Après un long processus d’élaboration et de discussions internes, la Gauche anticapitaliste, réunie en congrès en septembre 2021, a adopté son manifeste « L’urgence d’un monde nouveau ». Nous en publions l’introduction ci-dessous. Le texte complet est disponible en version papier à prix libre (1)Prix recommandé entre 3 et 5 euros. Pour vous le procurer, retrouvez-nous dans les mobilisations ou contactez-nous par courriel.
Introduction – l’humanité entre dans une nouvelle ère
1. La pandémie de COVID19 intervient dans un contexte précis : l’augmentation de la fréquence des zoonoses, ces maladies infectieuses des animaux transmises aux humains, qui est une conséquence directe de la déforestation, de l’agrobusiness, de l’élevage industriel, du commerce des espèces sauvages et de la destruction de la biodiversité. Et la diffusion de ces zoonoses est favorisée par les mégapoles, la pauvreté et la globalisation des échanges. On peut dire sans exagération que nous sommes à un véritable tournant de l’Histoire.
Car si, jusqu’à présent, la destruction écologique pouvait sembler relativement autonome par rapport aux autres contradictions capitalistes (les nouvelles formes d’exploitation du travail, la montée des inégalités, la crise de légitimité des institutions politiques, la lutte des puissances pour l’hégémonie mondiale…), il apparaît désormais clairement que tout s’imbrique. Le productivisme capitaliste nous a fait entrer dans « l’ère des pandémies », de la catastrophe climatique montante et de la barbarie high-tech. Alors qu’il reste très peu de temps pour éviter des transformations irréversibles (qui toucheront surtout les classes populaires), la course au profit et la lutte pour l’hégémonie continuent de prévaloir sur les intérêts de la vie, tout en creusant les inégalités.
Or si cette situation nouvelle secoue l’ordre mondial issu de la chute du Mur de Berlin et si de nouveaux espaces s’ouvrent, tous azimuts, c’est surtout la droite qui les occupe et monopolise les débats par la démagogie, le déni et la haine au point qu’un nouveau fascisme menace.
À gauche, des expériences récentes (Syriza, Podemos) en attestent : les percées réalisées à coups de tactique électorale, de contrôle du mouvement social et de campagnes de com’ sont condamnées à s’effondrer au moindre choc, ou à produire bien autre chose que ce qu’elles promettaient.
Ces impasses, ces défaites, ces déceptions nous rappellent qu’aujourd’hui plus que jamais, la gauche a besoin comme de pain d’un projet stratégique anticapitaliste qui va à la racine des choses – l’exploitation du travail et de la nature, appuyée sur les oppressions de toutes sortes. Un projet basé sur l’analyse et le débat et constamment testé par une action collective consciente.
Aujourd’hui, plus que jamais, la gauche a besoin comme de pain d’un projet stratégique anticapitaliste qui va à la racine des choses.
2. Depuis un demi-siècle, la globalisation néolibérale entretient son propre mythe, celui d’une promesse d’avenir sans étatisme ni bureaucratie. La trilogie de la modernité – produire, consommer et s’enrichir – occultait les destructions antisociales, anti- écologiques et antidémocratiques de la marchandisation, des privatisations, de la concurrence et de l’esprit d’entreprise. Après la chute du Mur, ces destructions ont été encore radicalisées, globalisées, étendues à toutes les sphères de la société et aux ressources naturelles. L’hégémonie de l’utopie néolibérale s’exprimait dans son incroyable aptitude à minimiser les dangers majeurs de la destruction de la nature, d’une grande partie du monde du travail et de la société elle-même par le dogme de l’individualisme et la foi dans les nouvelles technologies.
Cette hégémonie, déjà ébranlée par la crise économique et financière de 2008, la pandémie l’a à nouveau démasquée et mise à mal. Elle a mis en évidence les fonctions vitales du travail et de la nature, en particulier dans les activités essentielles. Pendant qu’à la base, l’idée que le monde ne doit pas être piloté par le profit mais par le bien commun, démocratiquement déterminé dans le respect de l’environnement se renforçait, le néolibéralisme révélait sa brutalité en affichant sans fard ses priorités de classe et ses tendances autoritaires, policières, racistes et sexistes.
En même temps, au sommet, la pandémie et la menace climatique accélèrent le ralliement au mythe d’un « capitalisme vert ». Plusieurs gouvernements ainsi que l’UE ont dû prendre leurs distances avec les dogmes néolibéraux, et l’objectif de la « neutralité carbone » en 2050 se généralise.
Ce retour de balancier se marque plus fortement aux États-Unis, mais aucune illusion n’est permise : d’une part, l’arrêt de la catastrophe climatique et la prévention de nouvelles pandémies sont incompatibles avec l’accumulation capitaliste qui reste la priorité absolue des gouvernements; d’autre part, la relance de l’accumulation requiert plus de technologie – plus de travail mort – donc plus d’exploitation du travail vivant (pour maintenir les profits) et d’autoritarisme. Quatre domaines technologiques font peser les plus grandes menaces: (1) la technologie militaire avec l’utilisation de l’espace, d’armes nucléaires tactiques et de robots; (2) le génie génétique qui vise à approprier la vie pour contrôler l’alimentation de la population mondiale; (3) les technologies à émissions négatives et la géo-ingénierie, pour tenter de concilier le climat et l’accumulation; 4) les technologies de surveillance et de transhumanisme à côté desquelles la dystopie d’Orwell (1984) fait figure de plaisanterie.
Dès lors, une profonde rupture anticapitaliste s’impose pour remplacer cette folie par une écologie planétaire démocratique basée sur le soin des personnes et des écosystèmes, autrement dit un écosocialisme.
Une profonde rupture anticapitaliste s’impose pour remplacer cette folie par une écologie planétaire démocratique basée sur le soin des personnes et des écosystèmes, autrement dit un écosocialisme.
