Comment est créée la richesse ? Comment se concentre-t-elle entre les mains d’une minorité  ? Pourquoi la fuite en avant du capital est-elle inéluctable ? Si vous n’en avez qu’une idée floue, c’est le moment de vous familiariser avec ces quelques outils.

L’ensemble de ces textes – à l’exception de celui sur le travail domestique – provient des archives du très sympathique site web Tant qu’il y aura de l’argent.


La valeur

Les analystes économiques parlent souvent de la « richesse produite », des « prix » ou du « coût du travail », mais très rarement de la « valeur ». Pourtant ce concept de « valeur » est fondamental pour comprendre le système capitaliste et la crise qu’il traverse actuellement.

À force de regarder un peu trop BFMTV, on pourrait se dire que si un objet a une certaine valeur et que l’on est prêt à payer un certain prix pour l’avoir, c’est parce qu’on en a besoin. En tout cas, c’est l’idée que défendent les capitalistes. Pour eux si je meurs de soif dans le désert et que je rencontre la seule personne qui a de l’eau à plusieurs kilomètres à la ronde, je suis prêt à payer très cher pour le premier verre d’eau qu’il me vend. […]

Cette idée, appelée « utilité marginale », est théoriquement vraie, mais n’a en réalité quasiment jamais lieu. […] En général lorsque l’on a soif notre problème est plutôt de savoir ce qu’on va choisir de boire entre du Cacolac, de la Vichy Célestin ou du Sélecto.

Ce que vaut une canette

Bien sûr, la facilité d’accès joue sur le prix que l’on va payer pour son Cacolac : il sera forcément plus cher dans une épicerie de nuit que si on l’achète à Aldi, mais il restera toujours dans la même gamme de prix. […] Bien qu’il puisse y avoir certaines variations dans le prix d’une marchandise, qui sont dues à de nombreux facteurs, ce prix tourne toujours autour du même axe. Cet axe c’est « la valeur » d’une marchandise. En réalité, le prix n’est qu’une forme particulière […] où la valeur est traduite en euros ou en dollars.

C’est quoi cette valeur alors ? Bien sûr, si une marchandise vaut quelque chose c’est également parce que l’on a un intérêt à l’utiliser. […] Mais cette « valeur d’usage » n’est pas quantifiable et n’intéresse pas le capitaliste.

En effet, difficile de savoir combien vaut le délicat et désaltérant goût chocolaté d’un Cacolac un soir d’été, et d’ailleurs le patron n’en a rien à fiche. Produire du Cacolac, des Dragibus ou du quinoa bio ne change rien du moment qu’il parvient à le vendre à un prix qui lui permet de retirer suffisamment de profit. Pour le capitaliste, seule cette « valeur d’échange » existe. […] Normalement on se pose la question de savoir combien vaut une canette de Cacolac uniquement lorsque l’on veut l’acheter ou la vendre.

Sauf qu’avec le système capitaliste, on est sûr de pouvoir échanger sa canette à (presque) n’importe quel moment. Même si l’on ne souhaite pas vendre sa canette de Cacolac on sait combien elle vaut. La valeur devient permanente. On ne parle plus de « valeur d’échange », mais de « valeur » tout court. Elle devient autonome de l’achat ou de la vente des marchandises.

C’est d’ailleurs l’existence de cette « valeur » qui nous permet de regrouper des objets aussi différents qu’un kilo de riz, un Ipad Air ou un litre d’eau du robinet sous la même appellation de « marchandise », car c’est la quantité de valeur contenue dans ces biens qui permet de les comparer entre eux.

Mais si ce n’est ni l’utilité, ni la rareté, ni le principe de l’offre et de la demande qui donne cette valeur à une marchandise, d’où vient-elle ?

Les capitalistes pourraient dire que, si cette marchandise vaut tant c’est parce qu’elle leur a coûté quelque chose à produire et qu’ils perdront de l’argent s’ils la vendent moins cher. Mais regardons de plus près ce qui, pour le patron, constitue le « coût » d’une marchandise :

  • Le travail : Que le patron a payé, sous forme de salaire, à ses employés pour acheter leur force de travail.
  • La plus-value : La part de travail des ouvriers que le patron n’a pas payé et qu’il s’approprie pour faire son profit.
  • Les matières premières : Qui ont une valeur, parce qu’il a fallu qu’un certain nombre de personnes vendent leur force de travail pour les produire. Pas d’acier sans le travail du mineur extrayant du charbon et du fer, ni sans celui de l’ouvrier sidérurgiste faisant fondre l’un avec l’autre. […]
  • Les machines et l’électricité : Qui ont également une certaine « valeur », parce qu’il a fallu que des prolos vendent leur force de travail pour les fabriquer. […]

On constate que pour ce capitaliste, le « coût » de production est en réalité la somme des salaires qui ont été nécessaires pour produire une marchandise, à laquelle il faut ajouter la somme des plus-values que les patrons récupèrent pour leurs profits.

