Une délégation de 26 participants(1)La délégation du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine com- prend des parlementaires polonais (Paulina Matysiak, Razem), suisse (Stéfanie Prezioso, députée du canton de Genève, Ensemble à gauche), danois (Soren Sondegaard, Red Green Alliance), finlandais (Veronika Honkasalo, Left Alliance), ainsi que des représentants de mouvements de solidarité français, britannique, belge et catalan. Du côté français, sont présents dans la délégation des camarades du NPA (Catherine Samary et Olivier Besancenot), de PEPS (Patrick Farbiaz), de la Fondation Frantz Fanon internationale (Mireille Fanon-Mendes France), Laurence Boffet et Roland Merieux (Ensemble !). de dix pays européens s’est rendue en Ukraine du 3 au 6 mai à la rencontre du mouvement social, féministe et syndical d’Ukraine et en coordination avec le Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine. Deux des participants français, Laurence Boffet(2)Conseillère municipale du 1er arrondissement de Lyon et vice-présidente à la métropole de Lyon et Roland Mérieux (Ensemble !) et Roland Mérieux, nous en font un compte rendu express.

Première journée

Nous sommes arrivés à Lviv hier après-midi. Laurence Boffet ainsi que les parlementaires présents dans la délégation ont rencontré le parti Razem (gauche radicale polonaise, environ 7 % des voix aux dernières élections législatives, six députés) puis des associations qui tiennent une maison des solidarités à la frontière polonaise. Ensuite, nous avons rencontré des humanitaires polonais (anciens musiciens organi- sateurs de festivals reconvertis en convoyeurs de tout, médicaments, repas, réfugiés).

Deuxième journée à Lviv

Ce jeudi 5, en lien avec les camarades de Sotsialnyi Rukh qui militent pour une socialisme démocra- tique, nous rencontrerons, aujourd’hui et demain, des représentants syndicaux (en particulier du rail, services publics santé, mineurs), des militants écolo- gistes, féministes, LGBTQ+.

La matinée a été consacrée à une rencontre avec les responsables de SotsialnyiRukh. Ils nous ont pré- senté leurs activités, en particulier sur les questions sociales et démocratiques que leur mouvement tente de mettre en œuvre et leur vision de la situation poli- tique dans leur pays en état de guerre (soutien au pré- sident Zelensky et son gouvernement, bien que très critiques sur les questions sociales et écologiques)3.

Une déclaration commune est en cours de rédac- tion reprenant les larges convergences évoquées toute la matinée, déclaration proche de celle du texte du Réseau européen de solidarité à l’Ukraine avec un point complémentaire majeur pour eux, l’adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE.

L’après-midi a été consacré à des échanges avec les syndicats ukrainiens, qui se retrouvent essen- tiellement dans deux grandes confédérations (la Confédération des syndicats et la Confédération des syndicats libres). Étaient présent·es des représen- tant·es de différentes secteurs d’activité (construc- tion, transports, santé), ainsi qu’un syndicat nouveau et indépendant des deux confédérations qui défend les travailleurs pauvres de la santé, des mines et de l’énergie (nucléaire). Nous avons eu une description détaillée des luttes sociales avant la guerre pour les hausses de salaires, contre les conséquences du néo- libéralisme sur les secteurs publics ou la santé, qui nous ont rappelé les nôtres…

Aujourd’hui, les syndicats sont tournés vers l’aide concrète aux travailleurs ukrainiens victimes de la dérégulation en ces temps de guerre (licenciements, non-paiement des salaires, voire travail gratuit, main- tien de la sécurité et des infrastructures dans les transports ou le nucléaire). La question écologique a aussi été abordée par certains syndicats.

Troisième jour

Rencontres avec des mouvements féministes, éco- logiques, de solidarité et libertaires. Dès le matin, une première réunion s’est tenue entre les femmes de la délégation européenne et des représentantes de trois organisations ukrainiennes féministes, intersec- tionnelles, LGBTQ. Un groupe de travail spécifique sur ces questions démarre dans le Réseau européen en lien avec ces groupes féministes. Ces groupes se focalisent en particulier sur l’aide aux femmes qui ont besoin de soutien immédiat sur le plan finan- cier, psychologique mais aussi politique. Plusieurs contacts très concrets ont été pris lors de cette ren- contre pouvant permettre ultérieurement de créer des ponts avec les Ukrainiennes de Lyon mais aussi avec des mouvements féministes (au plan national) qui voudront les aider. La matinée s’est poursuivie avec la présentation des actions de ces mouvements féministes et d’entraide entre femmes.

