Élus, formateurs, ministrables, lobbyistes, patrons : depuis le 9 juin, les regards de nos dirigeants se concentrent sur le second round de cette année électorale, celui des élections communales. En Flandre comme au fédéral, la formation du gouvernement ressemble à une gigantesque course de lenteur, chacun espérant que les résultats du 13 octobre modifient les rapports de forces en sa faveur. Pour l’essentiel, à part le cas particulier de Bruxelles, les jeux sont pourtant déjà pliés : la Belgique sera gouvernée à droite toute, sans doute plus qu’elle ne l’a jamais été. Une perspective qui nous oblige à préparer une contre-offensive la plus large, la plus massive et la plus unitaire possible. C’est le mot d’ordre que nous avons répété au long de notre campagne pour les élections européennes, et que nous avons scrupuleusement suivi depuis. Au cours de cette période, nous avons notamment engagé nos forces dans la continuation du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, la poursuite de la dynamique unitaire autour de la Coordination Antifasciste de Belgique, la construction d’un mouvement unitaire pour l’élargissement du droit à l’avortement (avec la manifestation du 28 septembre), le soutien aux travailleur·ses d’Audi, et la construction d’un mouvement écosocialiste de masse, entre autres via la prochaine action du mouvement Code Rouge.

Dans ce contexte, il nous est apparu que mener une campagne pour les élections communales n’était pas une priorité pour notre organisation. La Gauche anticapitaliste ne sera donc présente sur aucune liste, dans aucune des trois régions du pays, et ne fera campagne pour aucune. Néanmoins, dans ce même contexte, toutes les occasions d’affaiblir la droite sont bonnes à prendre, et il n’est donc pas inutile de chercher, parmi les listes à notre disposition, lesquelles peuvent permettre d’éviter que le MR, les Engagé∙es, le CD&V, la NVA et les partis fascistes n’obtiennent encore plus d’élus.

Le PTB semble voir dans ces élections une importante opportunité de se construire. Avec une éventuelle participation à des majorités locales, si possible dans de grandes villes, il pourrait gagner la respectabilité et l’expérience institutionnelle qu’il veut acquérir avant de monter dans des majorités régionales, voir fédérale. C’est le chemin qu’ont suivi d’autres partis de gauche radicale, y compris, dans la période récente, Podemos, dans l’État espagnol. Pour un résultat qui laisse à désirer.

Parce qu’elles se déroulent à une échelle qui les rend accessibles à de petits mouvements locaux et à des initiatives innovantes, les élections communales sont un terrain de choix pour ceux qui rêvent de créer des campagnes « citoyennes », et de « faire entrer le peuple dans les institutions ». Ce qui en fait aussi la digue sur laquelle échouent nombre de dynamiques de lutte. D’où la nécessité de tordre le cou à quelques illusions : non, la petite échelle de ces élections n’apporte aucune garantie de « proximité » qui permettrait aux élu∙es issu∙es des mouvements sociaux de rester connecté∙es aux forces sociales qui les ont porté∙es là. Plus encore qu’à un autre niveau peut-être, les conseiller∙es communaux∙les, sitôt élu∙es, se retrouvent pieds et poings liés par les contraintes imposées par l’institution, au premier rang desquelles figurent les contraintes budgétaires, imposées par les niveaux de pouvoir supérieurs. Les militant∙es qui veulent sincèrement utiliser cet échelon pour mettre en place, localement, une politique sociale et écologique se retrouvent bien vite broyé∙es, et transformé∙es en bons petits gestionnaires de l’austérité néolibérale. C’est ainsi qu’années après années, le Parti Communiste Français est devenu ce fossile droitisé jusqu’à l’absurde, ou bien que Podemos a fini par accepter de jouer les remplaçants dans un gouvernement social-libéral avant de s’effondrer.

Cela ne veut pas dire qu’il soit impossible d’y faire quoi que ce soit d’intéressant. À condition de mettre la barre moins haute : les conseils communaux peuvent servir de caisse de résonance des mouvements sociaux, ou de source d’information, et à l’occasion, il est toujours possible d’y arracher de petites victoires, et d’y construire un contre-pouvoir en bras de fer permanent avec l’État. C’est ce qu’ont fait les conseillers communaux de notre courant, à plusieurs occasions au cours de notre histoire. C’est ce que peut faire le PTB, y compris, quand ce sera son choix, au sein d’une majorité. Son bilan dans la commune de Zelzate n’est en effet pas foncièrement mauvais, et démontre que si les leviers permis par cet échelon sont faibles, ils ne sont pas inexistants : le « tax shift » qui y a été opéré a indéniablement permis de soulager les classes populaires.

C’est donc avec un enthousiasme prudent que nous envisageons la perspective de voir le PTB intégrer de nouveaux exécutifs : nous ne ferons pas partie de celleux qui feront pression pour qu’il accepte de servir de caution de gauche à des politiques de droite. Mais nous appelons à lui donner le meilleur score possible, et nous l’encourageons à monter dans des majorités, partout où il peut servir de contre-poids aux gouvernements régionaux et fédéral, en s’engageant sur une véritable politique de rupture. Ce qui nécessite qu’il s’engage sur des lignes rouges programmatiques claires. Citons, en exemples, pour démarrer la discussion : la facilitation de l’implication démocratique de la population, des associations et des syndicats ; un audit de la dette communale ; le refus de toute politique austéritaire ; le rejet de tout projet inutile écologiquement et socialement destructeur ; une politique active de développement des transports en commun, de recul de la voiture et de végétalisation ; l’augmentation du nombre de logements sociaux ; l’accueil des migrant∙es et un recul net de la répression policière ; la fin du flicage des pauvres dans les CPAS… Autant d’axes sur lesquels le PTB gagnerait à clarifier sa position.

Quoi qu’il en soit, le vote PTB semble bien être le plus pertinent à notre disposition pour contrer la droite et l’extrême-droite. En cohérence avec ce fait objectif, les militant∙es de la Gauche anticapitaliste voteront donc pour les listes PTB partout où elles se présentent, en sélectionnant en priorité, comme à notre habitude, les candidat∙es issu∙es des mouvements sociaux et des organisations de terrain, syndicales ou associatives. À défaut, dans les communes où le PTB ne se présente pas, nous choisirons au cas par cas le vote le plus à même d’affaiblir la droite, en priorisant les candidatures issues des mouvements sociaux quand elles existent. Nous invitons tou∙tes celleux qui partagent nos positions et nos combats à faire de même.

Gauche anticapitaliste, septembre 2024