C’est donc en réalité l’ensemble du travail passé qui a été nécessaire pour produire les matières premières et les machines, ainsi que le boulot actuel qui les utilise pour donner une nouvelle marchandise, qui donne de la valeur à une canette de Cacolac. Enfin bref, tout ça pour confirmer la révélation tonitruante suivante : toute la valeur vient du travail !!! […]


La force de travail

Pour le capitaliste qui réfléchit par rapport aux profits de son entreprise, le « coût » de la bouteille de Cacolac qu’il veut vendre, représente pour lui :

  • le coût des matières premières et de l’électricité ;
  • les salaires ;
  • l’argent qu’il compte bien se garder pour lui ou réinvestir dans son entreprise ;
  • le coût des machines. […]

Dans le système capitaliste, c’est le travail qui donne la valeur à l’ensemble des marchandises produites. Mais ce travail fonctionne lui-même comme une marchandise. La force de travail des prolétaires est achetée et vendue sur un marché spécifique que l’on appelle marché du travail. Sur ce marché plus ou moins ouvert, le capitaliste essaye de payer cette force de travail le moins cher possible, au détriment des prolétaires qui n’ont que ça à vendre. Vu comme ça on n’a pas forcément l’impression qu’il y a une réelle différence avec n’importe quel autre produit que l’on pourrait acheter à Lidl, mais en fait le travail est une marchandise très particulière : c’est la seule permettant la création de valeur.

Lorsque Raymond le patron exploite ses employés, il n’achète pas leur travail, mais leur force de travail. Il n’achète donc pas exactement le travail que fait Micheline l’ouvrière, mais ses capacités musculaires et intellectuelles pendant un certain nombre d’heures. […] Cette marchandise qu’est la force de travail humaine est achetée par Raymond avec pour seul but d’être consommée pour produire des objets ou des services.

En fait lorsque le patron verse le salaire de son ouvrier, il paye le prix de la force de travail et non le travail qu’a effectué l’employé. Ce prix de la force de travail est déterminé comme n’importe quelle autre marchandise par la quantité de travail nécessaire à sa production et à son entretien. […]

Le patron paye un salaire correspondant à ce qui est nécessaire pour permettre à Micheline d’être en capacité de bosser aujourd’hui et de revenir travailler le lendemain. Ce prix de la force de travail, que BFM Business préfère appeler le « coût du travail » est ainsi en partie déterminé par la valeur des objets de première nécessité indispensables à la survie de Micheline et de son foyer. Il est aussi en partie déterminé par les frais nécessaires au fait d’élever des enfants, depuis la naissance jusqu’à ce qu’eux aussi soient en état de travailler. […]

Mais savoir exactement ce qui est nécessaire pour reproduire la force de travail est quelque peu difficile, assez vague et différent selon les époques et les lieux. Raymond tentera toujours de faire croire à Micheline qu’elle n’a pas besoin de toucher un salaire aussi élevé. À l’inverse, Micheline et ses camarades de l’usine Cacolac se battent pour récupérer un maximum de thunes.

C’est donc aussi les luttes des travailleurs pour arracher des augmentations de salaire qui déterminent le prix de cette force de travail. Si les ouvriers des usines de mise en bouteille se battent depuis dix ans et ont des conventions collectives permettant d’avoir une mutuelle d’entreprise et une échelle des salaires avantageuse, le prix de la force de travail dans le secteur de la mise en bouteille sera plus élevé que dans celui du textile par exemple. […]

La force de travail n’est donc pas payée en fonction du travail effectué. Elle est payée en fonction de la valeur nécessaire pour que le et la prolétaire survivent et produisent des nouveaux petits prolétaires… et du niveau de rapport de force dans la lutte des classes.