Plusieurs centaines de milliers de femmes se retrouvent seules avec leurs enfants, avec ou sans tra- vail, exilées en Pologne ou déplacées dans leur propre pays ; elles ont besoin d’une prise en charge au niveau de l’éducation des enfants, du travail, un logement, des soins médicaux ainsi que d’accès à l’avortement, que ce soit en Pologne, qui l’interdit, mais aussi en Ukraine, où c’est autorisé mais aujourd’hui de plus en plus difficile à mettre en œuvre.

Au cours de l’après-midi, d’autres présentations ont été faites par des représentants de mouvements écologistes, qui sont favorables aux sanctions et qui se concentrent en particulier sur une demande d’em- bargo du pétrole et du gaz russes, en exigeant qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres énergies fossiles. Un appel en ce sens est en train de circuler auprès des parlementaires du monde entier […].

Une représentante d’un mouvement LGBTQ a décrit les actions de solidarité qu’ils et elles ont mis en place pour tous et toutes à partir d’une coopé- rative qu’ils et elles géraient déjà avant la guerre. Selon elles et eux, une des justifications de la guerre avancée par les Russes est la défense des valeurs tra- ditionnelles chrétiennes et par conséquent la lutte contre la domination LGBT sur l’Ukraine comme sur l’ensemble de l’Europe ; Zelensky étant « accusé » d’être gay ! Par ailleurs, la société ukrainienne est assez conservatrice et la guerre renforce les valeurs « viriles ». Ce collectif défend la visibilité de la com- munauté LGBT, y compris dans l’armée, travaille au consensus et prône une démarche non violente.

Un réprésentant des droits des Rroms est égale- ment intervenu. Leur mouvement est très structuré car les Rroms d’Ukraine sont parmi les plus discrimi- nés d’Europe. Leur défense avait démarré bien avant la guerre. Ils profitent du fait que l’Ukraine demande son adhésion rapide à l’UE pour exiger l’accélération de l’agenda 2021-2030 qui prévoir une amélioration du traitement du peuple rrom demandée par l’Eu- rope à tous les pays membres.

Les associations rroms disposaient déjà avant la guerre de réseaux européens efficaces qu’ils mettent aujourd’hui à disposition de l’ensemble des Ukrainiens. Malgré le racisme, leur représen- tant reconnaît que l’aide spontanée des Ukrainiens a concerné aussi les Rroms ; des cas de maltraitance policière, comme à Lviv, ont été signalés. Dans cette ville, un cas de violence policière médiatisé a été utilisé par les Russes pour faire croire à des attaques envers les russophones d’Ukraine !

D’autres actions humanitaires ont également été présentées en association avec les mouvements liber- taires. Ces réseaux sont a priori efficaces en terme de logistique de l’ouest vers l’est de l’Ukraine, mais aussi dans les zones sous occupation ou les zones de guerre. Partout ailleurs, ils proposent des abris, des hébergements, des lieux de stockage.

Des actions du côté de la défense territoriale ukrai- nienne sont également prises en charge par ces mou- vements. Ils demandent des soutiens financiers, mais aussi de l’aide pour le soutien psychologique et pour répondre aux revendications des femmes qui peuvent aussi être réalisées depuis l’étranger.

Une représentante de ces mouvements nous a expliqué la question des trafics d’êtres humains, dans le cadre du travail forcé ou de l’exploitation sexuelle. L’Ukraine était déjà une grande pourvoyeuse de tra- vail forcé, cela c’est bien sûr renforcé depuis le début du conflit. […]

En conclusion de ces deux journées, une déclara- tion commune à été proposée par Vitalii Dudin au nom de Sotsialnyi Rukh, que nous avons adoptée (ci dessous).

