Le 31 mars, le pays a tourné au ralenti. Piquets, blocages, secteurs à l’arrêt : la grève nationale interprofessionnelle a été une nouvelle étape dans la lutte contre les mesures antisociales du gouvernement Arizona. Si cette journée d’action a montré la capacité de mobilisation de nombreux secteurs, elle a aussi mis en lumière les limites actuelles du rapport de force. Dans cet article-bilan : retour sur cette journée de grève, les actions menées sur le terrain et les prochaines étapes du mouvement.  Les perspectives stratégiques pour élargir et renforcer la mobilisation feront l’objet d’un prochain article.

Après une mobilisation massive de plus de 100.000 personnes le 13 février dernier, la riposte contre l’Arizona continue. Ce lundi 31 mars, des milliers de travailleurs et travailleuses ont répondu présent·e·s à l’appel en front commun syndical FGTB/ CSC (la CGSLB a choisi de ne pas appeler à cette action) à une grève nationale interprofessionnelle de 24h contre la casse sociale annoncée par la coalition au pouvoir. Partout dans le pays, piquets de grève et blocages ont ralenti de nombreux secteurs de l’économie. Face à un gouvernement résolument antisocial, la riposte doit s’intensifier et s’organiser !

Grève nationale, piquets et blocages : le pays au ralenti

Ce 31 mars, la grève a fortement ralenti le pays. Les transports publics ont été largement perturbés, la plupart des avions sont resté au sol (seuls 130 vols ont été maintenus à l’aéroport de Zaventem), de nombreuses écoles et magasins sont restés fermés, et plus de 700 piquets de grève ont vu le jour dans plusieurs secteurs, tant publics que privés et dans les trois régions du pays. Les différentes sections de la Gauche anticapitaliste étaient mobilisées sur leurs lieux de travail ou en soutien sur divers piquets et blocages.

À Bruxelles, plus de 60 piquets ont été recensés. Plusieurs tours des piquets étaient organisés et/ou soutenus par Commune Colère ; notamment celui du grévibus, organisé avec le Collectif 8 mars bruxellois, ciblant des piquets de secteurs féminisés en particulier, qui a pu rassembler plus de 200 personnes sur son parcours, avec un bus rempli et un cortège suivant le même itinéraire à vélo. Parmi les piquets marquants de Bruxelles, les hôpitaux Saint-Pierre et Erasme, Audi-Forest, le CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides), la Centrale des Services à Domicile, plusieurs établissements scolaires et CPAS ou encore plusieurs magasins notamment au sein du centre commercial City 2 et dans la rue Neuve. De nombreuses travailleuses du secteur des titres-services se sont également donné rendez-vous sur la place de Brouckère. Une délégation des pompiers bruxellois a par ailleurs été reçue lundi par Georges-Louis Bouchez au siège du MR. Le campus du Solbosch de l’Université Libre de Bruxelles était bloqué par des étudiant·e·s et des travailleur·euse·s; un piquet animé a tenu toute la journée. Un village associatif des cercles étudiants prenant part à la grève étaient présents sur le campus, avec notamment les Jeunes anticapitalistes. L’Académie Royale des Beaux-arts était elle aussi à l’arrêt et le piquet renforcé par des étudiant·e·s en art de plusieurs établissements. Le secteur de la culture et de l’associatif a répondu massivement présent, les menaces contre le statut d’artiste proférées par Georges-Louis Bouchez lui-même quelques jours plus tôt ayant eu l’effet d’un électrochoc dans le secteur. Travailleur·euse·s des théâtres et des centres culturels et technicien·ne·s notamment ont formé un rassemblement de plusieurs milliers de personnes sur la place de la Monnaie dans une ambiance à la fois festive et déterminée. De là, un cortège spontané  de quelques centaines de personnes a rejoint la rue Neuve, l’une des principales artères commerciales de la capitale, où les grévistes et activistes de Commune Colère ont bloqué plusieurs rues donnant accès à la rue commerçante ainsi que les entrées du centre commercial City 2 et de plusieurs enseignes pendant 2h. L’action s’est conclue par un petit cortège prenant fin au centre de la rue Neuve où s’est tenue une Assemblée Générale où des travailleurs et travailleuses de divers secteurs ont pu prendre la parole, partager leurs revendications et annoncer les prochaines journées de mobilisation.