C’est qu’à la différence d’une machine, le patron ne nous possède pas à tout jamais : les prolétaires restent, au moins formellement, libres. Si le patron nous possédait, ce serait à lui de gérer notre entretien et notre production, comme il le fait avec ses machines. Là, c’est à nous de le faire, dans le cadre du foyer. Et cela s’appuie pour beaucoup sur le travail gratuit des femmes (voir encadré)… […]


Le salaire

Je travaille, le patron me paie. Mais comment naissent les profits ? Si le patron me paie le juste prix, il ne peut pas faire de profit, et s’il paie moins, il m’arnaque ! Où donc est l’embrouille ?

Inutile de tenter de poursuivre nos patrons pour escroquerie : nulle part, ils n’indiquent que c’est notre travail qu’ils paient (bien qu’ils laissent penser le contraire). Ce qu’ils achètent, c’est notre force de travail.

Plus exactement, ils la louent, pour une durée déterminée : trente-cinq heures, par exemple. Ce qu’on en fait, durant ce temps, c’est ensuite leur propriété : c’est ça, l’histoire.

Sur quelle base est calculé l’achat de notre force de travail ?

Comme pour n’importe quelle marchandise : les frais d’entretien, et de reproduction. Une fraiseuse, par exemple, il faut la fabriquer il faut changer des pièces chaque année, et disons que ça a dix ans de durée de vie, au bout desquels il faut en acheter une autre : eh bien c’est pareil pour nous : Nous avons un coût de formation, d’entretien, et de reproduction. Le tout forme une moyenne, et c’est sur la base de cette moyenne que nous sommes payés, ou plus exactement, sur la base de la fourchette la plus basse de cette moyenne. C’est d’ailleurs le principe du Smic.

Le salaire varie donc de plusieurs manières : en fonction du degré de qualification (donc des frais dépensés à former la main d’œuvre), en fonction de l’expérience… Mais aussi des capacités de mobilisation. Exemple : les secteurs avec peu de travailleuses et de travailleurs pour beaucoup de demande […] auront des moyennes de salaires plus élevées […].

Mais alors comment le patron s’y prend pour faire du profit, pour faire une plus-value… ?


Le travail domestique

Dans la sphère publique, celle du travail salarié, on échange sa force de travail contre un salaire. Dans la sphère privée, le travail domestique est échangé contre… rien.

Or ce travail domestique est indispensable à l’entretien des travailleuses et des travailleurs, c’est-à- dire à la reproduction de la force de travail. Eh oui, après le boulot, c’est encore le boulot : il faut faire les courses, gérer les gosses, les laver, leur faire à bouffer, les coucher, faire le ménage, etc.

Or ce temps de travail gratuit est très inégalement réparti. Au sein des couples hétérosexuels, le temps de travail domestique des femmes est supérieur de 72 % en moyenne à celui des hommes – 206 minutes contre 120 minutes, selon des chiffres de l’Insee de 2010. Pourtant, le temps de travail professionnel des hommes n’est que de 27 % supérieur à celui des femmes. Et ils bénéficient de 21 % de temps libre en plus. Cette inégalité s’accroît avec l’arrivée du premier, puis du deuxième enfant. Ce sont alors le plus souvent les femmes qui quittent leur emploi ou prennent un temps partiel pour se consacrer aux travaux domestiques. Le capitalisme profite de cette division sexuelle du travail domestique qui lui fournit une main d’œuvre bon marché, peu indépendante financièrement et donc peu combative, prête à accepter la « flexibilité » pour « concilier famille et travail »… Rien d’étonnant donc à ce que les secteurs professionnels les plus précarisés soient aussi les plus féminisés. Cette division sexuelle du travail permet à l’État de faire des économies sur les crèches collectives, les cantines, la prise en charge des personnes âgées…

Pour rééquilibrer les rôles dans la sphère publiqe comme dans la sphère privée, il n’y a pas d’autre solution que le partage des tâches ménagères  !

Texte adapté de l’argumentaire d’AL «  Femmes au travail  ».


La plus-value

La loi du fric, c’est la seule que connaisse le capitalisme, tout le monde en conviendra. Mais comment les capitalistes font pour en gagner ? Comment fonctionne l’exploitation capitaliste ?

Comme expliqué […] les capitalistes n’achètent pas notre travail, mais notre force de travail : ils la louent, pour une durée déterminée. Durant cette période, on bosse pour le patron, les patrons, les actionnaires, voire l’entreprise collective, la coopérative, etc. Le capitalisme peut prendre un bon paquet de formes… Mais certaines choses ne changent pas : pour se reproduire, il doit extraire de la plus-value […].

