Depuis la fin du mois d’août, une nouvelle étape a été franchie dans les persécutions subies par les Rohingya de Birmanie.
C’est en 1982 que la dictature militaire nationaliste décide, avec le soutien du clergé bouddhiste, de retirer leur nationalité aux membres de la minorité musulmane rohingya, les rendant de facto apatrides. Déjà discriminés dans un pays à près de 90 % bouddhiste, les Rohingya deviennent apatrides, c’est-à-dire sans nationalité, mais aussi « privés d’accès aux écoles, aux hôpitaux, aux autres services publics et au marché du travail, [et] soumis à une discrimination impitoyable en matière de liberté de mouvement, de règles de mariage et de possession des terres. »1
Discriminations et persécutions
Depuis lors, la minorité rohingya est de plus en plus marginalisée et discriminée, subissant régulièrement de violentes attaques : une politique que divers rapports internationaux qualifient de « nettoyage ethnique ». Les chiffres varient, mais on estimait récemment que parmi les Rohingya de Birmanie, environ un million vivaient toujours en territoire birman tandis que 400 000 d’entre eux avaient fui dans les pays voisins, essentiellement au Bangladesh où ils vivent, dans des camps de réfugiés, dans des conditions déplorables.
Depuis 2012 et de violentes émeutes racistes, c’est un véritable déchaînement de violences qui s’abat sur les Rohingya, avec la caution, voire les encouragements, des autorités gouvernementales et du clergé bouddhiste, qui a vu en son sein se développer une extrême droite de plus en plus brutale, raciste et islamophobe. Dans divers rapports, l’ONU considère que les Rohingya représentent « un des peuples les plus persécutés de la planète », évoquant des « crimes contre l’humanité » et des « éléments constitutifs de crime de génocide ».
Massacres et exil
Une persécution qui a connu une brutale accélération ces derniers jours suite à l’attaque, le 25 août, d’une vingtaine de postes de police birmans par une organisation armée rohingya, l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA). Depuis lors, ce sont plus de 100 000 Rohingyas, soit 10 % de la population, qui ont fui vers le Bangladesh pour échapper aux massacres commis par l’armée, les forces de police et des milices villageoises fanatisées : plus de 400 morts, des milliers de blessés, des centaines de maisons incendiées.
Les autorités birmanes justifient ces exactions en qualifiant l’ARSA et ses soutiens de « terroristes », une accusation contestée par l’organisation de guérilla dans une interview de l’un de ses porte-parole : « Nous ne sommes pas des djihadistes. Notre modus operandi, la façon dont nous conduisons nos opérations n’a rien à voir avec les objectifs de groupes djihadistes pakistanais ou autres. Nous sommes un groupe armé semblable à ceux d’autres ethnies minoritaires de Birmanie. »2
Devant l’ampleur de la tragédie en cours, le silence complice des grandes puissances est assourdissant. Est-ce parce que, malgré certaines restrictions, leurs multinationales font du business en Birmanie, à l’instar de Total qui y a lancé en mai dernier un nouveau chantier gazier ? La responsabilité de la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, à la tête du gouvernement birman, est quant à elle totale, et mérite une condamnation sans ambiguïté. Notre solidarité pleine et entière va aux Rohingya, victimes de la barbarie raciste la plus abjecte.
Article repris du NPA
1. René Backmann, « Birmanie : la dernière chance d’Aung San Suu Kyi », Mediapart, 1er septembre 2017.
2. Interview à l’Asia Times, citée dans Bruno Philip, « En Birmanie, la crise humanitaire sans précédent des Rohingya », le Monde, 4 septembre 2017.