3. La défaite de Trump n’est pas la fin du trumpisme. La crise de la mondialisation néolibérale est capitalisée principalement par des tendances nationalistes, xénophobes, sexistes, racistes et suprémacistes qui captent la colère de secteurs en déclassement et populaires, et la détournent vers des boucs émissaires (minorités culturelles ou/et ethniques en Europe et aux USA, en particulier les musulman.e.s).
C’est le cas au Brésil, en Inde, mais aussi en France et dans de nombreux pays européens. Ces tendances sont l’expression extrême du fanatisme productiviste du capital, qui refuse toute entrave à l’accumulation. C’est pourquoi elles nient la réalité du changement climatique anthropique et de la pandémie et présentent des traits anti-science, complotistes et confusionnistes. Elles peuvent ouvrir la voie à une extrême-droite néofasciste, porteuse d’un darwinisme social et d’une volonté de domination brutale du monde post-colonial (la politique israélienne étant l’avant-poste occidental de ce modèle, de même avec Bolsonaro en Amazonie ou la Chine au Xinjiang), des populations racisées, des femmes et des LGBTQIA+ (2)Lesbiennes, gays, bisexuel.le.s, trans, queer, intersexes, agenre. Le « + » indique l’orientation inclusive d’autres orientations sexuelles et identités de genre marginalisées, présentes dans le mouvement et les communautés concernées. Face à ce phénomène, les courants globalistes se présentent comme représentants de la « civilisation contre la barbarie » et contre le désastre écologique, mais ce discours est hypocrite car eux-mêmes sont des acteurs centraux de la destruction de la société et de la nature.
4. Le conflit entre global-libéralisme et national-libéralisme croise la lutte pour l’hégémonie mondiale entre l’impérialisme US et ses alliés d’une part, la Chine, la Russie et leurs partenaires d’autre part. Le national-libéralisme penche en faveur de la Russie et de la Chine.
Nous sommes en désaccord avec le « campisme » de certaines tendances de gauche : elles persévèrent à « choisir leur camp », comme les partis communistes stalinisés le faisaient lors de la « guerre froide », alors que notre seul camp est celui des exploité.e.s et des opprimé.e.s en lutte pour leurs droits légitimes, quel que soit leur pays.
Ce n’est évidemment pas celui de l’impérialisme occidental, de son régime libéral et de ses guerres pour les ressources, menées au nom des « droits humains ». Ce n’est pas non plus celui de la Russie, régime autoritaire d’extrême-droite où le capitalisme est rétabli. Ni celui de la Chine, cet atelier du monde capitaliste sous gestion bureaucratique et nationaliste, où l’établissement d’un socialisme démocratique demandera non seulement une révolution politique (élimination de la bureaucratie) mais aussi une révolution sociale (expropriation des capitalistes). Poutine et Xi Jinping sont des despotes qui excitent le nationalisme et cadenassent la société pour éradiquer toute opposition interne, y compris de gauche et du monde du travail, et pour contrôler des territoires et élargir leur sphère d’influence. En résumé, le « campisme » conduit inévitablement à se faire complice de politiques contraires aux valeurs de l’émancipation. C’est pourquoi l’alternative anticapitaliste – féministe, antiraciste/décoloniale, écosocialiste – doit s’envisager comme résolument internationaliste.
5. Les deux dangers majeurs qui guettent les mouvements populaires sont (1) la « stratégie du choc » pour imposer des réformes ultra-libérales ; (2) les théories du complot qui, favorisées par la dépolitisation et l’individualisme, sont vectrices d’une grande confusion idéologique et renforcent l’extrême droite.
Pourtant, malgré ces dangers, les protestations de masse de ces dernières années ont montré une volonté persistante de défier l’ordre établi. La forte participation des jeunes, des populations racisées, des jeunes femmes et des travailleur.se.s prouvent que les nouvelles générations ont un potentiel considérable de radicalité, de diversité, de dynamisme et de renouvellement des structures des mouvements. L’enjeu dans la période qui s’ouvre est donc de renouer avec ce potentiel pour le développer en surmontant ses faiblesses. Nous pensons particulièrement à l’écart, trop souvent énorme, entre le dynamisme des mobilisations et la faiblesse des alternatives politiques.
Nous voulons gagner les activistes des mouvements sociaux à la nécessité et à la possibilité d’une rupture radicale avec le système capitaliste.
De nouvelles formations de gauche ont émergé ci et là à l’occasion d’élections, mais sans réelle perspective stratégique, en reproduisant le type social-démocrate (ou stalinien) de relation entre le social et le politique. Or notre perspective est radicalement différente : nous voulons gagner les activistes des mouvements sociaux à la nécessité et à la possibilité d’une rupture radicale avec le système capitaliste, à travers un combat constant pour l’auto-organisation démocratique et l’articulation sans frontières des luttes pour l’émancipation de tou.te.s. Cette perspective est la seule susceptible de déboucher un jour sur le remplacement du pouvoir capitaliste par un authentique pouvoir démocratique des exploité.e.s et des opprimé.e.s, à l’image de celui de la Commune de Paris. C’est pourquoi notre tâche immédiate est de construire des mouvements de résistance pour arracher des victoires partielles et renforcer ainsi la confiance des exploité.e.s et des opprimé.e.s.
B. Un programme d’urgence pour remettre la vie au cœur de la société
C. La nécessité d’une stratégie de rupture révolutionnaire
D. Rejoins notre mouvement
Le texte complet de notre manifeste est disponible en version papier à prix libre (prix recommandé entre 3 et 5 euros). Pour vous le procurer, retrouvez-nous dans les mobilisations ou écrivez-nous à info@gaucheanticapitaliste.org.
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Notes