Il s’agit de la part de la valeur créée par les prolos grâce à leur travail, qui ne leur revient pas en salaire, mais va au capital.

Domi, aboule le surtravail !

Prenons l’exemple de Dominique. Dominique travaille dans une usine [de] montres de luxe. Pour simplifier, on va considérer qu’il s’agit d’une usine à l’ancienne, c’est-à- dire dans laquelle le processus de production est effectué dans son ensemble – c’est d’ailleurs souvent le cas dans l’industrie du luxe.

Le matin, lorsque Domi se pointe au boulot, avec ses camarades ils ont devant eux un tas de matières, non encore transformées. Il y en a pour 1 000 euros de ferrailles et autres.

Bim bam boum […], à la fin de la journée de travail, ce tas de matières premières s’est transformé en 10 jolies p’tites montres de luxe. Prêtes à briller de mille feux au poignet de tous ces types qui ont réussi leur vie…

Ces belles petites montres, le patron qu’on appellera Richard, va les vendre à un détaillant, pour 1 100 euros pièces.

Bref, pour 10 montres, Richard reçoit 11 000 euros. Là dessus :

  •  1 000 euros servent à payer les matières premières ;
  •  1 500 euros servent à payer les salaires ;
  •  6 000 euros servent à rembourser la banque qui a prêté les thunes pour acheter des machines.

Total : 7 500 euros en tout. Il en reste 3 500.

Ils sont à partager entre Richard et le proprio du terrain de l’usine, à qui Richard paie un loyer. De quel droit ? De celui de la propriété privée, bin tiens !

Pourtant, ces 3 500 euros, sont issus du travail […] de Dominique et de ses camarades : c’est eux qui ont produit cette richesse, en transformant les matières premières […]. Ils ont travaillé, mis en action les machines, etc. Mais au bout du compte, le fruit de leur travail est accaparé par Richard et le proprio du terrain : ceux-ci ont extrait la plus-value du travail des prolos.

On dit alors que la partie du travail non payé qui donne la plus-value est du surtravail, c’est-à- dire ce que le prolétaire fait plus que ce qui permet de payer son salaire. C’est en ce sens que nous sommes exploité.es. Le pourcentage de surtravail par rapport au travail total est appelé « taux d’exploitation »…

Il y a deux différents types de plus-value : la plus-value absolue et la plus-value relative. […]

Revenons donc à Dominique dans son usine de montres de luxe. Sa journée de travail est de huit heures. Sur ces huit heures, le travail nécessaire à la formation d’une valeur suffisante pour lui payer son salaire, sera par exemple d’une heure pile. Les sept heures restantes, la valeur créée par le travail que fournit Dominique va au patron. […]

Un moyen très simple d’augmenter la plus-value va consister à augmenter le nombre d’heures travaillées sans augmenter les salaires : si Dominique bosse dix heures au lieu de huit, tout en étant payé pareil, alors la plus-value augmentera de près de 30 % !

C’est ce qu’on appelle la plus-value absolue. C’est la base même de l’exploitation, et historiquement, c’est la première. Ainsi, l’augmentation continue de la journée de travail a permis aux capitalistes du XIXe siècle de faire un max de capital.

Mais on ne peut pas augmenter la journée de travail au delà d’un certain point : il faut bien dormir, manger… il y a une limite biologique. A cette limite biologique se rajoute une dimension sociale, de lutte : celle de l’acceptation, ou non, d’une journée de travail de quatorze heures. […]

La solution pour les capitalistes, consiste à nous faire bosser plus intensément, pendant la même durée de travail : au lieu de produire 100 montres en huit heures, Dominique va en produire 150. C’est ce qu’on appelle la plus-value relative.

Le taylorisme, par exemple, qui est un mode d’organisation du travail attribué à Frederick W. Taylor, s’inscrit dans cette perspective. On va chronométrer les gestes des prolos, tenter de les faire aller le plus vite possible. On va augmenter les cadences, mette en place des quotas de production… […]


La baisse tendancielle du taux de profit

L’objectif de Richard : le profit. Le capital investi par Richard la première année : 100 millions d’euros.

Ces 100 millions se décomposent comme ça : 15 pour les salaires, 15 pour le loyer du terrain de l’usine, 10 pour les matières premières, 60 pour acheter et entretenir ses machines. Les machines coûtaient 500 millions, il a emprunté sur dix ans ce qui, si on ajoute les intérêts payés à la banque et les frais d’entretien chaque année, fait une moyenne de 60 millions par an.

