Tous les mardis, les étudiant·e·s algérien·ne·s sont mobilisé·e·s contre le système et pour leurs revendications propres. Adlène Belhmer étudiant, militant du Parti socialiste des travailleurs, nous raconte la mobilisation à Bejaïa et dans le reste du pays.

Comment se passe la mobilisation sur les universités ?

L’université est au devant du mouvement populaire en cours. En plus de leur implication durant les grandes marches du vendredi, les étudiants marchent tous les mardis avec des mots d’ordre qui leurs sont propres. Il y a une dynamique d’auto-organisation dans nombres d’universités qui s’installe, en mettant en place des comités démocratiquement élus. Certes cette dynamique est limitée à certaines grandes universités, mais l’idée de l’auto-organisation des étudiants fait son bonhomme de chemin.

Le discrédit est jeté sur certaines organisations satellitaires qui jouent le rôle d’appendice du pouvoir politique au sein de l’université. Les étudiants se réapproprient leurs espaces après une longue période d’une chape de plomb autoritaire qui a figé la dynamique étudiante. Des débats sont organisés régulièrement autour de thématiques qui ont trait au mouvement en cours et les étudiants rejoignent massivement l’appel à la grève comme nous l’avons vu cette semaine. En fait, on observe dans cette dynamique des étudiants une articulation dialectique entre théorie et pratique qui définie une démarche consciente et radicale pour en finir un avec système qui a longtemps brimé les aspirations collectives des masses populaires.

Quelles sont les revendications mises en avant ?

Les revendications des étudiants sont en phase avec celle du mouvement populaire en cours, c’est-à-dire pour le départ du système dans son ensemble. Mais en mettant en avant aussi des revendications propres à la réalité de l’université, c’est ainsi qu’on peut lire dans certaines banderoles « Pour une université publique, gratuite et de qualité ». Les étudiants articulent ainsi la revendication du départ du système comme revendication supérieure avec des revendications inférieures liées à la réalité de l’université algérienne.

D’autre part, le mot d’ordre d’assemblée constituante est de plus en plus porté par les étudiants. Il s’agit pour eux de traduire l’expression fidèle des revendications populaires que seule une constituante peut prendre en charge. Une constituante qui a comme base la société organisée autour de comités populaires démocratiques et portée par des représentants élus et révocables.

Comment est perçue l’élection de Bensalah comme président ?

Premièrement, Bensalah n’est pas élu, il fait partie du tiers présidentiel du sénat qui est désigné par le président de la république. Membre du cercle proche du désormais ancien président Bouteflika et un serviteur docile du régime. Sa désignation comme président par intérim fait partie des modalités juridiques de l’application de l’article 102. Dès son accession au Palais présidentiel, qui coïncide d’ailleurs avec la répression des étudiants à Alger, les manifestants ont contesté sa légitimité car il est largement compromis avec le système en place.

Désormais, il occupe le haut du podium des « 3B » dont le peuple demande le départ, c’est-à-dire Bensalah, Belaiz (qui vient de démissionner) et Bedoui. Pour les masses populaires qui se mettent en mouvement et qui sont à leur 8ème semaine de mobilisation, le départ de tout le personnel politique de l’ancien régime est non négociable. Le pouvoir maintien l’option de se restreindre dans le formalisme constitutionnel que les manifestants ont déjà dépassé. Ils opposent à la solution constitutionnelle que les tenants du pouvoir essayent de vendre, une solution politique, matérialisée dans le mot d’ordre « d’assemblée constituante souveraine ».

Êtes-vous touchés par la répression ?

Les étudiants de l’université de Béjaia marchent tous les vendredis sans être inquiétés par la police. En fait, à part quelques flics en civil discrets, il y a aucun signe d’une présence policière. Par contre, à Alger la manifestation de la semaine dernière et fortement réprimée, faisant plusieurs blessés. Ceci peut se comprendre par le fait qu’une région périphérique comme Béjaïa n’est pas le centre névralgique du pouvoir comme l’est Alger, au moment où le régime semble frappé par la tentation répressive.

Fait nouveau, dans son discours, le général major Ahmed Gaïd Salah, homme fort du moment, désapprouve le recours à la violence à laquelle se sont livrées les forces de police. Preuve parlante des tiraillements qui secouent les hautes instances des cercles décisionnels. Dans la marche d’aujourd’hui à Béjaïa auquel j’ai pris part, les étudiants ont exprimé leur solidarité avec leurs camarades à Alger. Il faut tout de même rappeler, que la répression des étudiants à Alger a été l’une des raison de la poursuite du mouvement de grève dans bon nombre d’université.

Publié sur le site du NPA.

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