Une famille a été attaquée fin août dans son domicile, près de la place Flagey. Des coups de feu ont été tirés, entraînant la mort du père et blessant sa femme et son fils. Dans la presse, les circonstances ne sont pas encore tout à fait claires mais il semblerait que les agresseurs aient débarqué dans l’appartement familial pour extorquer le fils qu’ils avaient alors hameçonné sur l’application de rencontre Grindr.

Grindr est d’abord pensé à destination des personnes LGBTI et notamment populaires chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Cette histoire a eu un certain écho dans les médias suite au dénouement tragique qu’on lui connaît mais ce n’est malheureusement pas un cas isolé : de juin à fin août, l’ASBL Ex Aequo rapporte dix guet-apens ayant un mode opératoire similaire via Grindr.

Un chiffre évidemment sous-estimé selon le secrétaire de l’ASBL, Mike Mayné, qui fait remarquer que la plupart des gens ne portent pas plainte. Une remarque étayée par le récent rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux en 2023 faisant état que seulement 14% des victimes de violences homophobes vont se plaindre à la police, notamment par manque de confiance dans la police, voire carrément par crainte de subir d’autres brimades homophobes.(1)https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2024-lgbtiq-equality_en.pdf

Quiconque connaît quelques personnes LGBTI peut se rendre compte que ces histoires de guet-apens sont loin d’être un phénomène récent et que nombre d’ancien.ne.s dans la communauté ont pu rapporter des histoires similaires. Le site d’information LGBTI français “Têtu” a même une catégorie d’articles consacrée à ce genre de crimes et la liste est longue avec une quinzaine d’articles sur le sujet en 2024.(2)https://tetu.com/tag/guet-apens-homophobes

Le parquet reste néanmoins prudent sur la qualification de ces crimes comme étant homophobes. C’est pourtant une posture plus que naïve et assez symptomatique de la façon erronée dont on peut comprendre le fonctionnement des oppressions. En effet, il faudrait sans doute pour le parquet lire dans les pensées des agresseurs pour savoir si la haine homophobe était réellement leur motif. Au lieu de cela, nous préférons nous demander pourquoi ces truands ont choisi spécifiquement d’extorquer un homme gay via Grindr plutôt que d’autres applications de rencontre.

La réponse est simple, ces agresseurs exploitent sciemment la vulnérabilité d’une population marginalisée pour faire leur business. Les agressions de ce type augmentent et de plus en plus de personnes LGBTI témoignent de violences, et il est clair que des irresponsables politiques comme David Clarinval (et Georges-Louis Bouchez son complice enthousiaste) contribuent à un climat qui rend ces violences propices.

Pointer les personnes queer comme étant un mal menaçant la civilsation les déshumanise et légitime dans la tête des agresseurs le passage à l’acte. Cela contribue également à les isoler, en les encourageant à dissimuler leur orientation et leur identité, ce qui est un frein pour leur accès à la justice.

Un autre enjeu de l’affaire, plus complexe, consiste à trouver un équilibre entre deux attentes importantes dans ce genre d’applications. D’une part, la nécessité d’avoir des profils vérifiés pour éviter que l’application devienne un outil pour les guet-apens. D’autre part, l’anonymat sur ces applications de rencontres peuvent être un plus pour les personnes qui ne sont pas out et qui préféreraient éviter qu’une entreprise privée dispose de leurs données personnelles, d’autant plus quand on sait que Grindr a déjà été condamné pour partage illégal des données dans le cadre de marketing ciblé en Norvège.(3)https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/12/16/la-norvege-inflige-une-amende-record-a-l-appli-grindr-pour-partage-illegal-des-donnees_6106278_4408996.html

Une des pistes évoquées par les utilisateurs serait une vérification optionnelle du profil et qui laisserait le choix aux personnes qui souhaitent prendre le risque de fréquenter des profils anonymes.

Ex Aequo a publié quelques conseils d’autodéfense en utilisant des applications de rencontre : “Échange les numéros de téléphone avec la personne qui te propose un rendez-vous

  • Conserve ce numéro chez toi et, si possible, partage-le avec une personne de confiance
  • Parle au téléphone ou en visio avec la personne avant de te rendre sur le lieu de la rencontre
  • Choisis si possible un lieu que tu connais et qui te permet de mettre fin à la rencontre si tu n’es pas à l’aise
  • Vérifie si ton téléphone portable te permet de pré-configurer des appels ou des sms d’urgence que tu peux déclencher de manière ‧discrète (…)
  • Il est plus prudent que tu puisses voir la personne à travers une vitre ou un judas ‧avant de lui ouvrir la porte de chez toi. Ne laisse pas la porte ouverte en avance”(4)https://www.exaequo.be/fr/ta-sante/victime-de-violence

Reste que ce dilemme entre anonymat et sécurité illustre la nécessité criante pour la communauté LGBTI d’avoir des lieux communautaires sortant des logiques marchandes néfastes afin de pouvoir se rencontrer et sociabiliser.

Des lieux qui soient en mesure d’organiser l’autodéfense collective des personnes queers sans pour autant aspirer leur argent en encourageant des pratiques addictives (les personnes LGBTI étant plus vulnérables face aux assuétudes comme avec l’alcool ou le tabac notamment).


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