À Buenos Aires du 9 au 11 mai 2024 ont eu lieu les VIes Rencontres écosocialistes internationales et la première Rencontre écosociale d’Amérique latine et des Caraïbes (1)Lire aussi sur notre site L’écosocialisme pour tout changer. La première Rencontre écosocialiste internationale avait eu lieu à Genève en 2014 à l’initiative de solidaritéS, la septième édition aura lieu en 2026 en Belgique à l’initiative de la Gauche anticapitaliste. Entretien avec Vanessa Dourado, d’Attac Argentine et l’une des chevilles ouvrières du comité d’organisation.
Quelle perspective politique a animé ces VIes rencontres ?
Ce que nous avons pu constater lors de ces rencontres est une affirmation d’une perspective du Sud Global, en particulier sur deux questions centrales: la question anticoloniale et la question de l’antiracisme. Dans la perspective du Sud, ces deux questions sont des thèmes centraux, qui n’ont pas été suffisamment abordés lors des réunions précédentes, alors que nous les considérons fondamentaux pour pouvoir construire un mouvement écosocialiste qui soit inclusif et qui intègre l’Amérique latine et les Caraïbes: qui se décentre de l’occident.
Ces deux points sont essentiels pour ne pas reproduire une logique colonialiste que nous appelons «colonialisme vert». Celle-ci se reproduit par deux mécanismes. D’une part les discours dominants ignorent l’histoire de la colonisation et sa continuation dans le temps après les processus de décolonisation, invisibilisant ces rapports de domination. D’autre part, les récits d’urgences sur la nécessité de décarbonation, d’abandon des combustibles fossiles et de la création d’alternatives «propres» imposent un cadrage occidental du problème. Ces récits néolibéraux imposent aux pays du sud des mégaprojets d’infrastructures «vertes» tout en faisant fi des réalités locales et des destructions environnementales que ces projets entrainent.
La dénonciation de ces fausses solutions est essentielle. C’est pourquoi il est important que la lutte soit internationaliste, mais en comprenant les différences entre le Nord et le Sud et en y incluant nos exigences historiques.
Quel bilan fais-tu des Rencontres ?
Nous sommes très satisfait·es de l’événement qui a eu lieu à Buenos Aires. Nous pensons que les rencontres ont été un succès! surtout en raison du nombre de collectifs et d’activistes présent·es. Plus de 40 organisations étaient représentées avec plus de 200 activistes venant de plus de 15 pays différents.
Les débats se sont déroulés de manière démocratique, autogérée et participative et ont donné une bonne mesure de la force de la perspective écosocialiste. Ceci a constitué une surprise pour nous, puisqu’en Amérique Latine les collectifs et mouvements sociaux sont peu à se réclamer de l’écosocialisme.
Nous avons aussi été surpris·es par la diversité des collectifs présents: des collectifs du mouvement féministe et écoféministe, des représentant·es de syndicats d’Amérique latine et d’Europe, une forte participation des assemblées territoriales argentines, des secteurs en lutte contre l’extractivisme, contre l’accaparement des terres ou de l’eau, de mouvements contre les mines et le saccage des territoires, du mouvement paysan et du mouvement indigène. Plusieurs personnes du monde académique et intellectuel étaient également présentes.
Quelle est l’importance de cette diversité pour les rencontres ?
Dans notre perspective, il est nécessaire qu’un changement culturel prenne place dans ces luttes. Ce dernier doit commencer par une rupture avec la logique colonialiste qui place souvent les problèmes du Nord au centre du débat et exclue les pays du sud de la conversation. Pour nous c’est une continuité du processus de colonialisme et de colonisation qui n’a pas cessé au moment des indépendances mais a muté pour persister sous de nouvelles formes.
Nombre de communautés indigènes et paysannes continuent à résister sur leurs territoires. Elles constituent un élément fondamental pour un écosocialisme qui soit réellement efficace, qui fonctionne et qui atteigne son objectif central. La diversité des collectifs présents aux rencontres incarne pour nous cette possibilité d’un avenir écosocialiste différent de la trajectoire actuelle.
Quelles perspectives pour la suite ?
Nous avons décidé de créer une coordination internationale permanente et de continuer à construire des espaces de débats et de réunions thématiques avant les VIIes Rencontres, qui auront lieu en Belgique en 2026. D’autre part, dans la perspective des mobilisations internationales et notamment latino-américaines contre la COP30 qui aura lieu à Belém, au Brésil, en novembre 2025, nous allons créer un réseau écosocialiste latino-américain.
Les 2e Rencontres écosocialistes Latino-américaines et des Caraïbes auront lieu dans cette même ville brésilienne, en même temps que le contre-sommet à la COP. Nous aller également continuer à élaborer notre programme et une stratégie écosocialiste internationaliste, dont la rédaction a commencé lors des VIes rencontres avec toutes les organisations présentes.
Nous voulons nous élargir aux réseaux et mouvements existants sur notre continent, afin de mettre la vie et la protection de la nature au centre de nos pratiques. Pour cela il n’y a pas d’autre possibilité que l’adoption d’une perspective écosocialiste et internationaliste !
Propos recueillis par Juan Tortosa
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Entretien publié le 25 mai sur solidaritéS.
Photo : VIe Rencontres écosocialistes internationales, Buenos Aires, 11 mai 2024 (source : VI Encuentro Internacional Ecosocialista)
Notes