Le plan de sauvetage de 1900 milliards de dollars et le prochain projet de loi sur les dépenses d’infrastructure de 3000 milliards de dollars représentent une rupture avec le consensus néolibéral de Washington.
Les libéraux·ales et même certain·e·s à gauche ont célébré ces deux projets comme une forme de nouveau New Deal, tandis que d’autres à gauche les ont rejetés comme s’il s’agissait d’affaires banales. Les un·e·s et les autres se trompent. Les initiatives de Joe Biden rompent bien avec les politiques néolibérales de privatisation, de déréglementation et d’austérité et incluent des avantages qui, au moins temporairement, amélioreront la vie de la classe ouvrière et des opprimé·e·s. Mais ces initiatives font pâle mesure par rapport au New Deal, qui comprenait des programmes sociaux majeurs et permanents comme la sécurité sociale. De plus, elles ne poursuivent aucune nationalisation des entreprises privées.
Les causes du changement
Biden et la classe bourgeoise qui contrôle le Parti démocrate ont été poussés à adopter ces politiques keynésiennes en raison de trois développements majeurs.
Premièrement, les politiques néolibérales de Washington n’ont pas réussi à restaurer la rentabilité du capitalisme américain et à surmonter sa faible croissance depuis la Grande Récession.
Deuxièmement, la Chine pose désormais non seulement un défi géopolitique à la domination américaine dans la région Asie-Pacifique, mais aussi une menace à sa suprématie dans la technologie de pointe.
Troisièmement, les travailleurs·euses et les groupes opprimés, en particulier les Afro-Américain·e·s, ont commencé à se mobiliser et à dénoncer les inégalités brutales du capitalisme étasunien, d’Occupy Wall Street en 2011 au soulèvement de Black Lives Matter à l’été 2020.
Les politiques néolibérales de Trump, faisant des opprimé·e·s des boucs émissaires, et sa politique étrangère erratique ont exacerbé tous ces problèmes. Après ses quatre années de gouvernance chaotique et sa gestion catastrophique de la pandémie, les États-Unis se sont retrouvés embourbés dans la récession, dépassés par le retour de la Chine à la croissance, et déchirés par la polarisation politique, avec le militantisme d’extrême droite mais aussi les manifestations antiracistes massives qui ont mis à l’arrêt les villes à travers le pays.
Le plan de sauvetage actuel contient des avantages importants. Il donne à la plupart des travailleurs·euses un chèque de 1400 dollars, octroie des fonds aux locataires pour éviter l’expulsion, augmente les allocations chômage et renfloue les gouvernements locaux pour éviter les coupes d’austérité et investir dans les écoles. Mais toutes ces mesures expirent à la fin de l’année. Et aucune d’entre elles ne porte atteinte aux intérêts capitalistes.
Remettre en selle le capitalisme américain
La Chambre de commerce américaine et la Table Ronde des Entreprises ont toutes deux soutenu le plan de sauvetage, car elles savaient que la plupart des travailleurs·euses dépenseraient leur argent pour payer leurs factures, leurs dettes et acheter les produits des grandes entreprises.
La classe capitaliste soutient également le projet de loi de dépenses d’infrastructure de Biden. Il injecte de l’argent dans les entreprises, les États et les administrations municipales pour réparer les routes, les ponts, les rails et les aéroports délabrés du pays et investit dans la haute technologie, l’industrie de la défense et l’éducation, en particulier dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.
La question de savoir si le plan de Biden pour relancer le capitalisme américain fonctionnera est une autre question. Il ne résoudra pas son problème de faible rentabilité et de lente croissance. Indépendamment de ce que fait l’État, les entreprises n’investiront pas dans des installations et des machines pour produire plus de produits de base si le taux de profit reste faible.
Le résultat le plus probable, comme l’a soutenu l’économiste marxiste Michael Roberts, est la stagflation – une inflation modeste au sein d’une économie stagnante.
Jusqu’à ce qu’une crise profonde élimine les éléments improductifs aux États-Unis et dans l’économie mondiale, le système restera coincé dans une crise à long terme, que le keynésianisme ne peut surmonter.
Les socialistes doivent bien sûr soutenir toute réforme qui sert les intérêts des travailleurs·euses et des groupes opprimés, mais aussi lutter pour qu’elle soit élargie, rendue permanente et financée par des impôts sur les riches et des coupes dans le budget militaire.
Pour ce faire, nous devons résister aux appels du Parti démocrate à le rejoindre et construire des organisations indépendantes – éventuellement un nouveau parti socialiste axé sur la lutte de classe pour des réformes beaucoup plus profondes sur la voie de la révolution.
Publié sur le site de solidaritéS.