Ce mardi 26 novembre, les écoles doivent rester fermées, tel est l’ambition des enseignant·es et du Front commun syndical qui a déposé un préavis de grève ainsi que des arrêts de travail pour réaliser des assemblées générales du personnel dans tous les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles et cela de la maternelle à l’Université.

La colère est grandissante dans les écoles où les enseignant·es, au lieu de trouver des solutions attendues depuis trop longtemps, se retrouvent devant un barrage de déclarations dans les médias et de décisions politiques :

  • qui déforment la réalité
  • qui remplacent les nominations par des CDI
  • qui divisent la société en essayant de détourner la colère des enseignants vers les parents et leurs propres élèves
  • qui essaient de remédier à la pénurie grandissante d’enseignants avec des mesures qui attaquent le cœur même du métier en remplaçant la formation initiale des enseignants par des formations courtes et des certificats.

Entre temps, les enseignants se trouvent devant des classes en surnombre, des postes vacants à cause de pénuries et des infrastructures fatiguées.

Le drame qui se joue est que pendant que la formation initiale est passée de trois à quatre ans afin de répondre aux exigences d’un rehaussement de la compétence des enseignants (sans revalorisation barémique, bien sûr), la Ministre prépare le terrain pour l’engagement de personnes pas qualifiées pour le métier. Ceci s’accompagne d’une détérioration de leur statut qui va de pair avec des mesures de plus en plus autoritaires dans et hors de l’école. Devant cette situation catastrophique, la ministre Glatigny a essayé de contourner le dialogue social avec les syndicats en invitant « des groupes d’enseignants » à prendre leur déjeuner au Ministère; une provocation qui reflète bien l’esprit de ce gouvernement qui veut nous diviser, nous isoler pour nous manipuler à sa guise.  

La grève de ce mardi 26 novembre concerne tous les niveaux d’enseignements, de la maternelle à l’université contre les décision de deux des six ministres du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui appartiennent, bien sûr, aux deux partis de la coalition Azur : Elisabeth Degryse, (Engagés), qui est Ministre-Présidente en charge du Budget, de l’Enseignement supérieur, de la Culture, des Relations internationales et des Relations intra-francophones ainsi que la tristement célèbre Valéry Glatigny, (MR), qui est première Vice-Présidente et Ministre de l’Éducation obligatoire et de l’Enseignement de promotion sociale. Le choix de Valérie Glatigny à ce poste n’est évidemment pas un hasard et assure que l’attaque contre le système de l’éducation francophone se fera à tous les niveaux et montre déjà les dents.

Sans surprise, le gouvernement Azur est arrivé pour appliquer des mesures contre les travailleur.ses pour réaliser des économies dans les services publiques, dont l’enseignement fait partie pour poursuivre leur politique de diminution d’impôts tout en réduisant drastiquement le déficit pour atteindre un équilibre budgétaire dans les cinq ans à venir. L’enseignement (incluant la recherche scientifique et la culture) se trouve donc dans les premières loges des coupures et subit de plein fouet les politiques annoncées.

De l’école maternelle à l’université les coups de hache appelés « réformes »

Dans la Déclaration de Politique Communautaire (DPC), les partenaires gouvernementaux affirment « avoir le courage de changer pour que l’avenir s’éclaire ». Nous avons le droit de demander pour qui ?

Pour l’enseignement obligatoire, le gouvernement dit vouloir lutter contre la pénurie. La DPC  traduit cette volonté par la formule « un enseignant devant chaque classe » mais tandis que de se pencher sur les difficultés et le mal-être des enseignants, surtout des jeunes qui abandonnent le métier dans les premiers cinq ans de carrière, les solutions proposées consistent à

  • augmenter le nombre d’élèves par classe
  • se contenter d’ « avoir quelqu’un dans chaque classe devant ses élèves » et ce quelqu’un peut n’être ni diplômé.e ni même qualifié.e pour le métier.

Il est évident que cette politique ne fait qu’accroître la pénurie en détériorant les conditions de travail des équipes pédagogiques par la détérioration des conditions d’apprentissage des élèves.

Pour pouvoir effectivement « mettre quelqu’un devant chaque classe », le gouvernement renomme la dévalorisation des diplômes et du métier en « La modernisation et la simplification des statuts, à travers la révision des titres et fonctions du personnel ». En réalité, il s’agit d’un retour en arrière aux exigences professionnelles et aux droits du travail des enseignants au nom d’une « méritocratie » arbitraire qui met chaque enseignant.e à la disposition de la direction ou du Pouvoir Organisateur de son école. Il n’y a rien de moderne à la réduction des droits des travailleur·euses. Il s’agit d’une idée fixe et très ancienne de la classe dominante.

