Samedi 11 septembre, entre 30 000 et 40 000 travailleurEs des soins de santé ont manifesté à Varsovie. À l’issue de la manifestation, elles et ils ont occupé la rue en face du siège du Premier ministre, installé des tentes et annoncé que le mouvement va continuer jusqu’à la victoire.
C’est la première fois qu’une mobilisation aussi massive unifie les diverses corporations médicales et paramédicales – les infirmières et les sages-femmes (dont le syndicat OZZPiP a été à l’origine du mouvement) mais aussi les médecins, les internes, les ambulanciers, les kinésithérapeutes, les dignostiqueurs… Même des directeurs des hôpitaux ont apporté leur soutien.
Un système de santé détruit
Le comité national de grève et de mobilisation des travailleurEs de la santé a formulé huit revendications, dont la modification immédiate de la loi sur la rémunération minimale des salariéEs des entités médicales, l’augmentation immédiate de 30% du remboursement des frais de services médicaux et de 80% de ceux des ambulancierEs, une nouvelle évaluation de tous les services, l’embauche de personnel supplémentaire, la garantie du statut de fonctionnaire public aux métiers médicaux, les congés sanatoriaux après 15 ans de travail…
La pandémie a mis en lumière les effets de la destruction du système de santé publique en Pologne. Sous-payé, le personnel médical vieillit : une infirmière a en moyenne 53 ans, un médecin hospitalier 51. Il y a en moyenne 5,2 infirmières pour 1000 habitantEs, alors que la moyenne de l’Union européenne est de 8,4. Les horaires du travail explosent : 300 à 400 heures par mois à l’hôpital, plus de 500 heures chez les ambulanciers. « Est-ce que les patients peuvent accepter un soignant fatigué, qui peut faire une erreur à chaque instant ? Nous sommes responsables de leur santé et de leur vie. »
Les grévistes exigent un budget de la santé de 6,8 % du PIB (le projet du budget national pour 2022 propose 5,75 %). Les infirmières revendiquent un salaire brut mensuel équivalent à 1756 euros – il est de 768 euros actuellement.
Un exemple à suivre
« Monsieur, le Premier ministre, les soignants sont à la limite et l’état d’urgence dure en ce qui nous concerne depuis très longtemps », dit l’infirmière Dorota Gardias, qui préside la troisième centrale syndicale FZZ, faisant allusion à la décision du gouvernement d’imposer l’état d’urgence à la frontière biélorusse pour empêcher l’arrivée des demandeurs d’asile. « Je ne serais pas surprise que déployiez des barbelés autour des hôpitaux tout en remerciant dans les médias les soignants pour leur dur labeur ». Le comité de grève a refusé l’invitation au « dialogue » du ministre de la Santé et ne négociera qu’en présence du Premier ministre.
Wojciech Szafraniec, qui dirige l’Entente des internes explique : « Récemment, les médecins n’arrivaient même plus à établir des certificats de décès. Beaucoup de gens pensaient que c’est de la faute des soignants. La société est désorientée depuis longtemps. Lorsque le gouvernement l’exhorte de se vacciner, les gens ne veulent plus l’écouter, ils ne comprennent pas ces messages. »
Pour faire face, les soignantEs en Pologne se sont réunis dans la lutte. Un exemple à suivre, car la destruction-privatisation du service public de santé est en cours dans toute l’Union européenne.
Publié sur L’Anticapitaliste.