La situation s’accélère en Catalogne avec la proclamation de l’indépendance et la dissolution du pouvoir catalan par le gouvernement central. Andreu Coll, militant d’Anticapitalistes, section de Catalogne de la IVe Internationale.

Quelles ont été les décisions de Rajoy face à la proclamation de l’indépendance ?

Rajoy a convoqué des élections pour le 21 décembre en Catalogne. Il a pris le contrôle. Formellement, c’est lui le président de la Généralité et samedi matin il va concrétiser, avec tous les secrétaires d’État, comment prendre le contrôle de la Généralité. Ils ont dissous tous les organismes d’internationaux de la Généralité (les délégations à l’étranger) sauf celle de Bruxelles. Ils ont même dissous la délégation de la Généralité à Madrid. Ils ont cassé le mandat de 140 membres du gouvernement, bien au-delà des conseillers, président et vice-président. Ils ont aussi dissous le parlement catalan et convoqué les élections. Ils ont destitué le chef politique de la police et le sous-secrétaire de l’Intérieur. Le ministre de l’Intérieur prend directement en charge la police catalane.

C’est étonnant car tout le monde pensait que Rajoy allait convoquer les élections plus tard, en juin. Mais il a finalement décidé de les convoquer le plus tôt possible. On va voir s’ils vont illégaliser les partis indépendantistes. Lundi, il y aura également une plainte du procureur général de l’Etat contre tout le gouvernement, le président et peut-être les députés qui ont voté pour l’indépendance. C’est plus difficile car le vote a eu lieu à bulletin secret pour éviter la répression.

Puigdemont va être accusé de rébellion, il risque 30 ans de prison ! Les Jordi sont en prison préventive pour sédition, une accusation moins grave, il est donc possible que la police arrête dès lundi les membres du gouvernement et leur applique une peine préventive.

Que peut faire le gouvernement catalan ?

C’est difficile car il y a maintenant deux légalités. Selon la loi espagnole, le chef de la Généralité est Rajoy et la Catalogne fait partie de l’Etat espagnol… Il y a donc proclamation de l’indépendance, mais pas la capacité d’imposer l’autorité de la Généralité sur le territoire.

Samedi matin, il y a une réunion du conseil exécutif, rendu illégal. Dès que les décisions du conseil des ministres seront publiées au bulletin officiel, tout ce que fera Puigdemont s’ajoutera aux délits qui lui sont déjà reprochés… notamment celui d’usurpation de fonction publique. Si les élections sont maintenues au 21 décembre, la grande majorité des dirigeants indépendantistes ne pourra pas se présenter car ils seront en prison !

Pourquoi Puigdemont a-t-il finalement proclamé l’indépendance ?

Si Puigdemont n’avait pas proclamé l’indépendance, cela aurait mené à une rupture au sein du camp indépendantiste. Lorsque qu’il a émis jeudi l’idée de convoquer des élections, il y a eu deux démissions de députés et une révolte interne à son parti, PDECAT. Il n’a donc pas osé le faire. De plus, il a été poussé par le refus du gouvernement de retirer l’article 155. La majorité des maires, en province, ont indiqué qu’ils quitteraient le parti s’il n’allait pas jusqu’au bout.

Comment va réagir la population ?

Il y aura un mouvement de masse pour soutenir le gouvernement, un mouvement qui sera pacifique. La dynamique va s’accélérer. Dès samedi, le gouvernement va décider comment il prend le contrôle de la Generalitat. Mais il peut y avoir un énorme désordre, en raison des arrestations et de l’arrivée des autorités espagnole à chaque Conseillerie. L’autre question est de savoir ce que feront les Mossos, la police catalane. La situation est très tendue, il y a déjà eu des affrontements entre la police nationale et les Mossos. Rajoy veut utiliser les Mossos pour la répression et cela va diviser davantage ce corps.

Anticapitalistes Catalogne vient de publier un communiqué mettant l’accent sur l’importance d’un processus constituant, notamment pour impliquer des secteurs qui ne sont pas indépendantistes, mais surtout pour un changement de société, pour discuter du contenu social du mouvement. Il faut aussi insister sur la nécessité de généraliser la dynamique au-delà de la Catalogne. Cela dépend aussi de la dynamique générale : la mobilisation sera pacifique au début, mais il peut y avoir une répression violente.

Les initiatives de solidarité dans toute l’Europe sont importantes pour nous, pour nous encourager et affaiblir Rajoy.

Propos recueillis par Antoine Larrache pour le NPA