Malgré ses plus de 8000 condamnations en justice, le gouvernement Arizona a décidé de continuer et d’approfondir les politiques migratoires honteuses déjà mises en œuvre par ses prédécesseurs.

La partie de l’accord gouvernemental qui concerne l’asile et la migration témoigne d’un alignement complet sur les programmes de l’extrême-droite, tels qu’ils sont exprimés ici par le Vlaams Belang , mais aussi, entre autres,  en Italie, en Hongrie, en Allemagne, en France… Cet accord anticipe la mise en œuvre du Pacte européen sur l’asile et la migration en proposant d’appliquer immédiatement ses mesures les plus scandaleuses. Il s’agit d’un véritable arsenal de mesures, nous n’en reprendrons ici que quelques unes.

Le détricotage du droit d’asile

À la fois l’objectif est de restreindre l’accès à la demande d’asile en Belgique, et de diminuer les capacités d’accueil. Cela revient à renvoyer les personnes vers toutes les insécurités qu’elles ont fuies. Et à mettre à la rue celles et ceux qui ne seront pas hébergé·es dans les centres d’accueil. 

Comment ? En installant de nouveaux centres qui traiteraient les demandes d’asile à l’extérieur des frontières de l’Union Européenne (UE), en refusant d’accueillir le nombre de demandeur·ses d’asile prévu dans le cadre d’une répartition au sein de l’UE, en fermant les frontières du pays à des moments précis si nécessaire, et en bloquant la possibilité de demander l’asile pendant un temps . À noter que le Pacte européen prévoit qu’un Etat peut verser une compensation financière plutôt que d’accueillir celles et ceux qui demandent la protection internationale, et que l’Etat belge, malgré ses appels à l’austérité budgétaire, préfère payer que d’accueillir.

Il s’agit aussi de fermer les Initiatives Locales d’Accueil (ILA), petites maisons ou appartements dans des communes qui sont destinés aux plus vulnérables, comme les mamans seules avec de petits enfants. Et pour les autres, dans les centres d’accueil,  ce sera : « Bed, Breakfast, Bath » (textuellement), plus aucun accompagnement social, psychologique, plus d’activités, de formations… Cette réduction de l’accueil se traduira aussi en pertes d’emploi très importantes pour les travailleuses et travailleurs du secteur.

La Belgique n’accueille pas plus que d’autres pays européens, moins que l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie. Prétendre le contraire c’est procéder aux mêmes amalgames que l’extrême droite : « nous sommes envahis », et ensuite dresser les plus précarisé·es contre ces « envahisseurs », vite assimilés par ailleurs à des délinquants.

Actuellement déjà la moitié des demandes de protection internationale en Belgique reçoivent une réponse négative. On peut donc considérer que la Convention de Genève qui prévoit le droit à une protection en cas de persécution du fait de son origine ethnique, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques est quotidiennement bafouée en Belgique.

Des atteintes aux droits fondamentaux

Dans le cadre des procédures d’asile, des droits fondamentaux sont remis en cause. Ainsi en est-il du droit à la vie privée : saisie des téléphones portables, tablettes et autres lors de la demande d’asile ; en cas de refus , la demande sera irrecevable. Du droit de recours et d’être entendu : les recours au Conseil du Contentieux ne seront plus suspensifs, la procédure sera exclusivement écrite, le Conseil du Contentieux perdrait son indépendance en étant regroupé dans une même administration avec l’Office des Etrangers.

D’autres droits sont attaqués dans d’autres procédures, par exemple le droit de vivre en famille : le regroupement familial deviendra difficilement accessible à cause d’exigences financières et de compétences linguistiques abusives. Exemple : comment une femme afghane, privée d’enseignement,  peut-elle apprendre le Néerlandais, langue peu enseignée à l’étranger, avant de pouvoir rejoindre son compagnon à Anvers ? Ou encore le droit à l’aide sociale : les réfugié·es reconnu·es devront attendre 5 ans de séjour pour obtenir une aide sociale, si iels en ont besoin. Ajoutons le droit à l’éducation : de plus en plus de conditions restrictives pour le séjour étudiant.

