Livre de poche, 320 pages, 7,70 euros.

Journaliste et lauréat du prix Albert-Londres, l’auteur a situé son premier roman écrit en 2020 dans une région, un pays qui défraie depuis plusieurs années la chronique guerrière…

Assassinat sur fond de guerre

Polar « noir » aux intrigues bien sinueuses et sanglantes, ce roman ne se contente pas d’être une enquête policière pour débusquer le ou les meurtrier(s).

Situé dans le Donbass, comme le titre éponyme, à l’est de l’Ukraine et en bordure de la Russie, le récit se déroule en 2018 (anticipation prémonitoire de l’agression impérialiste poutinienne contre le peuple ukrainien) dans des localités qui bordent la frontière, sur la ligne de front, entre offensive séparatiste pro-russe depuis 2014 et résistance ukrainienne opposée à cette séparation dans une relation complexe entre défense du territoire et culture et histoire communes, très proches les unes des autres.

Dans un contexte social empreint de « sinistrose » où, depuis, au moins 2014, la guerre est déjà présente, la petite ville d’Audiivka, dans une région minière, est le théâtre de l’horrible assassinat du petit Sacha, parmi ceux fréquents dus aux obus et mitraillages.

C’est le colonel Henrik de la police ukrainienne qui va mener l’enquête, miné lui-même par le doute, la lassitude et ses propres démons.

Un roman noir, mais éclairant

Le roman nous plonge alors dans l’atmosphère d’une région en guerre incessante, percluse par le désarroi, la pauvreté, les ravages de l’alcoolisme mais aussi le mensonge, la corruption et le passage de l’un à l’autre camp comme si une même famille venait de se déchirer et maintenait tout de même des liens et de fragiles passerelles.

Au-delà de l’intérêt palpitant de son intrigue, ce livre est instructif (ô combien aujourd’hui) sur l’histoire du Donbass, de ses populations ukrainiennes et russophones, côté ukrainien ou séparatiste, de la responsabilité de la « Grande Russie » dans ces évènements tragiques sans exempter les dirigeants de Kiev, leurs réponses inadaptées, nationalistes et guerrières elles aussi…

De manière récurrente, au fil des pages et des déchirements, on lit que ce peuple du Donbass a été dépossédé de son histoire et de sa vie par les dérives nationalistes, impérialistes, le libéralisme économique, alors qu’en filigrane revient le traumatisme des anciens de l’Afghanistan, aux temps de l’Union soviétique, qu’ils soient du côté ukrainien ou séparatiste.

Sans nul doute, ce premier roman de Benoît Vitkine ouvre la voie à d’autres récits dont, peut-être le second, qui vient de paraître : Les Loups.

Article publié sur le site de l’Anticapitaliste.