En Wallonie aussi, la grève a battu son plein. A Mons, les Grands prés, plus grand centre commercial de Wallonie, était fermé et bloqué,  de même que plusieurs zonings industriels de la région (Frameries, Cuesmes, Saint-Ghislain notamment).Forte mobilisation en région liégeoise où plusieurs zonings industriels étaient également bloqués, et où aucun bus ne circulait et la plupart des écoles étaient à l’arrêt. Plusieurs piquets ont pu être renforcés grâce à la solidarité entre travailleur·se·s notamment dans des centres commerciaux, les prisons, les entreprises de collecte des déchets, les administrations communales et le CPAS. A Louvain-la-Neuve, l’université s’est mobilisée; le piquet de l’UCL comptait une centaine de personnes dont une grande partie d’étudiant·e·s, se clôturant par une manifestation sur le campus. A la suite, une Assemblée générale organisée par la CNE a regroupé quelques dizaines de travailleur·se·s. Partout, les grandes entreprises industrielles étaient bien à l’arrêt: Sonaca et Industeel à Charleroi ; Aperam, Clarebout et Lutosa  dans le Hainaut ; Total-energy à Feluy ; Safran et FedEx à Liège, ainsi que les aéroports régionaux de Liège et Charleroi.

En Flandre, l’action a eu des répercussions notables dans le secteur des transports : les syndicats CGSP Cheminots et CSC/ACV-Transcom ont participé à la grève, entraînant des perturbations significatives sur le réseau ferroviaire. Les trains ont circulé de manière réduite, avec des annulations et des retards fréquents. La grève a bien été suivie chez De Lijn. Dans les secteurs public et services essentiels, la participation à la grève a varié (actions devant les hôpitaux, des maisons de repos, des écoles, des associations, il y a eu des piquets à la KU Leuven, la VUB et l’UHasselt). La grève dans la tour de contrôle du trafic maritime à Zeebrugge (Flandre-Occidentale) a obligé les autorités à fermer l’Escaut (36 navires ont dû attendre en mer), et un barrage filtrant était en place dans le port de Gand. A Anvers, les services de nettoyage étaient à l’arrêt et la prison a connu un important piquet de grève formé par les gardien·ne·s. Certains services ont fonctionné avec un personnel réduit, tandis que d’autres ont été complètement paralysés ; les employeur·se·s ont dû gérer l’absence de travailleur·se·s grévistes. Dans le secteur privé, la participation à la grève a été diverse. Certaines entreprises (Daikin à Oostende, Volvo  et ArcelorMittal à Gent, DAF, CNH, la pétrochimie, le port à Anvers, AviaPartner à Zaventem, Campina à Aalter, AB  InBev à Louvain, les magasins Carrefour, Aldi, Lidl, Brico, IKEA, Colruyt) ont connu une baisse de productivité en raison de l’absence de travailleurs grévistes, tandis que d’autres ont maintenu leurs activités normales.  

Les prochains rendez-vous de la contestation sociale

Alors que les organisations syndicales revendiquent le succès de la mobilisation du 31 mars, nous devons rester prudent·e·s : si la multiplication des piquets est indéniablement une bonne nouvelle, force est de constater que la mobilisation sur ceux-ci restait numériquement faible, pour beaucoup en deçà d’une dizaine de personnes. Très peu d’AG d’information et de mobilisation ont été préalablement organisées dans les entreprises, services publics et associations. Si le pays a tourné au ralenti, il était loin d’être à l’arrêt. Pour construire un véritable rapport de force avec les exaltés de l’Arizona, il faudra encore élargir les bases de la mobilisation (beaucoup de personnes rencontrées n’étaient pas au courant ni des mesures Arizona, ni de la grève), et l’orienter vers une direction commune et claire.

Les semaines qui viennent seront heureusement riches en mobilisation. À partir du 7 avril, une grève tournante débute dans l’enseignement, rejoignant celles déjà en cours dans le secteur ferroviaire, tous les mardi du mois. Le 24 avril marquera une journée de grève dans les CPAS ainsi qu’une mobilisation des personnes sans emploi. Le 29 avril, une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle avec des actions décentralisées est annoncée, en prélude à un 1er mai qui s’annonce combatif, et alors que le 22 mai, c’est le secteur non-marchand qui sera une nouvelle fois en grève. Partout, la colère s’organise : dans les écoles, les hôpitaux, les gares, les services publics… toutes ces luttes, pour l’instant dispersées, sont autant d’occasions d’élargir le mouvement, et d’en intensifier et centraliser la force, vers la chute de l’Arizona !


Photo : rassemblement lors de la grève nationale interprofessionnelle du 31 mars 2025. Crédit : Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0