Le retour des visites domiciliaires

Le projet de visites domiciliaires pour arrêter des personnes ayant reçu un Ordre de Quitter le Territoire (OQT) avait été abandonné en 2018, suite à une opposition de magistrats, d’avocats, d’associations qui ont fait pression sur les politiques, allant jusqu’à créer une division au sein du MR. En 2019 la NVA a redéposé un projet de loi, qui a été bloqué par le Conseil d’Etat. 

Aujourd’hui le gouvernement Arizona remet le couvert. C’est le droit à la protection du domicile qui est foulé au pied. La police pourrait forcer la porte, avec un mandat d’un juge d’instruction, pour arrêter, non pas un·e criminel·le, mais quelqu’un·e qui a reçu un OQT, soit une infraction administrative. Déjà les prises de position se multiplient à l’encontre de ce nouveau projet. 

Stop aux enfermements et aux expulsions !

Nous sommes face à une politique dite de « retour » qui prévoit l’obligation d’obtempérer aux propositions de retour volontaire faites aux personnes qui ont reçu un OQT par les coachs ICAM (Individual Case Management) de l’Office des Etrangers. Cette politique de retour pro-active résulte de la loi adoptée par le parlement sous le gouvernement Vivaldi le 3 mai 2024, à l’initiative de la Secrétaire d’Etat Nicole de Moor.  En cas de refus de retour volontaire, c’est le retour forcé qui sera organisé. 

Le gouvernement Arizona va créer de nouveaux centres fermés afin d’augmenter la capacité d’enfermement et d’expulsion. C’est en fait le Master Plan de Théo Francken, datant du gouvernement de la Suédoise, puis repris par le gouvernement Vivaldi, qui doit être mis en œuvre. Première étape, un centre fermé à Jumet. Sur place la résistance s’organise, malgré le feu vert donné par Paul Magnette ! Une manifestation très imposante a eu lieu le 22 septembre 2024, commémoration aussi de l’assassinat de Semira Adamu par les gendarmes lors de sa tentative d’expulsion le 22 septembre 1998. Beaucoup de militant·es provenant aussi de Bruxelles, de Liège ont participé à cette manifestation. 

Sont également  prévus un nouveau centre à Zandvliet, près d’Anvers, et à Jabbeke ; ce centre-ci doit remplacer celui de Bruges, avec un accroissement de la capacité de détention. Objectif : dépasser 10.000 expulsions par an !

Ces centres fermés sont des prisons qui n’en portent pas le nom, des lieux où tout est mis en œuvre pour casser la résistance des personnes détenues face à leur expulsion ; ce sont des lieux de torture physique, psychologique. En témoignent l’existence de cachots à l’intérieur des centres et les nombreuses tentatives de suicides ou suicides avérés. 

Il est question de revoir dans deux ans la loi adoptée également le 3 mai 2024 qui interdit la détention des familles et des enfants, ce qui est contraire à la Convention des Droits de l’Enfant.

Les pays dont les personnes détenues sont originaires seront tenus de coopérer à leur retour sous peine de voir les délivrances de visa ainsi que les aides financières liées à la coopération au développement supprimées. Néocolonialisme oblige !

Oui, on se bat toujours pour la régularisation des personnes sans-papiers !

