Denis Horman, militant de la Gauche anticapitaliste, publie « Leurs profits, nos vies… Pour une réduction collective et radicale du temps de travail », aux éditions Couleur Livres (2021). Nous reproduisons ci-dessous la préface de Mateo Alaluf.
Marx avait bien saisi la pluralité de sens que revêt l’exploitation de la force de travail et l’aliénation du travailleur dans les rapports marchands.
On peut distinguer l’emploi, qui règle le lien de subordination du salarié à l’entreprise (salaire, organisation, conditions et temps de travail, …) et le travail comme activité humaine créatrice de valeur économique.
Dans l’histoire sociale, la lutte pour l’emploi, les salaires et les conditions de travail a été le corollaire de la lutte pour la réduction du temps de travail : d’une part, défense de l’emploi et d’autre part, lutte pour la diminution de la journée, de la semaine de travail, pour l’augmentation des congés annuels, pour la scolarité obligatoire retardant le moment de l’accès à l’emploi et pour la diminution de l’âge de la retraite.
L’enjeu politique en est l’usage que la société réserve aux gains de productivité : augmentation du chômage ou diminution du temps de travail ?
Dans un petit livre publié en 1930, Lettre à nos petits-enfants, J. M. Keynes préconisait, « dans les pays de progrès », pour éviter « le chômage technologique », la réduction de la journée de travail à 3 heures et la semaine à 15 heures.
À présent, par rapport à l’entre-deux-guerres, nous avons plus que doublé le nombre d’emplois et nous travaillons deux fois moins. Nous restons malgré tout encore loin des 15h semaine.
Contrairement donc à ceux qui soutiennent « la perte de centralité » et la « raréfaction du travail », l’emploi a considérablement augmenté, le temps de travail a diminué et le salariat est plus dominant que jamais.
Le maintien d’un niveau de chômage élevé traduit non pas une diminution de l’emploi mais le ralentissement de la réduction du temps de travail depuis le milieu des années 1970.
Denis Horman montre qu’on ne peut comprendre le conflit autour de la réduction du temps de travail sans en examiner la racine, à savoir l’extraction de la plus-value au cœur du procès de production capitaliste.
La théorie de l’exploitation du travail de Marx dresse, de manière claire et précise, un cadre d’analyse qui permet de comprendre comment des rapports généraux, ceux du capitalisme, façonnent les rapports particuliers du temps de travail.
Il n’est plus alors question de poser les problèmes en termes d’exclusion ou de charge sociale qui prévalent dans les cercles du pouvoir mais du mécanisme qui fait en sorte que les salariés passent une partie de leur temps de travail à produire de la valeur sans contrepartie et du profit qui a pour origine l’appropriation du travail gratuit.
Les conflits autour du temps de travail prennent alors une signification qui ne se laisse plus enfermer sur le « coût du travail » (qui est en réalité un revenu), ni au « théorème de Schmidt » qui postule que les profits d’aujourd’hui seront les investissements de demain et les emplois d’après-demain », mais sur « l’exploitation dissimulée » et sur « un mode de production bâti sur la violence ».
La deuxième partie du livre retrace les étapes de la lutte pour la réduction du temps de travail.
Il envisage d’abord les mesures dans le cadre du compromis social entre capital et travail qui a caractérisé la période de l’après-guerre et ensuite, à partir de la fin des années 1970, les mesures néo-libérales dans le nouveau régime du capitalisme.
La troisième partie du livre est un plaidoyer argumenté pour une réduction collective du temps de travail « radicale et généralisée ». La réduction de temps de travail est opposée au travail à temps partiel et à la précarisation des emplois.
Ce livre montre combien l’égalité des femmes et des hommes tout comme les questions de l’écologie et du climat sont indissociables de la réduction du temps de travail.
La réduction du temps de travail est, dans son analyse, au cœur du conflit qui oppose le travail au capital.
Pour esquisser une autre société, D. Horman retourne à la citation de Marx, pour qui « le royaume de la liberté commence avec la réduction du temps de travail ».
Mais le royaume de la liberté ne peut exister « qu’en se fondant sur le règne de la nécessité ».
Mateo Alaluf, sociologue, professeur honoraire ULB
Pour commander le livre
Denis Horman (2021) Leurs profits, nos vies… Pour une réduction collective et radicale du temps de travail, éditions Couleur Livres, 15 euros.
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