L’accord de coalition du nouveau gouvernement fédéral a été publié le 31 janvier dernier. La casse sociale est maintenant annoncée – mieux, elle est chiffrée. Tout y passe, du budget aux pensions, du marché du travail à l’aide sociale, la santé et l’asile. Mais si les mesures économiques et (anti-)sociales sont tristement précises, c’est tout l’inverse concernant les politiques écologiques.
Comme un élève interrogé sur un livre qu’il n’a pas lu, le gouvernement meuble et dévie sur ce qu’il connaît mieux. Sa réponse à l’urgence climatique ? Une « croissance plus élevée de la productivité ». Et comment réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Par des études, des incitations, des organes de conseil, de la sensibilisation – le tout au service de l’économie capitaliste et productiviste.
Un programme écologique sans ambition
L’accord de coalition est très loin de saisir l’ampleur de la crise climatique à venir, et encore moins les changements sociétaux qui seraient nécessaires pour vivre en accord avec les limites planétaires. Pire, il vante les bienfaits d’une transition écologique pour la compétitivité des entreprises. Plutôt qu’une transition écologique, il s’agit donc avant tout de créer de nouveaux débouchés rentables pour le capital. Le capitalisme vert par excellence.
Le peu que l’on puisse accorder au gouvernement est qu’il souhaite respecter l’accord de Paris sur le climat. Pour le reste, il rappelle que l’Union européenne (UE) a fixé des objectifs contraignants de réduction d’émissions en 2030 et la neutralité carbone en 2050. Loin de montrer l’exemple, le gouvernement se contente donc de respecter ses obligations internationales… en mots, sans aucun garantie d’y arriver en pratique.
En plus de définir l’ambition écologique du gouvernement, les lois votées dans le cadre du Pacte Vert européen lui servent aussi d’excuse. D’un côté, il peut dire “regardez tout ce que l’on fait déjà !”, pointant le devoir de vigilance sociale et environnementale des entreprises ou le marché des émissions de carbone. De l’autre côté, il fait subtilement passer pour siennes certaines mesures adoptées par l’UE, par exemple sur l’économie circulaire ou l’efficacité énergétique.
Sauver la planète… par les marchés ?
Le manque d’ambition écologique affiché par l’accord se voit aussi dans ses propositions plus concrètes. Bien trop souvent le gouvernement “étudiera”, “évaluera” ou “envisagera” des mesures au lieu d’agir sans attendre. Ce manque flagrant de volonté n’est pas excusable par un manque de connaissances ou d’information au sujet des politiques écologiques. Le consensus scientifique sur les problèmes et les solutions est clair et connu des décideurs, il leur est même adressé dans les rapports du GIEC. C’est donc par désintérêt que le gouvernement refuse de prendre des mesures à la hauteur.
Que propose concrètement l’accord ? Tout d’abord, une série d’ajustements des niveaux de TVA pour inciter les entreprises à réduire leur usage des énergies fossiles et investir dans la décarbonation des bâtiments. Ensuite, la suppression progressive des subventions et incitations fiscales aux énergies fossiles. Aussi, des outils pour flexibiliser la consommation énergétique des citoyens et des campagnes de sensibilisation à la surconsommation. Enfin, une réduction de taxes et tarifs sur l’électricité pour les entreprises.
C’est donc une politique de marché qui se dessine, où tout est affaire d’incitations économiques et responsabilité individuelle des citoyens considérés uniquement comme consommateurs. Pas question de plans publics d’investissement pour satisfaire les besoins sociaux et écologiques fondamentaux, et certainement pas de mesures qui mettraient en péril les sources d’accumulation du capital en général, et du capital fossile en particulier. Clairement, les mesures proposées sont largement insuffisantes même pour atteindre les objectifs européens. Surtout, elles déplacent la responsabilité du système productiviste vers les acteurs économiques individualisés et ne permettent donc aucune remise en question des systèmes qui exploitent les humains et les ressources.
Enfin, pour se dédouaner de réfléchir profondément au système énergétique futur en Belgique, le gouvernement table sur une prolongation du parc nucléaire existant et des investissements mineurs dans de nouveaux réacteurs. Les énergies renouvelables ne sont que mentionnées sans réel plan au-delà des projets en cours, tandis que de nouvelles centrales fossiles bénéficient d’exemptions à leur interdiction au nom de la sécurité énergétique.
Une réelle politique énergétique de long terme nécessite une planification démocratique totale, pas une suite de mesurettes qui ne satisfont ni la neutralité carbone, ni la sécurité d’approvisionnement.
Une triste absence
Finalement, l’écologie selon l’Arizona se résume à cela: si l’on prétend ne pas voir le problème, il n’existe pas.
Mais la réalité du dérèglement climatique s’impose plus fort de jour en jour, et l’inaction n’est pas une option. L’innovation technologique ne permettra pas à un capitalisme (même vert) de transcender les limites physiques de notre monde. La recherche du profit continuera à justifier l’exploitation à outrance. S’il est encore temps d’agir, il ne faut pas compter sur ce gouvernement pour le faire.
Crédit photo : Dominique Botte / Krasny Collective