La manifestation nationale contre le racisme du 24 mars dernier a été une réussite avec environ 6.000 participant.e.s, mais pas non plus un succès écrasant. Soyons honnêtes : après la manifestation contre la politique d’asile du gouvernement d’il y a quelques semaines à Bruxelles, qui a mobilisé 10.000 personnes en peu de temps et avec beaucoup moins de moyens, nos attentes sont déçues !

Ce fut une manifestation combative et diversifiée, avec une bonne participation de nombreuses organisations provenant principalement de la société civile et des organisations issues de l’immigration flamande et dans une moindre mesure de Bruxelles. La présence de Hart boven Hard était très visible à côté de multiples plus petits groupes des quelques 120 organisations qui avaient signé l’appel à la mobilisation. La tête de la manifestation était formée par des dizaines de jeunes issu.e.s de l’immigration, souvent mobilisé.e.s par Uit De Marge (fédération des maisons de jeunes). Beaucoup d’ambiance, donc, au début d’un cortège très militant qui, pour beaucoup de participants, était leur première expérience d’une manifestation de rue.

Mentionnons le bloc très visible du mouvement kurde, qui protestait -actualité oblige- contre l’invasion d’Afrin par l’armée turque avec l’aide de milices islamistes, mais aussi contre le racisme auquel les Kurdes sont confrontés ici en Belgique à cause d’une politique active et d’une ingérence (comme le montre l’affaire Bahar Kimyongür) de l’État turc. Derrière elleux, une délégation palestinienne qui, de son côté, attirait l’attention sur le sort des prisonnier.e.s palestinien.e.s.

Pour les partis, notons la forte présence du PTB alors que les PS/SP.A, Groen et Ecolo et leurs organisations de jeunesse étaient beaucoup moins représentés. Quant à Be.One, le nouveau parti de Dyab Abou Jahjah et les partisans d’Erdogan Dries Lesage et Meryem Kaçar, leur représentation laisse envisager un vrai déclin, avec un groupe maigrichon.

Pour notre part, nous formions, avec la Gauche anticapitaliste / SAP-antikapitalisten et les Jeunes anticapitalistes, un groupe dynamique et bien animé, derrière nos deux banderoles colorées pour l’ouverture des frontières et contre la politique d’asile. Symboliquement, nous avions volontairement choisi de rejoindre le bloc des organisations des sans-papiers et en solidarité avec les réfugiés. Avant la manifestation, nous avions d’ailleurs activement mobilisé localement dans différentes villes (aux gares et écoles) pour faire connaître l’événement, un engagement que nous souhaitons poursuivre et développer.

Mobilisation plus faible du côté francophone

Les organisations francophones étaient cependant beaucoup moins présentes et le large mouvement de solidarité avec les demandeu.r.se.s d’asile et les sans-papiers de ces derniers mois, n’était pas massivement présent. Les nombreuses associations de migrant.e.s et de jeunes issu.e.s de l’immigration de Bruxelles et de Wallonie étaient quasiment absentes. Notons néanmoins la présence des représentant.e.s des collectifs de sans-papiers de Bruxelles, Mons, Liège, …

Ont-iels été impliqué trop tardivement dans la mobilisation qui était cette fois-ci principalement menée par des organisations néerlandophones ? Ou y avait-il une autre raison ? Par exemple, les sans-papiers et le mouvement de soutien aux demandeurs d’asile pouvaient-ils suffisamment se retrouver dans les faibles revendications contre la politique d’asile du gouvernement ? Dans tous les cas, nous devons travailler ensemble dans le futur, en commençant par impliquer activement tout le monde dans la préparation et l’élaboration du cahier de revendications.

Syndicats et mouvements de jeunesse en dessous de tout…

Quant aux syndicats, nous avons vu une modeste délégation de la CSC de Bruxelles, qui est par ailleurs activement impliquée dans le mouvement de solidarité avec les sans-papiers, une délégation de la Centrale Générale d’Anvers-Pays de Waas, ainsi que de nombreux syndicalistes à titre individuel bien sûr.

Hélas, nationalement, les syndicats n’avaient pas appelé, ni mobilisé pour cette manifestation du 24 mars, alors qu’il avait été décidé en front commun de le faire. Mais les régions et les centrales n’ont pas trouvé important de se mobiliser… On peut se demander pourquoi ! Malgré une conscience aigüe, chez beaucoup de syndicalistes, qu’il importe de réagir contre le poison de la division, du racisme et des discriminations – entre autres parce qu’il empêche de facto la construction d’un rapport de force, sur les lieux de travail et dans la société – les directions syndicales auraient été refroidies par quelques revendications qui semble-t-il étaient trop radicales pour elles.
Autres grands absents, les mouvements de jeunesse comme les scouts et les patros (excepté le groupe dynamique des « Fourmis« , scouts et guides musulman.e.s : voir vidéo en fin de l’article), qui n’ont pas réitéré leur présence massive dans les manifestations anti-raciste du siècle passé. Ici aussi, on voit qu’il y a encore du pain sur la planche !

Comment continuer après le 24 mars ?

Parmi les organisations qui ont été à la base de la manifestation antiraciste, il y a un désir de ne pas s’en tenir à une manifestation ponctuelle, mais de travailler à la construction d’un large mouvement qui mobilise et exerce une pression sur les partis politiques et la politique gouvernementale. Cela est plus que jamais nécessaire et même indispensable, vu la montée partout en Europe de l’extrême-droite, du populisme et du racisme dans notre société.

Une première réunion est prévue en avril, pour faire le bilan de la manif et construire les perspectives du mouvement avec autant d’organisations et de personnes que possible. Il est important que cette réunion se déroule sans tabous, que les revendications s’affinent et se précisent et que la mobilisation et les partenariats s’amplifient, mais osons également faire face aux faiblesses en termes de revendications et d’approches.

Nous sommes prêt.e.s à nous investir et voulons impliquer le plus de personnes, de collectifs et de mouvements possibles dans la construction d’un mouvement national qui unifie et lutte contre toutes les formes de racismes et de discriminations, qui soutient les sans-papiers et les demandeurs d’asile et qui lutte contre les expulsions.

Traduit du néerlandais par Hamel Puissant.