Depuis le début de l’année 2024, Israël a illégalement revendiqué 23,7 km² de terres en Cisjordanie, et s’apprête à mener une saisie plus importante encore.

Alors que l’expansion effrénée des colonies illégales dans le territoire palestinien occupé atteint des sommets, les autorités israéliennes ont donné leur feu vert à la plus importante saisie de terres en Cisjordanie depuis plus de trente ans, selon des documents officiels consultés par l’AFP.

Le 25 juin 2024, les autorités israéliennes ont désigné 1270 hectares de la vallée du Jourdain comme «propriété du gouvernement». La zone désignée par cette déclaration est la plus vaste depuis les accords d’Oslo, alors que l’année 2024 marquait déjà un pic dans l’étendue des déclarations de terres colonisées. En effet, cette décision rejoint celles des saisies de 264 hectares en février entre les colonies de Ma’ale Adumim et Keidar, de 800 hectares en mars dans une zone adjacente à la déclaration actuelle, et 17 hectares près de l’Hérodium. Depuis le début de l’année 2024, Israël a déclaré 2370 hectares de la Cisjordanie comme terres d’État.

La déclaration de «terres gouvernementales» est l’une des principales méthodes utilisées par l’État d’Israël pour affirmer son contrôle sur les terres des territoires occupés. Les terres déclarées comme «terres d’État» ne sont plus considérées comme propriété privée des Palestiniens aux yeux d’Israël, qui leur interdit de les utiliser. En outre, Israël loue les «terres gouvernementales» exclusivement aux Israéliens.

Cette nouvelle saisie israélienne «est un pas dans la mauvaise direction», a déclaré Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Les Palestiniens affirment depuis des années que les dirigeants israéliens tentent d’annexer la Cisjordanie sous toutes ses coutures, en construisant des colonies dans des endroits stratégiques afin d’empêcher un contrôle palestinien contigu sur l’ensemble du territoire. Les récentes déclarations de Bezalel Smotrich, que nous révélions dans cet article du 26 juin, semblaient confirmer ces accusations.

«Israël se prépare à appliquer à la Cisjordanie ce qu’il a fait à Gaza, sauf qu’au lieu que ce soit l’armée qui nous assassine, ce seront probablement les colons déchaînés qui ont été stratégiquement dotés de nouvelles armes au cours des six derniers mois», résume l’analyste politique Mariam Barghouti.

Toutes les colonies israéliennes situées dans le territoire palestinien occupé, y compris la zone annexée de Jérusalem Est, sont illégales au regard du droit humanitaire international, comme le rappelle régulièrement l’ONU, pour qui cette colonisation est l’un des principaux obstacles au règlement du conflit israélo-palestinien vieux de plusieurs décennies. De plus, elles aggravent les besoins humanitaires en affectant les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et l’accès aux services essentiels. Des dizaines de colonies sauvages ont pourtant été établies en Cisjordanie en plus des colonies autorisées par Israël.

Le 27 juin, les autorités israéliennes ont annoncé la «légalisation» de cinq de ces colonies sauvages de peuplement en Cisjordanie. Depuis le début de l’année 2024, l’OCHA a documenté 27 attaques contre des Palestiniens par des colons qui résideraient dans trois de ces cinq avant-postes, dont deux attaques à Evyatar, neuf à Sde Efraim et 16 à Givat Assaf. Les propriétaires palestiniens de la ville de Dura possèdent des centaines d’hectares de terres adjacentes à l’avant-poste d’Adorayim, dont l’armée israélienne leur interdit l’accès depuis le 7 octobre. Les agriculteurs de Dura affirment qu’à deux reprises depuis cette date, les forces israéliennes les ont attaqués, battus, menacés et jetés hors de leurs terres alors qu’ils tentaient d’y accéder. La carte de zonage de l’avant-poste de la colonie d’Adorayim inclurait 12 hectares supplémentaires de terres appartenant à la ville de Dura, auxquelles les propriétaires n’ont pas eu accès depuis le 7 octobre.

Le mois dernier, nous relations dans cet article que le haut responsable des droits de l’homme aux Nations Unies Volker Turk mettait en garde contre l’aggravation de la situation des Palestiniens en Cisjordanie occupée et contre «les morts et les souffrances inadmissibles» dans la bande de Gaza, déclarant que les habitants de Cisjordanie étaient «soumis jour après jour à une effusion de sang sans précédent». «Les meurtres et les blessures de civils sont devenus quotidiens. … On tire sur les enfants. Des hôpitaux bombardés. Des tirs d’artillerie lourde sur des communautés entières. Le tout accompagné d’une rhétorique haineuse, clivante et déshumanisante».

Selon le dernier rapport de l’OCHA, 539 Palestiniens, dont 131 enfants, ont été tués en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, entre le 7 octobre et le 1er juillet. Parmi eux, 522 ont été tués par les forces israéliennes, dix par des colons israéliens et sept n’ont pas été identifiés comme étant des soldats ou des colons israéliens. En outre, plus de 5 420 Palestiniens ont été blessés au cours de la même période, dont environ 830 enfants. Plus d’un tiers de ces blessures ont été causées par des balles réelles. L’OCHA a enregistré 28 incidents de frappes aériennes sur le territoire, au cours desquels 77 Palestiniens, dont 14 enfants, ont été tués. (4 juillet 2024)


Article initialement publié le 6 juillet sur site d’A l’encontre

Crédit photo : Photothèque rouge du NPA