Les ouvriers produisent un beau paquet de montres de luxe. La première année, Richard gagne 110 millions : il a fait 10 % de profit… L’année suivante, il réinvestit tous ses 110 millions dans sa boîte. Ne vous inquiétez pas pour lui, il vit aux frais de la boîte, avec d’énormes notes de frais. C’est déductible des impôts ! Il dispose désormais d’un capital de 110 millions. Pour maintenir son taux de profit à 10 %, il doit gagner 11 millions, soit 1 de plus que l’année précédente : les ennuis commencent. Et chaque année ce sera pire ! La troisième, s’il a maintenu son taux de profit, son capital sera de 121 millions ! Il devra donc trouver 12,1 millions, s’il veut maintenir un taux de profit de 10 % ! La quatrième… bref. […]

Seulement voilà : s’il investit pour 100 millions et qu’il en gagne 10 (donc les fameux 10 %) c’est un capital qui rapporte. Mais supposons que […] le taux de profit chute alors que, de fil en aiguille, la masse de capital investi a fini par atteindre 1 milliard. S’il gagne 1 % de 1 milliard, cela fait… 10 millions !

Richard est alors bien dégoûté : son milliard investi en machines et équipements divers ne lui permet pas de gagner plus que les 100 millions de ses débuts ! On finira par conclure que ses machines ne valent pas du tout 1 milliard mais bien 100 millions : c’est tout son capital qui se dévalorise !

Conclusion : pour maintenir son capital, il doit en permanence maintenir son taux de profit ; c’est la loi n°1 du capitalisme : la fuite en avant.

Comment enrayer cette baisse  ?

Voyons maintenant les possibilités qui s’offrent à lui pour augmenter ses profits. […]

  1. Augmenter la productivité : lorsqu’il va renouveler ses machines, les nouvelles produiront une plus grande quantité de marchandises alors qu’elles coûteront à l’achat à peu près autant que les vieilles moins efficaces […]. Ce qui l’amène à…
  2. Produire plus : jusqu’à un certain point, c’est possible. […] La limite, c’est l’étendue du marché : au bout d’un moment, les riches n’ayant que deux poignets ils n’ont l’usage que d’un nombre limité de montres. Cette limite peut être repoussée : en stimulant la consommation irrationnelle des riches, en les encourageant à collectionner les montres, grâce a la pub, etc. [… ] On peut aussi stimuler la consommation des pauvres, en leur proposant un crédit : après tout, il paraît que si on n’a pas une Rolex à 50 ans, on a raté sa vie ! Ce n’est qu’un moyen de repousser l’échéance : les pauvres aussi n’ont que deux poignets, et qui plus est des capacités de remboursement de crédits réduites…
  3. Innover : faire des montres qui vont vachement loin sous l’eau, pour que tout le monde achète ses montres à lui, et pas celle des concurrents. Le problème, c’est que ses concurrents vont eux aussi finir par faire pareil, et le voilà revenu au même point.
  4. Rogner sur les salaires  : finie la rigolade ! Là aussi, il peut le faire de plusieurs manières :
    • Augmenter les cadences ;
    • Augmenter le nombre d’heures de boulot sans que les salaires suivent ;
    • Virer une partie des prolos sans diminuer la charge de travail ;
    • Virer les vieux qui bénéficient de primes à l’ancienneté pour les remplacer par des p’tits jeunes, voire par des intérimaires.

Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, les capitalistes utilisent tout cet arsenal. Est-ce suffisant ? Pendant un bon moment, oui, ça l’est.

C’est pour ça que Marx appelait ça la baisse tendancielle du taux de profit : en effet, le capital peut freiner, jusqu’à faire disparaître cette tendance, durant son développement. Pour un temps. Car il existe des limites : rogner sur les salaires, par exemple, finit par peser sur la consommation. Le crédit peut pallier à ça, mais pas indéfiniment… Et c’est sans compter sur les résistances ouvrières, la lutte des classes !

Finalement, le taux de profit baisse, baisse… Et les capitalistes ne savent plus où investir leurs masses de fric de manière rentable… C’est la crise !


La crise

La définition de crise peut se découper en deux grandes périodes historiques.

La première concerne toute la période avant le capitalisme(toute l’histoire humaine jusqu’au début du XIXe siècle).

