiera les déchets agricoles et forestiers… Ainsi, disent-ils, les impacts sur l’alimentation humaine et sur la biodiversité « resteront limités » (on n’ose pas dire qu’ils seront inexistants!). Mais rien ne garantit que le potentiel énergétique de cette source sera suffisant pour couvrir les besoins de l’humanité (les chiffres avancés par certains avocats de la BECCS eux-mêmes indiquent le contraire!). De toute manière, d’un point de vue écologique, il est absurde de brûler les déchets agricoles et forestiers pour fournir de l’électricité: ils doivent retourner aux sols pour éviter que ceux-ci s’appauvrissent et ne nécessitent encore plus d’engrais de synthèse.
Un pari extrêmement risqué
Que conclure de tout cela? Que le pari consistant à dépasser le 1,5°C de réchauffement dans l’espoir qu’on pourra refroidir la planète plus tard est incroyablement risqué. Comme nous sommes déjà dans la zone de dangerosité du changement climatique et que ce changement est un processus non linéaire, il est possible que des seuils soient franchis qui rendront très difficile, voire impossible, de revenir en arrière par la suite.
Les glaces du Groenland sont un bon exemple. Selon les spécialistes, c’est quelque part dans la fourchette entre 1 et 4°C de réchauffement que se situe le point de basculement entraînant une dislocation complète de la calotte glaciaire de cette région. On ne sait pas où ce seuil se situe exactement, mais une chose est certaine: une fois qu’il aura été franchi, la débâcle des glaces groenlandaises se poursuivra jusqu’à ce que le système Terre atteigne un nouvel équilibre. Si le processus va jusqu’à son terme, le niveau des mers montera de sept mètres. Or, depuis 2016, nous sommes entrés dans la fourchette entre 1 et 4°C de réchauffement…
La peur est paralysante
Que faire? Il semble important de ne pas se laisser emporter par le désespoir, car il affaiblit la lutte anticapitaliste alors qu’elle est plus indispensable que jamais. Le fait que l’objectif de 1,5°C maximum ait été adopté à Paris est un point d’appui. Il ne s’agit pas de se faire des illusions sur les gouvernements, les négociations internationales, etc, mais d’utiliser le fait que le non-respect des engagements pris rend légitimes les actions de désobéissance visant à bloquer la machine fossile productiviste. Les luttes menées à Notre-Dames-des-Landes et la campagne Ende Gelände en Allemagne sont exemplaires de ce point de vue. En Belgique circule un appel en faveur d’une grève pour le climat. Il faut construire des rapports de forces, multiplier les actions de blocage des projets fossiles (« Blockadia », selon l’expression de Naomi Klein), et les coupler à des campagnes de sensibilisation en direction de l’opinion publique, en particulier en direction du monde du travail, afin de construire des alliances.
La peur est paralysante. Faire croire que tout est fichu arrange bien les milieux réactionnaires et les entreprises fossiles. Or, le capital n’est pas une chose mais un rapport social d’exploitation du travail et des ressources naturelles. Ce rapport est productiviste par nature, mais il n’y a pas de « loi d’airain »; des réformes peuvent être imposées par la lutte, par la mobilisation de masse. C’est grâce au mouvement social que l’Allemagne ferme ses centrales nucléaires. C’est grâce aux Zadistes et à l’articulation intelligente de leur lutte sur un mouvement de masse très large que l’aéroport de ND-des-Landes ne sera pas construit. Il faut s’insurger et rendre de plus en plus légitime le fait de s’insurger (c’est ça, l’insurrection), afin d’ouvrir la voie à un programme de revendications écosociales (ou écosocialistes).
Par la lutte, donner de l’espace à l’espérance
La peur est paralysante quand on ne voit pas d’issue. Or, il y a une issue à la catastrophe climatique. Le défi consiste à la rendre visible et désirable, à indiquer le chemin qui y conduit. Il n’y a pas de revendication miracle. En partant des demandes à la fois écologiques et sociales immédiates les plus compréhensibles (les transports publics gratuits et de qualité, la chasse à l’obsolescence programmée, le soutien à l’agriculture paysanne de proximité), il faut démanteler petit à petit l’aliénation productiviste/consumériste et monter en radicalité pour poser in fine des objectifs anticapitalistes tels que la suppression des productions inutile et nuisibles (les armes!), la suppression de la consommation ostentatoire des riches, la création d’entreprises publiques d’isolation des bâtiments, le partage des ressources, la socialisation des groupes de l’énergie et du crédit, la planification démocratique du développement,…
Peut-on gagner la course de vitesse contre le réchauffement? Peut-être pas. Même le triomphe rapide d’une révolution écosocialiste mondiale ne suffirait peut-être pas à empêcher la température de gagner 1,5°C par rapport à la période préindustrielle. Mais il est effectivement possible de refroidir le globe dans une certaine mesure par des techniques douces, sans recourir aux solutions d’apprentis-sorciers que sont la BECCS et les autres formes de géoingénierie: en généralisant une agriculture et une foresterie écologiques, en prenant soin des écosystèmes et de leurs beautés comme d’un jardin en permaculture. Selon certains chercheurs, il serait possible de la sorte de retirer jusqu’à 20GT/an de l’atmosphère pour les stocker dans les sols tout en enrichissant ceux-ci en matière organique et en protégeant la biodiversité. La situation n’est pas désespérée. Tout recul imposé au productivisme, tout pas en avant, si minuscule soit-il, contribue à créer l’espace où l’espérance pourra se redéployer.