Le 2 septembre dernier s’est ouvert un procès d’envergure historique. 51 hommes sont jugés pour viols avec circonstances aggravantes. Ils sont accusés d’avoir violé Gisèle Pélicot, préalablement droguée par son mari, Dominique Pélicot,dans le village de Mazan. Pendant 10 ans, Dominique Pélciot a recruté des individus en ligne à qui il soumettait sa femme, inconsciente. À côté des 51 hommes présents, une trentaine n’ont pas pu être identifiés. Et puis, il y a tous ceux qui ont vu passer les annonces, sans jamais donner l’alerte.
Procès de Mazan ou le procès du patriarcat et de la violence masculine
Ce procès confirme et rappelle ce que les mouvements féministes soulignent depuis longtemps : le premier lieu des violences sexistes et sexuelles, c’est la famille. 7 ans après #MeToo, peut-être que la prise de conscience générale pourra enfin se faire. Les viols et les agressions sexuelles ne sont pas le fait de monstres, d’hommes instables,mais bien d’hommes ordinaires. Ce procès est donc bien plus que celui de Dominique Pélicot et des 51 violeurs. C’est celui de tout un système, qui permet aux hommes ordinaires et intégrés socialement de perpétrer des violences sexuelles : le patriarcat.
Soutien à Gisèle Pélicot
Le procès devait se dérouler en huis clos. Gisèle Pélicot a tenu à rendre le procès public et à lever le huis clos. Pourquoi s’imposer tout ça ? Les caméras, les journalistes, les photographes, l’opinion publique,… Pour Gisèle, la réponse est évidente : la honte doit changer de camp. Il est temps que les victimes de violences sexuelles se rendent compte qu’elles ne sont pas seules.”Je le fais au nom de toutes ces femmes qui peuvent subir cela”, a-t-elle déclaré à la barre.
Avec les Féministes anticapitalistes, nous soutenons ce geste fort et cette décision qui pourrait changer la manière d’appréhender les violences sexistes et sexuelles. En tant que femmes ayant subi des violences, il est difficile de s’exprimer publiquement sur ce que l’on a vécu. Entre les accusations de mensonges, les “tu exagères”, “il ne pensait sûrement pas à mal” et les accusations de vengeances, s’exposer est une véritable épreuve dans une société fondamentalement misogyne qui cherche à faire peser le poids des violences sur les épaules des victimes.
Le patriarcat : un système à démanteler
Le viol, c’est une des formes ultimes des violences sexistes et sexuelles. Malgré tout, il est banalisé. “Il y a viol et viol et, sans intention de le comettre, il n’y a pas viol.” Voilà ce qu’a affirmé plein d’aplomb un des avocats des accusés, Guillaume de Palma. Les hommes ne sauraient pas ce qu’ils font et, pire, ils ont juste à le prétendre pour être absous.
Mais c’est loin d’être la seule forme de violence. Il existe tout un continuum de violences patriarcales allant de la blague sexiste au féminicide. Entre ces deux bouts, on retrouve tous les types de violences que subissent les femmes* (économiques, psychologiques, physiques…). Concrètement, ces violences sont tolérées et rendues possibles car elles font partie d’un système qui encourage et banalise les agressions sexistes. Lutter contre ces violences passe donc par la lutte contre ce fameux système : le patriarcat.
Mais comment on lutte ? Nous devons nous organiser et revendiquer des mesures concrètes. Les conditions de vie concrètes et matérielles des femmes* ont un impact direct sur la possibilité que des violences s’exercent. Nous revendiquons une réelle indépendance financières des femmes*, afin d’éviter la dépendance à un homme, sur le plan matériel. Cela passe notamment par la fin du statut de cohabitante et l’individualisation des droits. Ce statut implique que les aides sociales dont on pourrait bénéficier sont calculées en prenant en compte le revenu du conjoint. Dans les faits, cela crée de la dépendance vis-à-vis de lui et peut empêcher de quitter un conjoint violent.
Reprendre le contrôle de nos corps et avoir le droit à l’autodétermination est également essentiel pour disposer d’une réelle indépendance. Le procès des viols de Mazan jette la lumière sur ce que bon nombres de femmes* savent déjà : quoi que nous fassions, la société nous dit que notre corps ne nous appartient pas vraiment. Si le mari était présent et d’accord, il n’y a pas viol, n’est-ce pas ? Voilà ce que l’on peut retrouver dans les déclarations des accusés. Pour reprendre le contrôle : réclamons l’accès réel, libre et gratuit à tous les types de contraceptions et à l’avortement. Mettons fin au délai de réflexion dans le cas de recours à l’IVG et allongeons le délai d’accès à 24 semaines. Nos corps nous appartiennent !
Vaste programme nous direz-vous. C’est vrai, le chemin est long. Mais nous pouvons y arriver. Le seul moyen d’y parvenir est de s’organiser. On ne pourra lutter contre ce système que grâce à des mouvements féministes forts et indépendants. N’oublions pas que les droits dont les femmes* disposent aujourd’hui ont été acquis par la lutte !
À nous la rue : aucune de nous ne sera réellement libre tant que nous ne serons pas toutes libres !
Paris, 2021-11-20. Manifestation contre les violences faites aux femmes. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas. Photothèque rouge.