L’ accord Arizona répète que toute régularisation de séjour restera du ressort du pouvoir discrétionnaire du Ministre. Beaucoup de personnes sans-papiers vivent en Belgique depuis de très nombreuses années,  y ont construit leurs attaches, avec leurs enfants, scolarisés. Ils et elles  y travaillent, surexploité·es, dans les secteurs de la construction, des services aux personnes, du nettoyage, de l’Horeca, de l’agriculture… Elles et ils ont suivi des formations, ont des compétences, acquises ici ou dans leur pays d’origine, et pourraient répondre à des offres d’emploi dans des métiers en pénurie. Cela été flagrant lors de la période du Covid, où des médecins, infirmières et infirmiers, aide-soignant·es étaient disponibles ! Mais cette surexploitation arrange bien pas mal de patrons et permet de diviser travailleurs et travailleuses.  Cependant  des petits indépendants se solidarisent quand ils constatent que les demandeurs et demandeuses d’asile qui travaillaient légalement avec eux, se voient privés de leur emploi lorsqu’ils perdent leur statut de demandeur·se d’asile. 

La régularisation des sans-papiers est un combat essentiel pour l’égalité des droits sociaux ! 

Qu’en est-il des politiques d’intégration et de lutte contre le racisme ?

Ici, nous devons distinguer les niveaux de compétences des entités fédérées, car en Belgique les politiques d’intégration ont été confiées aux régions et communautés, tandis que,  comme nous l’avons vu ci-dessus, le niveau fédéral a gardé les compétences sur les politiques migratoires et d’asile, tout en étant également responsable du Code de nationalité et de l’égalité des chances. Alors qu’un SPF Egalité des chances a été créé en 2016, le gouvernement Arizona en fait une coquille vide, malgré le fait que le nouveau Ministre, Rob Beenders (Vooruit) ait exprimé son intention de développer un plan d’action interfédéral ambitieux pour lutter contre le racisme, la discrimination, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et l’intolérance. Dans tous les cas, la Belgique s’était engagée à mettre en place de telles mesures conformément à la déclaration de Durban signée en 2001 et à une demande de la Commission européenne. Cette politique répond également à une directive de la Commission qui garantit que des représentant·es de la société civile et des organes de promotion de l’égalité de traitement soient associé·es à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des plans d’action nationaux contre le racisme.

Mais en parallèle, on observe une réduction de 25% des financements d’Unia, l’institution publique indépendante chargée de promouvoir l’égalité et de lutter contre la discrimination en Belgique, d’offrir son soutien aux individus signalant des discriminations, de collaborer avec les responsables politiques et les administrations pour mettre en place des politiques inclusives. Cette coupe budgétaire suscite des préoccupations quant à la capacité de l’institution à remplir efficacement sa mission, et intervient alors que quelques mois auparavant ces mêmes partis avaient loué la qualité du travail, l’importance des enjeux de société traités et l’expertise qu’Unia avait développés depuis 1993. Derrière les discours de façade, en s’attaquant au financement d’Unia, il est clair que l’Arizona s’en prend frontalement à la lutte institutionnelle contre le racisme.

Ce démantèlement d’Unia, demandé par le Vlaams Belang, avait déjà commencé en septembre 2019, lorsque le gouvernement flamand NV-A, CD&V et Open-VLD avait annoncé son intention de se retirer de s’en retirer, contre l’avis de tous les conseils d’avis et les associations de terrain. Cette décision visait à créer un organe propre à la Flandre, l’Institut flamand des droits humains (Vlaams Mensenrechteninstituut – VMRI), afin de gérer de manière autonome les compétences régionales en matière de droits humains. Les associations affirmaient à l’époque que la régionalisation créerait une fragmentation qui ne profiterait pas aux citoyen·nes confronté·es à la discrimination. Le plus grand mécontentement concernait le fait que le VMRI statuerait lui-même sur les faits de discrimination via une chambre des litiges. L’arrivé du VMRI a eu plusieurs conséquences pour Unia. Financièrement d’abord, l’institution ayant subi une diminution de ses entrées financières d’environ 900 000 euros par an, entraînant des licenciements et des départs anticipés à la retraite pour une douzaine d’employé·es. De plus, malgré des engagements initiaux, le personnel hyper spécialisé et expérimenté concerné n’a pas été transféré vers le nouvel institut flamand, ce qui a conduit à une perte d’expertise pour Unia. Depuis le 15 mars 2023, le VMRI est opérationnel et a repris les compétences régionales, telles que le logement, l’enseignement néerlandophone ou les services de transport de De Lijn. Unia continue toutefois d’exercer ses missions en Flandre pour les compétences fédérales, notamment en matière de délits de haine, de discriminations au travail, dans l’Horeca, les activités commerciales, les banques et assurances, ainsi que les transports en commun fédéraux comme la SNCB.

