Sans surprise, le nouveau gouvernement de la Wallonie et de la FWB, nommé avec le nom fancy « Azur », n’a qu’une seule solution à tous les maux du capitalisme. Ce mot magique est austérité. En accord avec le dictat thatchérien de TINA (There is no alternative – il n’y a pas d’alternative), le gouvernement MR-Engagés applique inexorablement le même remède à une économie capitaliste malade et à une population épuisée par l’effort de réunir les deux bouts à la fin du mois.
Ce gouvernement, malgré son nom joyeux n’a évidemment rien de réjouissant à nous proposer sauf un vocabulaire détourné qui peut tromper certain·es au début mais pas pour longtemps.
Le lendemain des élections communales et régionales, ils ont déjà annoncé la couleur, avec la diminution des taxes directes sur l’héritage et d’autres impôts sur les revenus. Cette baisse coûterait 1,5 milliard sur 10 ans dont 700 millions sous cette législature, tout en prévoyant un « assainissement » des finances publiques avec un retour à l’équilibre budgétaire en 2029 pour la Région wallonne et en 2034 pour la FWB. Une « bouffée d’oxygène » selon Georges-Louis Bouchez ; en revanche, de notre côté, nous avons le droit de demander chez qui le gouvernement compte couper l’oxygène pour le donner aux plus grands revenus et aux plus grands patrimoines de Belgique francophone.
Plus concrètement, le budget présenté pour les cinq années à venir ne prévoyait pas de nouvelles taxe, mais des économies de 268 millions d’euros, dont 110 rien qu’en 2025.
Il est, en effet, évident que les mesures ne profitent pas à la majorité des travailleurs et travailleuses pour qui leur revenu mensuel ne suffit pas à clôturer le mois ni à ceux qui, n’ayant pas de patrimoine à léguer, doivent payer des loyers exorbitants dans des maisons et appartements souvent vétustes ou mal isolés et des factures d’électricité exorbitantes. Et pourtant, en lisant entre les lignes et sans trop d’effort on comprend facilement où le nouveau gouvernement compte trouver l’argent pour sa politique antipopulaire : moins d’impôt signifie plus d’élèves par classe, des listes qui s’allongent dans les hôpitaux, moins d’habitations sociales, moins de moyens de transport et peut-être plus chers; il signifie aussi davantage de privatisations des services donnés aujourd’hui par les intercommunales et moins d’aides pour la rénovation et la mise en norme énergétique des maisons. Il signifie, enfin, moins d’aide aux personnes au chômage, aux sans-abris et aux sans– papiers.
Et pour contenir la juste colère de la population qui se manifestera à un moment ou à un autre, il signifie un état plus autoritaire et des mesures disciplinaires. D’ailleurs dans leurs déclarations, les deux compères ne cachent leurs intentions à ce niveau-là. Afin de faire passer sans heurts leur cure d’austérité au profit des plus grands revenus, leur intention est de changer le statut des fonctionnaires. Ne plus offrir des contrats permanents, mais des CDI, pour un nivellement vers le bas et un retour en arrière pour tout.es. Le statut doit d’abord être une protection des citoyens. En protégeant les fonctionnaires de l’arbitraire, il évite l’instrumentalisation de l’administration par un pouvoir politique quelconque. En outre, la nomination garantit la liberté syndicale et protège les travailleur.es des discriminations de toute sorte.
Où trouver l’argent ? Surtout pas dans les poches du patronat !
Le budget présenté pour les cinq années à venir ne propose donc aucune nouvelle taxe (pour les riches), mais des économies de 268 millions d’euros, dont 110 rien qu’en 2025.
Ces annonces viennent après les élections communales du 13 octobre, et ont été précédées d’un barrage de publications dans la presse sur le déficit public excessif de la Belgique qui baisserait la note du pays et ainsi augmenterait les taux d’intérêt des prêts du pays. Est-ce que ces économies sont aussi inévitables qu’ils les présentent ? Il y a quelques mois, en juin, Bruno Colmant, professeur d’économie à la Solvay School of business et à l’UCLouvain expliquait que « nous ne sommes pas du tout un pays en faillite » et les raisons que le déficit augmente sont pluriels. Le problème, pour l’économiste, est que certains partis en lice pour intégrer le futur gouvernement fédéral, estiment qu’il faut aussi baisser les impôts. « On ne peut pas à la fois réduire le déficit, réduire les impôts et atteindre un équilibre, sauf à réduire encore plus les dépenses sociales ».
La ligne directrice se traduit en « la rationalisation et la responsabilisation des entités publiques ». Cela signifie une réduction significative des investissements publics et la généralisation des privatisations. L’octroi de subsides au secteur associatif et non marchand, déjà touché et appauvri par les derniers gouvernements, serait mieux « contrôlé » et plus limité. Le MR préférerait que nous oublions qu’il a participé à ce niveau à tous les derniers gouvernements avec des résultats déjà catastrophiques autant pour les travailleur.ses dans le domaine que pour les bénéficiaires. Et c’est la culture, l’éducation permanente et l’aide au plus démunis qui feront les frais de ces politiques.
En FWB, outre l’enseignement, c’est à la RTBF dont la dotation ne ferait plus l’objet d’une indexation annuelle, où il y aura une économie potentielle de 70 millions d’euros.
Le cas le plus emblématique de ces politiques sera l’école et les enseignant·es qui le paieront. Le retour du décret-paysage diminuera le nombre d’étudiants finançables aux Hautes Écoles et aux Universités et sera accompagné à moyen terme par des fermetures de départements qui ne sont pas « rentables » et de fusions avec encore plus de pertes d’emplois.
Par ailleurs, les annonces concernant le « Pacte pour un enseignement d’excellence » laissent entendre que de toutes les mesures positives concernant l’allongement du tronc commun, par exemple, ou de toutes les revendications des enseignants lors des dernières mobilisations, la ministre n’a retenu que les mesures disciplinaires et évaluatives et la fin des barèmes et de la nomination.
Avec des mesures « positives » floues mais des mesures néolibérales bien concrètes, ce gouvernement risque de tourner la population très vite contre lui. En jouant la carte du populisme, nous risquons tou·te·s une augmentation de l’extrême droite, presque inexistante politiquement, en Wallonie. Pour toute la gauche, les syndicats, et les mouvements sociaux, l’enjeu est de taille. Notre réponse devra être à la hauteur de cet enjeu : forte et unitaire. La grève interprofessionnel du 7 novembre ainsi que la manifestation du 11 novembre à Namur contre les livraisons d’armes à Israël sont des bons débuts qui nous montrent le chemin.
Illustration : montage réalisé à partir de photos sous licence Creative Commons