La Pologne est encore aujourd’hui l’un des pays d’Europe où le droit à l’avortement est, de loin, le plus restrictif. Il est à vrai dire tout bonnement interdit pour les femmes, sauf dans les cas de viol, de malformation grave du fœtus ou de risque pour la santé de la femme enceinte. Mais cela n’est semble-t-il pas encore suffisant pour ce pays dont la politique en matière de droits des femmes est totalement inféodée à l’Eglise catholique.

Le poids de l’Eglise

En 2015, c’est le parti PiS (Droit et Justice) qui gagne non seulement la présidence de la République mais également une majorité au Parlement. Ce parti conservateur et eurosceptique est ainsi très influencé en son sein par une organisation catholique radicale appelée Ordo Iuris, mais est également directement en contact avec les différentes institutions ecclésiastiques nationales. À tel point que c’est d’ailleurs un communiqué de la Conférence des évêques qui, le 15 mars, enjoint la majorité gouvernementale à commencer “immédiatement” le processus d’étude d’un nouveau projet de loi au Parlement. L’un des slogans scandés dans les manifestations massives de ce 23 mars dernier interpellait ainsi directement les autorités catholiques sous les cris de “Episcopat, rappelle tes chiens”.

L’expérience de 2016

En 2016 déjà, l’Eglise catholique et le gouvernement avaient tentés de faire passer une loi qui visait à interdire totalement le droit à l’avortement, quelles que soient les conditions de la grossesse et les risques pour les femmes. Mais cette fois déjà ils s’étaient heurtés à une mobilisation énorme, à travers des journées de grève très suivies et d’importantes manifestations. A tel point que le pouvoir fut contraint de faire marche arrière sur son projet et que de cette victoire sont nées plusieurs collectifs et organisations féministes fortes de cette expérience.

2018 : Une loi scélérate de plus

Cette fois encore le gouvernement s’attaque au droit à l’avortement en proposant au parlement une loi qui vise à supprimer la possibilité pour les femmes d’avorter en cas de malformation du fœtus (qui représente 90% des avortements en Pologne aujourd’hui). Et pourtant son accès est déjà extrêmement restreint pour les femmes en Pologne : seuls 1100 avortements légaux sont pratiqués chaque année dans le pays, tandis que l’avortement clandestin ou “touristique” est estimé à 150 000 par an. De nombreuses associations féministes dénoncent par ailleurs la difficulté à trouver des hôpitaux acceptant de pratiquer l’IVG, ceux-ci se réfugiant souvent derrière une soi-disant clause de conscience. Sur les 400 hôpitaux autorisés à pratiquer l’IVG seul 46 l’ont effectivement fait au cours de l’année 2016… Laissant de nombreuses femmes dans le désarroi le plus total. De l’autre côté l’accès à la contraception pose également de nombreux problèmes.

La grève des femmes : Strajk Kobiet !

A peine le projet était déposé que les organisations féministes appelaient en réponse à se mobiliser ce vendredi 23 mars par la grève des femmes et une manifestation devant le parlement. Un “Vendredi noir” était annoncé. Et effectivement, ces manifestations massives de femmes ont été un véritable succès et ont rassemblés plus de 50 000 personnes à Varsovie et plusieurs milliers dans d’autres villes de province. Dans la capitale, les femmes hissaient en cadence de grandes paumes de main rouge en carton avec des grands “STOP” inscrit dessus. D’autres pancartes aux slogans percutants tels que “Vos chapelles, nos utérus” ou “nous voulons avoir le choix, pas la terreur” avaient fleuris au-dessus de la foule. Et même si ces mobilisations rassemblaient des réalités bien différentes concernant les objectifs et les revendications à plus long terme de ces femmes, nous ne pouvons qu’espérer que les grèves et les manifestations ne feront que s”amplifier. Pour que les femmes de Pologne puissent non pas juste sauvegarder le trop faible accès légal qu’elles ont déjà à présent à l’IVG mais pour la conquête d’un droit complet et réel à disposer de leur corps à travers un accès à la contraception et un avortement libre et gratuit pour toutes !

Article publié sur le site du NPA.