Une autre des déclarations phares du gouvernement, la réforme de l’enseignement qualifiant entrainera une restructuration des offres des écoles avec la fermeture sèche de plusieurs options (donc plusieurs pertes d’emploi) et leur remplacement par des formations en entreprise avec une réorientation des élèves vers les métiers en pénurie. L’école se voit ainsi liée définitivement aux besoins capitalistes et devient ainsi un court passage qui fournit une main d’œuvre docile et bon marché aux entreprises puisque « en apprentissage » où les élèves n’auront évidemment pas les mêmes droits que leurs collègues, ils resteront « sages » dans l’espoir de décrocher un emploi.

Cette mesure magique concerne aussi la formation des enseignant.e.s où la quatrième année récemment ajoutée en 2023 deviendrait une année en alternance avec des stages dans les écoles, c’est-à-dire du travail bon marché et sans droits.

Si pour l’enseignement obligatoire les propositions sont d’une inspiration ultra néolibérale, pour l’enseignement supérieur et universitaire, il n’y a rien de réjouissant non plus. Le ton a été donné par la rectrice de l’UCL, Madame Françoise Smets, fine observatrice de la vie universitaire, qui à la rentrée académique de cette année a fait remarquer que visiblement « certains étudiants et étudiantes ne s’épanouissent pas à l’université ». Et sa conclusion est sans appel : « (ils.elles) devraient probablement choisir d’autres études ». (RTBF 16 septembre 2024). Et pourtant, toutes les études montrent que ce sont surtout les difficultés matérielles qui conditionnent les performances académiques des étudiant.e.s. Nous comprenons bien qui seront les étudiant.e.s impacté.e.s et qui seront les premiers à être prié.e.s de prendre la sortie pour d’autres formations, moins « prestigieuses » que des formations au supérieur « qui coûtent cher » au contribuable.

Déjà en avril 2023, la Fédération des étudiant.e.s francophones (FEF) publiait une étude réalisée à l’ULB sur l’impact de la Réforme du décret paysage introduite par Valéry Glatigny, déjà ministre de l’Enseignement supérieur à la précédente majorité MR-PS-Écolo  Dans les conclusions de l’étude, nous lisons : « Ces chiffres ne permettent pas de dire avec précision combien d’étudiant·e·s la réforme va exclure mais ils permettent de mettre en évidence plusieurs choses : Un nombre très important d’étudiant·e·s risquent de ne pas être finançables en fin d’année comme le prévoyait la FEF. Dans le cas de l’ULB, c’est 18,52 % des étudiant·e·s qui sont maintenant à risque et qui ne l’étaient pas dans le précédent système ».

En effet, c’était la réforme du décret paysage introduit par Madame Glatigny et le financement du supérieur qui a fait tomber le gouvernement la veille des élections nationales en juin 2024. Les trois partis avait voté ensemble le texte original, suite à quoi la Fédération des étudiant.e.s francophones (FEF) s’est appuyé sur des études indépendantes pour révéler les résultats catastrophiques de son application.  La FEF écrivait en février 2024 : « A la suite de la réforme des décrets « Paysage » et « Finançabilité », de nouvelles conditions de finançabilité ont été mises en place. Celles-ci vont conduire de nombreux·euses étudiant·e·s à ne plus pouvoir poursuivre leurs études. Face à cette réforme élitiste, dans le cadre de sa campagne « Paysage, ça dégage », la Fédération des étudiant·e·s francophones demande son retrait en proposant une nouvelle version des décrets qui vise à ne pas exclure les étudiant·e·s. »

Sans surprise, le décret a été voté par la majorité Azur le 24 juillet et sera en vigueur dès la rentrée 2025-2026. Le retour du décret-paysage diminuera le nombre d’étudiants finançables aux Hautes Écoles et aux Universités et sera accompagné à moyen terme par des fermetures de départements qui ne sont pas « rentables » et de fusions avec toujours plus de pertes d’emplois. Aujourd’hui nous assistons aux conséquences de toutes ces décisions : les départements pédagogiques des Hautes écoles se vident et sont sous-financées. A la fin de l’année, nous risquons d’avoir parmi nos étudiant.e.s effectif·ves un nombre important qui n’est plus finançable. Suite à cela, des économies (appelées efforts) de 6,5 millions d’euros sur l’enveloppe du supérieur ont été annoncées en fantasmant regagner cet argent par les étudiants étrangers !

Parallèlement, avec le rabotage sérieux des budgets du FNRS (Fondation nationale de la recherche scientifique) et de l’ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur) le gouvernement met en danger tout l’avenir de nos enfants et les bases pour une « trumpisation » de la société. Il n’y a presqu’aucun moyen aussi efficace de compromettre l’avenir des générations futures, et de la société entière par voie de conséquence, que de désinvestir dans l’éducation.

L’enseignement  attaqué mais pas vaincu

La grève de ce mardi 26 novembre n’est qu’un début ! Nous promettons de continuer la lutte avec des assemblées générales, des actions dans et en dehors des écoles pour empêcher que cette nouvelle attaque néolibérale puisse passer ! Nous voulons une école qui réponde à nos besoins et non aux besoins du capital. Une école ouverte, démocratique et émancipatrice pour tout.es !