Si comme un bon touriste belge du dimanche vous venait l’idée d’une balade autour du plan incliné de Ronquières, je vous recommande la petite centrale hydroélectrique au bas du plan et l’affichette publiant la demande de permis de bâtir pour y construire en son lieu un espace de loisir et pique-nique avec balançoires et toboggans. Cette centrale avec une capacité de 1500 KW en 75000 V est donc en train de se volatiliser discrètement.
D’où provenait donc cette énergie et où ira-t-elle dorénavant ? Les canaux sont alimentés en eau par les rivières de haute Belgique, dans ce cas précis par la Sambre et ses affluents. Un débit de haut en bas doit donc être régulé. La construction d’une dénivellation unique de près de 70 m en un seul lieu donnait l’occasion lors de la construction du plan incliné d’implanter une centrale électrique. Il s’agissait alors du projet, alors avant-gardiste d’exploiter une énergie parfaitement renouvelable et d’une grande flexibilité. En effet, contrairement à une voie d’eau naturelle, le débit peut être interrompu ou accéléré selon les besoins d’énergie. Aujourd’hui et à l’avenir cette énergie servira donc à réchauffer le canal !
À en croire ELIA, le régulateur du réseau haute tension, il n’a pas de plus grande préoccupation que de promouvoir les énergies renouvelables. Dans ses plans, ses rapports publics, nulle trace de cette petite centrale évanouie. Si besoin en était, voici bien une démonstration des exigences du capitalisme en matière d’énergie : le renouvelable, oui … mais à condition d’imiter la démesure de la production capitaliste. Et avec cette démesure viennent les techniques nuisibles et non renouvelables comme les méga éoliennes qui nécessitent des tonnes de terres rares. Les seules vraies préoccupations d’ELIA sont la libération du marché, donc son ouverture à grande distance vers l’est et la facilitation de l’inflation des quantités d’énergie déployées. Ces deux motivations vont à l’encontre d’un déploiement alternatif de productions écologiques locales en grand nombre et faibles puissances et de la recherche de modération harmonieuse des consommations. Avec le projet de Boucle du Hainaut(1)Lire Boucle du Hainaut : On ne la boucle pas !, en ouvrant le marché occidental vers l’est, l’intention est claire d’ouvrir le marché occidental à l’électricité du lignite (charbon particulièrement sale), électricité hautement compétitive.
La production hydroélectrique belge est assez modeste. Si on se base sur les chiffres bruts de capacité des centrales on peut être trompé par les grandes puissances de Coo et de l’Eau d’Heure mais il s’agit là, en fait, de capacités d’accumulation pour compenser les excès de production nocturne du nucléaire. Vous ne trouverez pas d’information sur l’énergie gaspillée dans le mauvais rendement de cette accumulation hydraulique. Dans les 13 centrales cumulant une centaine de MW de capacité hydroélectrique classique il manque donc les 1,5 MW de Ronquières. Cette centrale construite avec le plan incliné à partir de 1968 est probablement vétuste et cette énergie gratuite ne mérite pas l’investissement capitaliste de son maintien en activité. Dans cet inventaire manque aussi les dizaines de petites centrales de petits particuliers que pendant un demi-siècle le monopole Intercom-Electrabel-Engie a pourfendu jusqu’à les éradiquer.
Chacun se souvient de l’extraordinaire effort financier de la région wallonne pour promouvoir le photovoltaïque domestique. Dans un premier temps il fit la gloire d’ecolo et du PS avant qu’il mène la région au bord de la faillite. Entretemps quelques petits bourgeois avisés firent des gains de loterie néanmoins à moindre hauteur que les surprofits engrangés par l’industrie du panneau photo. Un nouveau secteur éphémère des installateurs avait surgi avant de s’éteindre quand les finances régionales reprirent la maitrise du système. Depuis la saga a débouché sur un nouvel épisode. Les conventions conclues entre ELIA, SIBELGA, ORES, les 3 régions et les bénéficiaires prévoient, différemment selon la région, que les bénéficiaires, soit seraient interdits de produire du courant sur le réseau, soit en continuant ils paieraient des amendes.
Ils produisent leur électricité, alors qu’ils éclairent pendant le jour, surtout par temps ensoleillé, qu’ils chauffent des piscines, enfin qu’ils la bouclent ! Autrement dit le système encourage la production supposée verte à condition qu’elle soit inutile, en tous cas qu’elle ne vienne pas perturber un système de distribution à sens unique sur mesure pour l’industrie capitaliste. Elle a toujours eu horreur des petits mêle-tout qui veulent poser le pied dans leur pré carré. Il n’y a pas de place dans le système énergétique capitaliste pour des alternatives vraiment renouvelables.
Un seul moyen permet d’entrevoir un avenir sans émissions : sortir de la logique capitaliste. Collectivisons les régulateurs des réseaux, les producteurs industriels d’électricité. Confions-les à une gestion démocratique qui permette le déploiement d’un réseau horizontal au lieu du réseau vertical actuel. Mettons en place les moyens d’étude publiques démocratiques des technologies à développer. Formons les milliers de travailleurs qualifiés pour les métiers nouveaux à faire émerger pour implanter des milliers de sites de production à partir du vent, du rayonnement solaire, de la biomasse de déchets, des cours d’eau et pour implanter des rationalisations d’énergie dans l’habitat, la mobilité…
Notes