Durant cette période, les crises se caractérisent par une sous-production de valeur d’usage (c’est-à- dire de marchandises satisfaisant un besoin humain).

Dans la société précapitaliste l’agriculture est la base de la reproduction. Ainsi toute catastrophe naturelle ou sociale (guerres, inondation, sécheresses, etc.) a pour conséquence une destruction matérielle des éléments de reproduction : producteurs et moyens de production. Ces destructions entraînent la dépopulation et la famine […].

La deuxième concerne la période capitaliste : durant celle-ci, les crises se caractérisent par une surproduction de la valeur d’échange (les marchandises produites dans le but de s’échanger contre de l’argent.)

Dans l’économie capitaliste, la destruction matérielle n’est plus une cause mais une conséquence. Dans ce cas le développement global des moyens de production entraîne une situation dans laquelle une grande quantité de marchandises ne peut plus se vendre à un prix permettant de faire du profit. Il y a une insuffisance de la consommation payante qui entraîne un ralentissement de la production, une diminution de l’utilisation de la main-d’œuvre et des moyens de production et, en retour, un nouveau regain de chômage et de pauvreté, et ainsi une nouvelle baisse de la consommation… […]


La restructuration

Années 1970. C’est la fin de ce que certains ont appelé les «  Trente glorieuses  », et le taux de profit plonge. De nombreuses luttes ouvrières se développent partout dans le monde, il est temps pour le capital de contre-attaquer pour survivre. Ce sera la restructuration, une contre-révolution capitaliste […].

La nouvelle donne, c’est travailler plus, plus intensément, plus longtemps… Pour être payé moins. Moins de paye directe à la fin du mois, mais surtout moins de paye indirecte, c’est à dire de prestations sociales : retraites, santé, chômage, etc.

En parallèle, une part importante de l’appareil productif est délocalisé dans les pays où les prolos sont beaucoup moins bien payés. Si on ajoute à ça la généralisation du taylorisme, jusque dans les emplois de services (par exemple l’instauration de quotas, d’objectifs journaliers à remplir), on a la formule avec laquelle les capitalistes ont réussi à résoudre la baisse des profits.

Cette restructuration s’est imposée via ce qu’on appelle la financiarisation de l’économie. […]

Tout d’abord, premier mouvement : les capitaux, qui ne trouvaient plus à s’investir dans l’économie dite « réelle » (les usines par exemple) sont partis dans les secteurs qui promettaient un plus fort rendement, comme les produits financiers.

Deuxième mouvement : pourquoi la finance permettrait elle un meilleur rendement ? Eh bien, elle ne permet pas à coups de baguette magique de meilleurs rendements. Mais elle permet une plus grande fluidité des capitaux : ceux-ci s’engagent et se désengagent sans cesse, via les marchés financiers. J’achète un paquet d’actions lorsque le cours est favorable, et à la moindre rumeur, je me tire, je reprends mes billes pour les déposer ailleurs.

Troisième mouvement : du coup, comment faire lorsqu’on est une grosse boîte, pour trouver des investissements ? Puisque le capitalisme de papa, c’est fini, et qu’il faut aller chercher le pognon là où il est, c’est à dire sur les marchés, eh bien, allons-y !

Mais pour rester « compétitifs », paraître rentable et donc vendable, il faut des mesures drastiques de restructuration des entreprises, délocaliser, licencier, etc. […] L’histoire des années 1980 est pleine de financiers rachetant des entreprises, licenciant à tour de bras avant de les revendre (comme Bernard Tapie en France…).

En somme, à travers le développement de la finance, c’est une forme de gestion collective […] par le capital, de la lutte des classe. Et le tout s’engage dans une fuite en avant toujours plus radicale. Seul moyen de restaurer le profit en berne via des attaques toujours plus massives.

La finance n’est donc pas un « parasite » économique sur un corps sain. Elle est la manière même dont le capital s’est sorti de sa crise.

Le souci, c’est que si les capitalistes se démerdent pour produire moins cher, il faut bien qu’il les vendent, leurs produits ! Or avec quel argent les prolos des pays du centre du capital, qui sont et restent le principal marché, vont ils acheter tout ces trucs, s’ils gagnent moins ? Mais en s’endettant, tout simplement !

C’est la solution magique, en fait : les Etats imposent moins le capital, lui permettant d’accumuler plus. Les prolos consomment, bien qu’ils soient moins bien payés. Et la dette explose.