Pour le reste, le nouveau gouvernement ne fait nullement référence aux violences policières (et aux nombreux acquittement des dernières décisions de justice), même s’il constate une sous-déclaration des signalements.

En parallèle d’une politique migratoire inhumaine, la Belgique soutient la migration étudiante hautement qualifiée, mesure néo-coloniale qui contribue à la fuite des cerveaux et au sous-développement des pays dominés.  

Enfin, toute personne souhaitant obtenir la nationalité belge devra dorénavant présenter un examen de nationalité composé d’un test de citoyenneté (avec adhésion à la neutralité des pouvoirs publics et à l’égalité homme-femme, ce qui présupposerait que les étranger·es seraient nécessairement sexistes et aurait besoin d’être « civilisé·es ») et d’un test linguistique. Dans de nombreux pays européens où cette politique est déjà en place, les citoyen·nes ne parviennent pas à réussir ces tests. De plus, le niveau de langue requis pour devenir belge est porté à B1. Ce test linguistique sera obligatoire même si la personne peut prouver son intégration sociale ou économique. La déclaration de nationalité deviendra nettement plus coûteuse. Les frais de demande seront portés à 1 000 euros, avec indexation.

… et que trouve-t-on dans la déclaration de politique régionale et communautaire ?

Rien dans la déclaration politique régionale ne concerne le plan de lutte contre les racismes. Il réaffirme son engagement à lutter contre toutes les discriminations, en ce compris le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et le rejet des musulmans mais place sur le même pied la lutte contre les « discriminations contre les Occidentaux », renforçant le mythe du « racisme anti-blanc ».

Par contre le parcours d’intégration obligatoire va lui aussi être renforcé par un test de français et d’intégration. Même les personnes qui ont obtenu un permis de travail devront le suivre. Toustes celleux qui ne le feront pas seront sanctionné·es par une amende. La Région wallonne souhaite mettre le plus rapidement possible en place le modèle suédois « Fast-Track », qui consiste à accompagner les demandeur·ses d’emploi étranger·es, en validant (sic) leurs compétences acquises à l’étranger et en améliorant la reconnaissance des diplômes, uniquement dans les métiers en pénurie. Bref, on veut bien de vous mais à condition que vous continuiez de remplir les postes vacants que les Belges ne veulent plus, tant leurs conditions de travail et de rémunération sont mauvaises.

En ce qui concerne l’enseignement obligatoire, rien n’est prévu pour lutter contre le racisme du système scolaire (les inscriptions, les classes de niveau, les orientations vers le spécialisé et/ou le professionnel, la xénophobie), ni pour rendre obligatoire le cours sur l’histoire de l’immigration ou de la colonisation néfaste de la Belgique au Congo (un renforcement du dialogue interconvictionnel et l’apprentissage des courants religieux est demandé dans l’unique heure de cours d’Education à la Philosophie et la Citoyenneté-EPC). On ne parle jamais d’éducation à l’antiracisme et à la démarche interculturelle. Finalement, l’encadrement différencié (qui concerne plus de 25 % des élèves), et les dispositifs d’ajustement seront évalués, ce qui, étant donné la direction globale des politiques des différents gouvernements, a pour but de justifier leur suppression future.

Ces constats d’un virage à droite doivent interpeller le mouvement antiraciste et les gauches. Nous y reviendrons prochainement.