Déclaration

Le 24 février 2022, l’impérialisme russe a lancé une agression contre l’Ukraine. Depuis plus de deux mois, le peuple d’Ukraine a combattu dans une bataille inégale les forces d’occupation, perdant des centaines de vies et endurant des destructions massives. Alors que nombre de politiciens à l’Ouest comme en Russie pronostiquaient que l’Ukraine tomberait en peu de jours, la grande mobilisation du peuple ukrainien dans toutes les sphères de la vie et le combat héroïque de la résistance ukrainienne montrent à quel point cette prise de position est erronée. De nombreux pays européens continuent de financer la machine de guerre russe en achetant du pétrole et du gaz russes.

Dans le même temps, le peuple ukrainien est lésé par les réformes adoptées dans l’intérêt des plus riches, avant et même pendant la guerre. Ces décisions politiques ont pour effet de déplacer le fardeau de la guerre sur la majorité de la population. Les exemples sont la réduction des garanties des droits du travail pour les employés et la réduction des impôts pour les propriétaires d’entreprise. Ces changements s’accompagnent d’une réduction croissante de la sphère sociale, qui crée des conditions insupportables pour les Ukrainiens touchés par la guerre. Dans ces circonstances, l’Ukraine continue d’honorer ses obligations envers le FMI et d’autres créanciers. Au lieu d’enrichir les créanciers et les banquiers mondiaux, cet argent devrait aller à la défense du pays et à la satisfaction des besoins fondamentaux de la population. Par sa politique, le FMI continue de promouvoir des réformes antipopulaires en Ukraine et entraîne de plus en plus l’Ukraine dans l’esclavage, sapant son indépendance et rendant difficile la reconstruction du pays.

La destruction des infrastructures, de la production et des quartiers résidentiels soulève la question de la reconstruction de l’Ukraine, à quelles conditions et à quel coût la reconstruction aura lieu après la guerre, c’est une question urgente. Une reconstruction fondée sur la primauté de la politique néolibérale conduira à une pauvreté et à une oligarchie encore plus grandes. La restauration complète de l’Ukraine et de son rôle dans la fourniture de biens de base aux populations les plus défavorisées du monde est impossible sans changer le cours de la politique socio-économique aux niveaux national et mondial. La réponse à l’agression russe doit être la solidarité des peuples du monde. La victoire de l’Ukraine dans la guerre affaiblira les régimes autoritaires en Syrie, au Bélarus et dans d’autres pays, ce qui donnera au monde une réelle occasion d’avancer vers un développement démocratique incluant la justice sociale et environnementale. L’annulation de la dette extérieure de l’Ukraine sera un pas contre la domination du néolibéralisme, fondée sur l’inégalité et l’exploitation. L’exemple d’une telle politique ouvrira la voie à d’autres pays pour avoir des politiques de développement stables qui ne lèseront pas les plus pauvres en faveur des plus riches par des prêts inéquitables.

Notre gauche, les syndicats, les féministes et les défenseurs des droits de la personne luttent pour la victoire de l’Ukraine et promouvoir sa prospérité après la guerre, notamment :

  • le retrait des troupes russes du territoire de l’Ukraine, particulièrement des territoires occupés des régions de Donetsk et de Lougansk et de la République autonome de Crimée ;
  • l’aide militaire et humanitaire à l’Ukraine, ainsi que l’imposition de sanctions sévères à l’encontre la Russie ;
  • l’introduction d’un programme social de reconstruction de l’Ukraine, visant à aider la population du pays, plutôt qu’à enrichir les élites commerciales ;
  • la renonciation à l’achat de combustibles fossiles russes, en entrant dans une véritable transition énergétique pour remplacer les combustibles fossiles par des achats provenant d’autres sources ;
  • l’abolition de la dette extérieure de l’Ukraine et de l’impossibilité de retirer des fonds à l’étranger ;
  • le soutien à tous les réfugiés, indépendamment de leur nationalité, origines ethniques, religion, etc. Abolition de toutes les lois et des pratiques discriminatoires ;
  • De mettre fin aux réformes antisociales en Ukraine et d’abolir les frais administratifs élevés qui entravent la participation de la classe ouvrière à la vie politique.

Notes[+]