« Nous n’attendrons pas l’accident qui arrive pour les voir verser des larmes de crocodile en faisant des constatations ». Voilà ce que les travailleurs de la compagnie privatisée de trains grecs écrivaient le mardi 7 février 2023 sur l’état tragique de la sécurité et des infrastructures, le manque de personnel et de contrôle des autorités grecques sur les activités du groupe privé italien « Hellenic Train » pour ne pas diminuer ses profits.

Ce mercredi 1 mars 2023, moins d’un mois après l’alerte des travailleurs, la Grèce dans son ensemble est témoin de l’incroyable tragédie survenue à Tempi, une vallée entre Larissa et Thessalonique où la plus longue et ancienne ligne ferroviaire du pays devient une voie unique. Cet accident, annoncé depuis longtemps, a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés. C’est l’accident le plus grave dans le pays et l’un des pires de l’histoire moderne de l’Europe, à une époque où le développement de la technologie devrait rendre ce type d’accident inconcevable. Le train était plein d’étudiant·e·s qui rentraient à Thessalonique après les vacances de Carnaval.

C’est une tragédie annoncée d’avance, un crime prémédité de ce gouvernement sordide de la Nouvelle démocratie (ND, le grand parti de droite traditionnelle en Grèce) et du précédent gouvernement de Syriza-Anel, qui ont démantelé, licencié, menacé les travailleurs pour vendre et transformer la compagnie publique TrainOSE de « compagnie de chemin de fer la plus déficitaire » en « rentable ».

La société ferroviaire publique a été bradée en 2017

La société a été bradée en 2017 pour un montant de 45 millions d’euros au groupe italien Ferrovie dello Stato Italiane. La décision a été prise par le gouvernement de l’époque, Syriza-Anel, puisque la privatisation était un objectif clé de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI) et une « obligation du mémorandum » imposé à la Grèce depuis 2011.

Depuis 2019, le gouvernement de ND a continué à subventionner les nouveaux propriétaires avec des dizaines de millions d’euros par an afin que la compagnie reste rentable et assure les destinations les moins fréquentées, ignorant les plaintes constantes des travailleurs ferroviaires au sujet de la pénurie dramatique de personnel et des mesures de sécurité. Au lieu de cela, les responsables ont continué les licenciements et les réductions de personnel, en vue de compléter la « consolidation ».

Aujourd’hui, le ministre des Transports a été obligé à démissionner sans pour autant accepter aucune responsabilité. Les médias parlent d’erreur humaine d’un contrôleur, comme si tout le système ferroviaire grec dépendait d’un seul travailleur. Pendant ce temps, la police, seule dans tout le secteur publique à avoir reçu une énorme augmentation de ses effectifs ces dernières années, brutalise les jeunes qui manifestaient hier soir à Athènes et à Thessalonique.

Cette tragédie constitue un crime de plus du capitalisme et est un avertissement pour nous tou·te·s. Avec la santé, l’éducation et l’énergie, les transports sont un des secteurs que nous devons garder public et sous contrôle des travailleurs. Les luttes et les grèves des travailleurs et travailleuses du rail ne sont pas une nuisance comme essaient de nous le faire croire certains politiciens et certains médias ; elles sont au contraire notre seule garantie que les trains et les transports en communs resteront surs et accessibles pour tou·te·s.

Le 10 mars, en Belgique, les travailleurs·euses des services publics (et notamment de la SNCB) seront en grève. Soutenons-les contre les privatisations qui tuent ! Nos vies valent plus que leurs profits !

Illustration : Capture d’écran du JT de la RTBF du 1er mars 2023.